Hommage à Murtodo Diop :Les mauritaniens se souviennent d’un patriote universaliste…

mar, 06/14/2016 - 14:17

« … C’était pour moi un grand honneur, d’avoir lu ce jour là le communiqué en arabe près de  Mourtodo, qui la lu en français. Et je garde jusqu’à aujourd’hui une photo de cette rencontre, qui m’est très chère. Car il s’agit d’une poignée de main contre l’injustice. »

Ces propos d’Ahmed Ould Wodiaa sont, entre autres témoignages, l’expression du vibrant hommage que des mauritaniens ont rendu, vendredi 10 juin2016, à l’hôtel  Tfeyla,  au regretté  Mamadou Samba Diop dit Mourtodo à la faveur d’une conférence organisée sur la vie et la dimension de cet homme de culture et militant déterminé des droits de l’homme disparu il y a quelques années. Animée par le chercheur et épistémologue M. Beddy Ould Ebnou cette conférence a attiré plusieurs personnalités politiques, culturelles et militantes des droits humains.

Une lecture de la Fatiha en mémoire du défunt a été suivie  de la déclamation de l’extrait  de son ouvrage poétique sur les bravoures en Afrique "Nos héros". Cet  extrait, lu d’abord  en pulaar par Diallo Moussa président de DEKALEM  a été déclamé en français par Kaya Diop petit frère de Mourtodo.

A l’entame de son propos, Beddy Ould Ebnou a souligné que le but n’est pas d’enseigner à l’assistance la vie de Mourtodo Diop mais que son ambition est de cheminer avec eux,  sur un certain nombre de mots importants, qui dans le parcours de l’homme a coïncidé avec la grande histoire du continent africain, passant de la colonisation, à la deuxième guerre mondiale et pour finir à l’indépendance des pays colonisés.

«Mourtodo est né à Mbagne, et il a suivi ses études secondaires à Ndar, Saint louis. Il sest très vite distingué par son engagement politique, vers les années cinquante où le sort de l’Afrique colonisé était en discussion, en débat à l’échelle continentale africaine mais également  à l’échelle mondiale.» a-t-il déclaré.

Le conférencier a précisé que Mourtodo était hostile  à la dislocation de l’Afrique en états frontaliers. Position qui selon Ould Ebnou  mettait l’homme en dissidence avec son propre camp, pour qui la question culturelle importait peu.

Beddy Ould Ebnou a également évoqué l’amour que Mourtodo vouait à l’enseignement et au développement des cultures et en particulier la culture poulaar, a qui il a consacré le restant de sa vie, passant de l’écrire à l’enseignement et à la poésie.

Parlant des relations, l’épistémologue a indiqué que Mourtodo voyageait beaucoup de pays en pays et qu’il avait tissé un important réseau de connaissances de personnalités culturelles, politiques et intellectuelles.

En conclusion Beddy Ould Ibnou a déploré que beaucoup des écrits de Mourtodo Diop ne soient pas publiés et qu’il œuvre avec le mouvement DEKALEM pour que cela soit réalisé.

Au cours de cette conférence beaucoup de témoignages ont été faits par les participants sur la vie et le parcours de l’homme.  Nous en citons quelques uns.

Ibrahima Moktar Sarr salue « le pionnier, l’élément fondateur, reconnu à travers le monde entier »

Au cours de son intervention Monsieur Ibrahim Mokhtar Sarr, Président du parti AJD/MR, et homme de culture a souligné l’attention particulière de Mourdo à l’égard de la mondialisation et de  question culturelle. De celui que l’on surnomma Baba legnol, Ibrahim Mokhtar Sarr a dit : «Il disait  dans ce sens que l’occident en particulier les Etats-Unis d’Amérique détiennent l’essentiel de la culture mondiale. Et que tous les autres pays ne sont en vérité que des satellites. Et que nos cultures respectives vont être phagocytées par cette culture globale, qui est américaine essentiellement. De ce fait, la question fondamentale c’est surtout l’opposition qu’il ya entre les cultures nationales et la culture occidentale qui cherche à les gommer ». Et à ce niveau Mourtodo est un des plus grands défenseurs aujourd’hui au plan planétaires par rapport à la question fondamentale. Car il l’a compris très tôt».

