Comme à l'accoutumée, le département de Mbagne, par le village de Dabano dont est issu Abass Diallo, vient, une énième fois, de défrayer la chronique et l'histoire, dans son sempiternel bégaiement, vient de reproduire les affres des années de braise par la mort d'un innocent fils du département, ci-devant soutien d'une nombreuse progéniture et seul espoir de sa famille profondément affligée.
Le déroulé des évènements, à bien d'égards, rappelle les pages sombres de notre armée dans une vallée mise sous coupe réglée, avec sa longue liste de violations des droits de l'homme et des exécutions extra-judiciaires. Dans sa fuite en avant, le pouvoir s'est empressé d'étouffer un meurtre de sang-froid en adulterant les faits. Après avoir accusé le défunt Abass d'être armé, pour faire passer comme lettre à la poste la thèse de la légitime défense du pauvre soldat qui a effectué un tir de sommation venu, par on ne sait qu'elle pirouette, loger sa balle meurtrière dans la région du coeur de l'infortuné, le pouvoir a versé dans la cruauté, en présentant la malheureuse victime comme ayant des antécédents judiciaires. Pour se disculper et couvrir les forfaits de son armée, le pouvoir a dépêché, dare-dare, à Dabano le préfet, accompagné d'autorités militaires de la zone, pour soudoyer la famille de la victime, par une somme d'un million que cette dernière a dignement refusée, exigeant que justice soit faite. L'état-major, entre temps, s'est fendu d'un communiqué pour disculper l'élément ayant ouvert le feu sur le pauvre Abass Diallo.
Comprenant qu'une telle piste conduisait à une grave impasse, le régime décide de changer de fusil d'épaule, de varier sa recette qui, cette fois encore, prendra un tour cruel. Les élus du département de Mbagne sont mis à contribution. Heureux de se faire enrôler dans un tel rôle, les députés débarquèrent, débordants d'optimisme et avec un tour dans leur sac : se légitimer par la cooptation d'autorités religieuses issus de certains villages. Leur sinistre dessein était, tout simplement, de contraindre la famille à revisiter sa position initiale et à aller dans le sens des premiers émissaires renvoyés à leurs chères études. En un mot, à se défroquer, à jeter dans l'oubli ses exigences de justice. La réunion de Dabano qu'ils initièrent fut préparée, avec leurs hommes de main locaux mêlés à la délégation.
La rencontre, dirigée par quelques habitants du village à la moralité contestable, fut une mascarade, une insulte envers les répondants légitimes d'Abass Diallo, volontairement ignorés pour leurs voix discordantes que les députés ne souhaitaient pas entendre. Le satisfecit proclamé, après la rencontre, cache très mal la réalité sur le terrain.
En effet, pour lever tout équivoque, pour aussi se blanchir, devant une solidarité de milliers de mauritaniens, meurtris par le meurtre, les vrais répondants de la victime, sa mère, son oncle et l'Imâm de la mosquée, ont pris la parole, tour à tour et dans différents supports médiatiques, pour rappeler leur exigence de justice et flétrir les conclusions tirées par les fameux envoyés, obsédés par le besoin de prouver une popularité inexistante auprès de leurs maîtres.
La famille du défunt, sensible à la solidarité qui lui a été manifestée par les mauritaniens de tous bords, réitère sa demande de traduction du coupable, devant les institutions judiciaires. Elle fait sienne la revendication de l'écrasante majorité des mauritaniens, convaincue que ce meurtre, en passant par pertes et profits, peut ouvrir notre pays à des jours brumeux.
Heureusement, l'appel de la famille pour une justice véritable fait tâche d'huile. Après sa prise en charge par des manifestants dans les villes américaines, suite au décès de George Floyd, la rencontre de Banjul, initiée par le commission africaine des droits de l'homme, s'est fait l'écho du lâche assassinat d'Abass Diallo et a interpellé le gouvernement mauritanien. Preuve que les patriotes, de tous bords, ont porté la lutte jusque dans les tribunes internationales et que cette mission doit être poursuivie pour mettre à nu les manigances d'un pouvoir peu inspiré.
Chérif Ba, Cincinnati USA