Le 12 juillet 2016, le président d'IRA-Mauritanie, au cours de sa tournée Africaine, a été reçu par la coalition ivoirienne des droits de l'Homme: CIDDH. La CIDDH est un réseau constitué de plusieurs organisations ivoiriennes de défense des droits humains, affiliée à la coalition de la société civile Ouest-Africaine et à la coalition panafricaine de la société civile et à la commission Africaine des droits de l'Homme et des peuples.
Les discussions entre Marthe-Pedan Coulibaly, présidente de la CIDDH et les présidents des ongs membres de la coalition d'une part, et le président d'IRA-Mauritanie d'autre part, se sont focalisées sur les thèmes suivants:
1- Répression et harcèlement des défenseurs des droits humains en Mauritanie, avec point focal sur la série d'arrestations et simulacres de procès des détenus d'opinion issus des mouvements IRA-Mauritanie, Le 25 février et Manicharigasoil.
2- L'esclavage sous toutes ses formes sévissant en Mauritanie, la discrimination raciale, les expropriations foncières et déplacements forcés, la torture; musèlement de la presse, des partis politiques d'opposition, obstruction à la liberté d'association et d'entreprise.
3- Les deux partie ont décidé une série d'actions communes contre l'Etat très critiques des droits humains et de la démocratie en Mauritanie à travers les canaux des institutions sous régionales, panafricaines et internationales d'alerte, d'interpellation et de sanctions.
En début de réunion, Biram Dah Abeid a introduit les débats par la communication suivante :
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Mauritanie, Numéro 1 de l’esclavage des noirs en Afrique
Réalité de la situation des défenseurs des droits humains
Note d’information pour la Coalition Ivoirienne des Défenseurs des Droits de l’Homme
Abidjan (CI), 12 Août 2016
En Mauritanie, depuis 1978 les pouvoirs militaires se succèdent mais l’exercice de l’Etat reste le monopole d’une composante de la population, aujourd’hui minoritaire ; la domination de ce groupe procède d’un système esclavagiste et anti-noir. Malgré la profusion de textes législatifs contre la servitude héritée, le racisme et l’exclusion, ainsi que des normes protectrices de l’enfants et des femmes, les autorités ont toujours assuré, aux esclavagistes, l’impunité totale ; parallèlement, elles couvrent, encore, les exécutions de masses extrajudiciaires de civiles et de militaires noirs mauritaniens, opérées, durant les purges ethniques de 1986-1991. Dans ce contexte historique, de ruse sur le droit et de diplomatie de la dissimulation, les gouvernements successifs s’évertuent à empêcher le fonctionnement normal des ONGs de défense de la dignité de l’Homme et de l’égalité des citoyens. Emprisonnés et réprimés avec violence, leur voix ne cesse de porter à l’intérieur et hors des frontières de la Mauritanie.
La Mauritanie, championne des ratifications de traités et de conventions internationales, répugne, en proportion inverse, à consentir l’effort requis pour honorer ses engagements, grâce à leur mise en œuvre. Le pouvoir ethno-tribal use de moyens substantiels et d’un zèle jamais démenti, afin de réduire au silence les défenseurs de droits de l’homme, mener des campagnes médiatiques et diplomatiques d’occultation de son passif et démentir, ainsi, l’existence de l’esclavage par ascendance, un fléau multiséculaire en Mauritanie, d’ailleurs légitimé selon une fausse interprétation de l’Islam.
Concernant l’esclavage et ses séquelles, lors de son dernier examen périodique universel (EPU) en novembre 2015 á Genève, la Mauritanie a reçu 40 recommandations sur un total de 200, contre 18, seulement sur 152, au précédent de 2010. Cette hausse démontre l’inefficacité des autorités dans la lutte contre l’esclavage mais confirme, surtout, le succès, des groupes abolitionnistes, à sensibiliser, la communauté internationale, sur les abus contre l’intégrité de la personne en République islamique de Mauritanie.