Ibrahim Sarr a ajouté que «Mourtodo a apporté aujourd’hui une contribution inestimable au niveau de la sous région, par rapport au pulaar, il reste le pionnier, l’élément fondateur, reconnu à travers le monde entier. Là où vous allez que ça soit au Nigeria, au Cameroun, aux Etats-Unis, en Europe ou en Afrique celui le plus connu c’est Mourtodo ».

 «Tous ceux qui travaillent aujourd’hui dans les langues nationales qu’ils soient pulaar, soninké, wolof, sérère Bamabara connaissent Mourtodo. A Paris, où je l’ai retrouvé en 1981, il a crée Binndi et jangde, avec le camerounais Mamadou Aliw Modibo, Djibi Oumar Mbodj. Il avait une petite voiture, et sillonnait toute l’Europe pour créer les associations, qui existent aujourd’hui sous le nom  le cawtal jangoobe pulaar et fulwulde. Je l’ai accompagné dans certains de ses tournées. » A-t-il précisé.

En conclusion, le président de l’AJD.MR a  souligné que « Mourtodo a étudié toute les questions nationale dans le monde, pour pouvoir faire sa thèse sur la question nationale mauritanienne, il a lu tous ce qu’on avait écrit sur ça à travers le monde. Il comprenait pratiquement comment les autres  pays, se sont débrouillé pour transcender cette question. »

« Mourtodo est surnaturel ! », s’émeut Balas

Pour sa part, M.  Alassane Hamady Soma Ba dit Balas, Président du Parti mauritanien du Concret/Arc-en-ciel, a affirmé avoir rencontre  Mourtodo deux fois. Une fois dans la chambre de Mourtodo Diop à coté du carrefour Yerro Sarr à Elmina et la dernier fois chez lui où ils devaient prendre le repas ensemble. Durant cette rencontre Mourtodo lui a montré sa partie surnaturelle.

« Mourtodo est surnaturel. Il avait la possibilité d’interroger un petit verre d’eau.  Il peut interroger Beddy sur qu’est ce qu’il est et qu’est ce qu’il sera à la fin de sa vie. Il avait la possibilité d’interroger un petit enfant pur sans péché de 5ans ou six ans. Devant son verre d’eau, il  interrogeait sur la vie de tous ce qu’il voulait, il n’avait pas de point caché sur quelqu’un, sur l’état, le développement, la nature, sur le monde. Et il le voyait comme nous le regardons actuellement sur l’écran. Ça c’était le coté surnaturel  de Mourtodo Diop. » a affirmé le président du parti Arc en ciel.

Monsieur  Balas a souligné sur  un ton plein d’émotion, que s’il  vient devant ce pupitre c’est surtout pour que la  camera de l’au-delà montre à son ami Mourtodo, qu’il est bien là aujourd’hui à cette cérémonie de reconnaissance et qu’il est son ami et qu’il le restera toujours, jusqu’à ce qu’il  le retrouve dans l’au-delà.

 

Ouadia rappelle la « dimension  d’homme de savoir et de pensée  spirituelles » 

Au cours de cette conférence, le journaliste  Ahmedou wodiaa,   a également  présenté un témoignage marquant sur la vie de Mortodo Diop.

«Je remercie mon ami Bedou, et mes amis à DEKAlem, qui m’ont donné cette occasion de m’exprimer devant le public. C’est également une grande  occasion,  durant le ramadan, que nous parlons de la vie de l’homme. Un des pionniers, qui malheureusement, a été négligé par ses propres autorités.

Je l’ai rencontre pour la première fois en 2003, dans une mosquée à paris en présence de beaucoup de jeunes mauritaniennes, qui organisaient une nuit pédagogique. Et cette nuit Mourtodo était l’animateur. Il parlait du coran, et de la réflexion coranique.  Ce qui a marqué beaucoup de jeunes, qui étaient présents. Car beaucoup le connaissait sous sa casquette d’homme de culture, d’homme politique et non dans sa dimension  d’homme de savoir et de pensées spirituelles. 

« Je le connaitrai plus tard, avec le président Jemil Mansour, lorsque nous étions en exil en Belgique. Durant la première manifestation au sit-in tenu devant le parlement européen, Mourtodo était là présent.  Et c’était pour moi un grand honneur, d’avoir lu ce jour là le communiqué en arabe près de  Mourtodo, qui la lu en français. Et je garde jusqu’à aujourd’hui une photo de cette rencontre, qui m’est très chère. Car il s’agit d’une poignée de main contre l’injustice »

L’Ex directeur de publication de l’établissement de presse Essirage, a souligné que Mourtodo, avait une tribune fixe au niveau du journal  en français « Essirage hebdo », et que son établissement envisageait la publication de ces écrits sous forme de livret.

