C’est une énorme surprise. L’auteur de la quête de l’identité, du questionnement du chaos du monde, de l’Occupation allemande et de la paternité, vient de remporter la plus prestigieuse distinction littéraire au monde. Selon le communiqué de l’Académie suédoise, Modiano a été récompensé pour son « art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation ».
Depuis aujourd’hui, c’est alors officiel : l’œuvre de Patrick Modiano « fait preuve d’un puissant idéal », selon la formule consacrée dans le testament d’Alfred Nobel. Lui-même pourrait répondre avec une citation de son livre Un Pedigree : « J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne. »
Le prix Goncourt en 1978
Né le 30 juillet 1945 à Boulogne-Billancort, Patrick Modiano vit une enfance terrible entre l'absence de sa mère, une comédienne flamande, et de son père divorcé. Il trouve finalement son salut dans l’écriture, après une rencontre avec Raymond Queneau en 1966. Avec Les Boulevards de ceinture, Grand prix du roman de l’Académie française en 1972, il devient une figure incontournable de la littérature française, avant d’emporter le prestigieux prix Goncourt en 1978 avec son sixième roman, Rue des boutiques obscures.
L’écrivain français vient de publier en septembre 2014 un nouveau roman, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. Une histoire « labyrinthe » autour d’un ancien écrivain, sexagénaire comme Modiano, qui vit éloigné du monde. Mais avec le prix Nobel, le monde va arriver à grands pas dans la vie de Modiano.
Pas d'Africain cette année
La joie de Patrick Modiano et la fierté de la France d’avoir un quinzième auteur à recevoir la distinction, sont à la hauteur de la déception pour d'autres. L’espoir du continent africain était porté par le Somalien Nuruddin Farah, grand défendeur de l’histoire de son pays, mais surtout par l’œuvre anticolonialiste du Kényan Ngugi wa Thiongo, réputé pour son style à la fois sophistiqué et populaire.
En amont, l’écrivain africain avait même devancé l’auteur japonais Haruki Murakami, l’autre favori émergé parmi les 210 candidatures soumises aux membres de l’Académie pour ce Nobel de littérature 2014. L’Afrique reste pour l'instant le parent pauvre de la plus haute distinction littéraire, avec seulement quatre auteurs primés depuis 1901, dont les Sud-Africains John M. Coetzee et Nadine Gordimer en 2003 et 1991, précédés par le Nigérian Wole Soyinka en 1986 et l’Égyptien Naguib Mahfouz en 1988.
En 2014, l’Académie suédoise à Stockholm est restée fidèle à son goût de créer la surprise. Et ce n’est pas la Bélarusse Svetlana Alexievitch qui dira le contraire : elle avait été la deuxième fois donnée comme grande favorite.
RFI