Le mouvement IRA-Mauritanie et son président Biram Dah Abeid ont été primés, par plusieurs distinctions internationales, en reconnaissance du combat contre l’esclavage traditionnel, l’usurpation foncière, l’exclusion des noirs et l’expropriation des terres arables dans la vallée du fleuve Sénégal. La réponse des autorités mauritaniennes a toujours consisté en l’usage de la violence, sur les militants désarmés, les arrestations arbitraires et les procès d’opinion, ponctués de falsifications de preuves à charge.
Dans sa stratégie de détruire IRA Mauritanie, le régime du General Abdelaziz a ordonné, en juillet 2016, l’arrestation de toute la direction du mouvement et ce juste quelques jours avant le dernier sommet de la Ligue arabe, tenu à Nouakchott.
Les événements douloureux de 1986-1991 illustrent, quant à eux, une tentative de génocide de l’ethnie Halpullar, sur la frontière avec le Sénégal. Le régime militaire avait déporté, par milliers, une partie de sa propre population noire vers les pays voisins d’Afrique subsaharienne et mené une campagne de dénégrification au sein des forces armées et de sécurité ; ainsi, des centaines de soldat et officiers furent torturés et exécutés, dans les casernes et camps de détentions, dont 28, pendus, la veille du 28 Novembre 1990, en célébration de la fête de l’Indépendance. Les tortionnaires et les commanditaires de ces atrocités sont toujours libres, vivent une retraite paisible ou décèdent de longévité quand ils n’occupent de hauts postes, protégés par une pseudo-amnistie, licence d’un Parlement composé de leurs proches, alliés et parents.
Exemples de violences physiques contre les membres de IRA-Mauritanie.
Actuellement, et ce depuis la fin du mois de juin 2016,13 membres dirigeants d’IRA-Mauritanie croupissent dans les geôles du pouvoir. Ces militants ont été d’abord interpellés, avec brutalité, par des policiers en habits civils et ce sans que ces derniers déclinassent leurs identités aux personnes arrêtées, ni les informer des motifs. Les agents, parfois masqués, placent une bande de tissu sur les yeux des activistes, pour les conduire dans des lieux impossibles à identifier. Parvenus à destination, les futurs prévenus sont déshabilles, jetés dans des cachots humides, nauséabonds et insalubres. Ils sont attachés par des menottes en fer, qui lient la main au pied, et dans des positions inconfortables, pendant plusieurs heures, avec renouvellement du supplice, par alternances des postures. Les policiers, en charge de la torture, actionnent le joug, à intervalle irrégulier, pour produire des maux aigus, surtout lors des interrogatoires.
Les auditions sous contrainte corporelle visent à obtenir des faux aveux de complaisance et de faux témoignages qui étayeraient la thèse des services de renseignement selon laquelle l’organisation IRA a planifié et exécuté les émeutes sur la scène du lieu-dit « Adabaye Bouamatou » le 29 juin2016. Pour extorquer le propos à l’appui de l’accusation, les policiers infligent d’anciennes recettes de sévices, de la police politique. Par exemple, ils ont enchaîné certains détenus comme Moussa Biram, Abdallahi Maatala Seck et Abdallahi Abou Diop, en nouant leurs mains aux pieds, par derrière. Les tortionnaires attachent et serrent douloureusement les prisonniers, par une corde et les suspendent, à distance du sol, sur des barres de fer. Les autres, entendent les cris de douleurs, ce qui contribue à affaiblir leur moral et les incite à « tout dire ».