 

Le patriote jusqu’au dernier souffle

Monsieur Kane  Mamadou Alhouseinou de COVIRE  a affirmé que : « je ne connais pas Beddy, je ne faisais que le lire à travers le net. En tout cas il nous a présenté une facette de mourtodo qu’on ne connaissait pas. Parce que vous avez vraiment fait sortir une dimension intellectuelle et politique et à la fois scientifique  de Mourtodo. Moi j’ai connu Mourtodo alors, que j’étais très jeunes, ils venaient avec Ibrahim Sarr et Saidou Kane  à Rosso, vers les années  1977, et ils organisaient des séances de causeries traditionnelles. C’étaient les premiers à nous enseigner la langue poulaar. Et depuis lors on a vu par rapport à son combat, il n’a pas lâché sauf durant la période de braise. Mais lorsqu’il est revenu en Mauritanie, le dernier temps de sa vie, il a pu mobiliser toute la masse. Il a su montrer le caractère pacifique du combat qu’il menait et  de l’idéal qu’il avait pour que toutes les couches de la Mauritanie travaillent dans la symbiose et que toute les couches de la Mauritanie sachent qu’il n’ya pas de blanc ni de noir mais que tous aillent ensemble pour que la Mauritanie soit ce qu’elle doit être. »

Mr Kane a demandé à ce que ce genre d’activités soit organisé dans des quartiers comme Sebkha et Elmina ou l’Homme est plus connu.

Dr Dia Alassane de TPMN, a souligné pour sa part, que ce genre de conférence devrait être organisé aussi bien au sebkha et elmina mais aussi à Atar, ou Nema, pour permettre aux autres communautés de découvrir qui est Mourtodo.

« Ce qui est important c’est que tous les mauritaniens s’approprient cette personnalité. Il est important qu’il n’y ait plus de cloisonnement des nos personnalités. Malheureusement les mauritaniens sont cloisonnées, les communautés sont cloisonnées. On ne connait pas assez les grandes personnalités à travers les différents communautés» a ajouté le président du mouvement Touche pas à ma nationalité.

Dr Dia a conclu en saluant l’initiative de cette conférence et en espérant « qu’il y’aura demain une conférence à Atar, où il n y’aura ni halpoular, ni wolof ni soninké mais seulement des maures et on parlera inchallah de Mourtodo »

El Hadj Souleymane Diop, le président des ressortissant de Mbagne à Nouakchott, qui souhaitait parlé en dernier lieu  a souligné avoir découvert une nouvelle dimension  intellectuelle et universelle de Mamadou Samba Diop dit Mourtodo Diop à travers la présentation de Beddy.

«Nous connaissons Mourtodo sous le nom de Mama Béré, et tous les mbagnois le connaissent plus par cette appellation.  Je retiens Mourtodo comme l’homme qui a découvert sa mission de vie, qui consiste à être au service des autres. Et sa a été constant dans sa vie car Mamadou Samba Diop est resté toujours au service des autres.  Vers 1958 et 59, en tant que élève, quand il revenait en vacance, il organisait des cours de vacances au profit des élèves. Quand il était fonctionnaire douanier, sa maison, même son lit à coucher ne lui appartenait pas. Les gens rentraient  et sortait comme ils voulaient et tous étaient disponible à gogo.  il défendait les jeunes.  Quand un jeune était brutalisé dans sa famille, Mamadou Samba Diop se fait l’avocat de ce jeune. Je demande aux jeunes de s’inspiré de lui pour développer les langues nationales. »

Oumar Ba président de l’Association Pour la Renaissance du Pulaar en République Islamique de Mauritanie (ARPRIM) : «Mourtodo n’a jamais eu de divergence avec quiconque. C’est une personne qui a œuvré réellement pour la valorisation de la culture pulaar. Pas seulement le poular mais toutes les langues et cultures africaines.» 

C’est donc le patriote jusqu’au dernier souffle qui a souhaité l’unité des communautés au sein de la Mauritanie que les mauritaniens ont salué ce vendredi à Nouakchott.

Oumar Amadou M’baye

pour Essirage.net