Dans sa déclaration du 31/03/2015, la Ligue des Ulémas affirme qu’il n’y a plus d’esclavage légal dans le pays. Ces allégations résultant, nous fait-on croire, d’un diagnostic et d’une analyse de la situation actuelle du pays conduits par son bureau exécutif réuni en conclave le 26 Mars 2015en application de la fatwa de 1981, ce qui, de prime abord, leur ôte toute crédibilité, eu égard à l’incohérence et au manque de réalisme de la dite fatwa.
Cela est d’autant plus vrai que cette fatwa et l’ordonnance 81 – 234 du 9 Décembre 1981 qui constitue son couronnement, viennent contredire les enseignements du saint Coran. En effet Allah ne dit-il pas dans le verset 70 d’«Al-Isra», (Le voyage nocturne) : « Certes, Nous avons honoré les fils d'Adam. Nous les avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures. »
L’islam, religion de liberté et d’amour, a toujours appelé à la préservation de la dignité humaine. Qui plus est, l’esclavage dans cette contrée est le produit de plusieurs siècles d’anarchie et d’obscurantisme au nom desquels des hommes libres furent assujettis. Alors que l’Islam interdit clairement et catégoriquement toute pratique primitive de la capture de personnes libres, pour les réduire à l’esclavage ou pour les vendre en tant qu’asservies. Sur ce point, des propos clairs et péremptoires du Prophète— paix et bénédiction sur lui— citant Allah affirment : « Je serai l’adversaire de trois catégories de personnes le Jour du Jugement » ; parmi ces trois catégories, il cita « celui qui asservit un homme libre, puis le vend et récolte cet argent. » (rapporté par Al-Bukhârî et Ibn Mâjah) ; sachant que les termes de cette tradition prophétique sont généraux et n’excluent personne.
La prétendue abolition faisant suite à l’ordonnance précitée, décrétée sur la base de la fatwa de certains Ulémas (qu’Allah leur vient en aide) et qui « donnera lieu à une compensation au profit des ayants droits » au préjudice des esclaves, visait purement et simplement la légitimation de l’esclavage et l’absolution des maîtres. Mais désavouée comme il se doit, l’ordonnance ne connaîtra jamais le début d’application.
C’est pourquoi, devant la survivance de l’esclavage et face aux dénis des régimes, APP, qui est le premier parti politique à initier la lutte anti-esclavagiste avant d’être suivi en cela par d’autres forces, continue le combat consacré par la promulgation de la loi 0048 – 2007 interdisant et criminalisant les pratiques esclavagistes que les réformes issues du dialogue de 2011 élèveront dans la constitution au rang de crime contre l’humanité imprescriptible.
Cependant, en dépit d’un arsenal juridique existant, la volonté de l’application fait curieusement et tragiquement défaut. Les conséquences sont sans appel (tensions, heurts, crises…), du fait des parodies de justices et des décisions attentatoires graves, par ce temps de recrudescence des revendications à visées identitaires, communautaristes, tribales et particularistes.
C’est pourquoi APP, qui n’a jamais cessé de mettre en garde les Mauritaniens contre les dangers à même de compromettre l’existence du pays, du fait de l’incurie honteuse, de l’indifférence curieuse et l’incapacité criante du pouvoir à concevoir un programme d’actions efficientes et efficaces :
Affirme que toute tentative consistant à surfer sur la fatwa de 1981 dont s’inspira l’ordonnance de 1981 ramène le pays à la quadrature du cercle et ouvre la porte à tous les risques ;
Met en garde contre tout cynisme qui tend à un quelconque déni d’esclavage ou risque d’en minimiser les conséquences, ou ignorer l’impatience des victimes ;
Affirme que toute volonté réelle de mettre fin de l’esclavage au plan juridique passe par la reconnaissance de facto de l’illégitimité de l’esclavage en Mauritanie, connaissant leurs sources ;
Demande le pouvoir d’émettre des décrets d’applications pour les lois existant relatives à l’esclavage et ses séquelles, et la conception de programmes complets crédibles loin de toute propagande pour l’amélioration des conditions de vie économiques, sanitaires et éducatives des victimes ;
Engage le pouvoir à donner des instructions fermes à l’administration, aux forces de l’ordre et de sécurité, à la justice pour un traitement sérieux et juste des dossiers de l’esclavage ;
Convie les Mauritaniens, toutes obédiences confondues, à un dialogue social consensuel et inclusif à même de résoudre l’ensemble des problèmes sociaux inhérents à l’unité nationale et la cohésion sociale, entre autres l’esclavage qu’il est plus que jamais urgent de bannir ;
Salue l’éminente fatwa de l’érudit Cheikh Ahmed Jiddou Ould Ahmed Bahi, tout en espérant qu’elle fasse des émules parmi nos Ulémas.
Nouakchott, le 03 Avril 2O15
Commission de communication