D'autres, tel Amadou Tidjane Diop, ont été complètement déshabillés, insultés copieusement et menacés de mort s’ils n’acceptent d’avouer qu’ils ont participé á la violence contre la police. Leurs yeux et visages ont été bandés jusqu’au bord de l’asphyxie, incapable de respirer, leurs narines bouchées par un tissu. Sur plusieurs jours du Ramadan, les tortionnaires assoiffaient les détenus, leur refusant de l’eau et les affamaient tout le long de l’interrogatoire ; le peu de repas qu’ils recevaient a été mélangé à du sable et des déchets solides, en quantité variable, d’un détenu à l’autre. Les coups de cravache et de matraques constituaient le lot quotidien de certains parmi eux, en particulier durant les séances de questions. Les vagues de supplice s’étalent, en général, de 20 à 30 minutes, entre 2 et 7h du matin, sur plusieurs jours.
Perspective de la lutte
Il convient de rappeler le contexte de la répression du mouvement abolitionniste en Mauritanie, dès le lendemain du coup d’Etat militaire du 6 août 2008, contre le premier Président élu à la faveur d’un scrutin pluraliste, Sidi Mohamed Ould Cheilh Abdellahi. L’année suivante, le Général auteur du putsch, actuel Chef de l’Etat, se présente au suffrage universel direct qu’il remporte par la fraude, et avec le soutien de la France.
Réélu en 2014, par des opérations de fraudes massives, l’instrumentalisation des différents corps de l’Etat, ainsi que par l’usage des symboles et argent, publiques, il tend, depuis, à exacerber le communautarisme pour exciter la communauté arabo-berbère, celle des anciens maitres, à se souder, autour de lui, afin de faire barrage au prétendu péril démographique noir. Au travers des média, des mosquées, tribunaux et force de l’ordre, le message est ainsi dupliqué, diffusé, martelé : pour cette propagande officielle, les nègres, en particuliers, ceux descendants d’esclaves, incarnent une menace majeure à l’ordre et à la cohésion nationale, c’est-à-dire le statuquo, fruit de la domination ethno-tribale.
Les populations maures arabo-berbères, dans leur grande majorité, vivent dans le conditionnement par cette propagande ; celle-ci produit l’effet de les arrimer au noyau de l’hégémonie, qui se cristallise autour de son expression la plus immédiate, l’institution militaire, en somme le commandement des forces armées et de sécurité. Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz s’érige gardien et continuateur de ce lien social par la panique ; ses services de renseignement fabriquent et entretiennent, à l’usage des fils et petits-fils d’anciens maîtres, la crainte exagérée, démultiplié, dramatisée, de l’éveil des noirs à la citoyenneté.
En parallèle, les partis politiques, personnalités indépendantes, mouvements de jeunes et hommes d'affaires, issus du groupe dominant arabo-berbère, s’exposent à la persécution et à la spoliation, dès lors qu’ils osent se désolidariser de cet esprit de corps ou en déconstruire les ressorts idéologiques. Aujourd’hui, non sans courage et en dépit de leur nombre modeste, les maures progressistes se retrouvent emprisonnés, exposés à la diabolisation et, pour certains, réduits à l’exil.
Quelques témoignages des victimes de l’esclavage par ascendance
Dans le but d’aider le public à se faire une idée de la souffrance morale et physique, subie de génération à la suivante, par des descendants d’esclaves, l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) recommande la lecture des témoignages joints à la présente note. Il est à noter que tous les cas, portés devant les autorités du pays, sont été classés, sans suite. La justice les relègue, toujours, au chapitre, soit des litiges familiaux soit des rapports de travail, car l’interprétation locale de Charia Islamique (l’unique source de référence légale, selon la Constitution) définit l’esclave comme propriété du maitre ; le dernier exerce, sur le premier, droit de vie et de mort.
Document produit 2013 par IRA-Mauritanie sur le cas de Mm Salma mint Meydouwa et sa famille.
Interview avec Mm Mbeyerka Vall Mint Mahmoud, publié par le journal Le Calame 2013 (http://www.lecalame.info/contenu_news.php?id=5701)
Communiqué de presse de IRA-Mauritanie de 2013 sur le cas de Mm Khdeija mint Dada et sa descendance qui avait vécu quatre générations sous le joug des pratiques d’esclavage domestique
Biram Dah ABEID
Président de Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie.