Prévu pour reprendre le mardi 9 août, le procès des militants d'IRA a eu du mal à redémarrer et pour cause. Dans une lettre transmise par le régisseur des prisons à la Cour, les prévenus expliquaient clairement qu'ils ne comparaitraient plus, par eux-mêmes, devant les magistrats si la police continuait à réprimer leurs camarades, les familles de ces derniers et si elle s'obstinait à les empêcher d'accéder à la salle d'audience. Or, le moins qu'on puisse en dire, est que tel ne fut pas le cas. Bien au contraire. le nombre de blessés par agression policière ne cesse de croître et le périmètre du Palais de justice est toujours zone interdite.
C'est ainsi que la police a dû extraire, par la force et la contrainte, les prévenus de leur cellule pour les transporter manu militari au Palais de justice. Mais là, les prisonniers ont de nouveau résisté et refusé de descendre du panier à salade de la police. Il s'en est suivi une rixe qui a nécessité l'intervention, au prés des prévenus, de quelques uns des membres les plus écoutés du Collectif de défense (MM. le Bâtonnier Cheukh Ould Handi, les Doyens Yarba Ould Ahmed Saleh et Lô Gourmo Abdoul) pour amener les militants à accepter de descendre et de rentrer en conciliabule avec le Procureur avant d'accéder à la salle d'audience. Après une longue discussion, le Procurer s'est engagé, en présence des avocats, à laisser le public accéder à la salle d'audience, à donner des instructions pour cesser la répression contre les militants à l'extérieur du Tribunal et à œuvrer pour réunir les conditions nécessaires pour le déroulement normal du procès. En contre partie de ces promesses, qui sont, après tout; d'une grande banalité en temps normal et qui ont été présentées par le Procureur comme étant des concessions majeures, les prévenus s'étaient engagés à accepter de se présenter le lendemain de leur plein gré au tribunal.
Le lendemain, mercredi 10 août, la séance a commencé de la façon la plus normale possible, en présence de toutes les parties. La répression à l'extérieur du Palais a marqué un répit ce qui a eu comme effet immédiat le remplissage des gradins de la salle d'audience de militants et de sympathisants d'IRA et de leurs proches.
Mais, chassons le naturel, il revient au galop! Dès l'audition des prévenus, des événements d'une rare gravité se sont produits remettant en cause le fonctionnement même de la Cour et en doute sa capacité de mener un procès de cette importance dans des conditions réunissant un minimum de normalité pour ne pas prétendre à l'équité ou à la justice.
- Pour commencer, le président de la Cour a décidé d'éloigner les prévenus en les enfermant dans une salle adjacente et en prévoyant de les appeler pour les écouter un à un et chacun à son tour. Or, il est connu que des prévenus impliqués dans la même affaire de peuvent pas être entendus par la Cour de façon séparée. Tous doivent pouvoir entendre les réponses de chacun et le voir pendant qu'il répond aux questions de la Cour. Evidemment, les avocats de la défense ne se firent guère prier pour relever cette entorse manifeste à la procédure. Après moult pressions et pressions contraires, le Président fit machine arrière et autorisa l'ensemble des prévenus à rester groupés dans le box des accusés. Le premier à être interrogé était Moussa Biram
- En plein débat entre partie civile et défense, le Président est intervenu pour interdire aux avocats des militants d'IRA de monter sur l'estrade ou de s'approcher de lui ou du prévenu dont l'audition est en cours. Pour appuyer cette interdiction, le Président intima l'ordre aux policiers d'empêcher les avocats de s'approcher de l'estrade. Ainsi quand Maître El iid Ould Mohameden, avocat de la défense, a voulu transmettre un document au Président, il fut physiquement agressé par un policier et ce au vu et au su du Président de la Cour. Encouragé par cette complicité du Président, un second policier s'est mis à débiter un flot d'insultes et d'insanités en direction du banc des avocats de la défense ce qui a eu comme conséquence prévisible le retrait de ses derniers de la salle d'audience en protestation devant l'humiliation dont ils sont l'objet. Pour calmer la situation, le Président de la Cour finit par présenter ses excuses aux avocats en promettant de renvoyer les policiers insulteurs de la salle d'audience, ce qui permit au procès de reprendre son cours.
- Les réponses de Moussa Biram furent d'une très grande pertinence et ont eu pour effet de déstabiliser la stratégie de la partie civile. Pour tenter de reprendre la main, le Procureur décida de projeter une vidéo censée prouver les accusations proférées contre Moussa. Mais, ce faisant, Monsieur le Procureur feignait d'ignorer le code de procédures qui interdit formellement, par son article 278, tout usage d'appareil d'enregistrement audiovisuel (appareil photographique, enregistrement sonore, vidéo, film...) en cours de séance. S'en suivit une empoignade verbale entre la défense et la partie civile au milieu de laquelle, le Président décida de suspendre la séance jusqu'à lundi 15 août et ce sans trancher la question de l'usage de cette appareil pourtant clairement objet de l'article 278 du code de procédures.
Que décidera le Président lundi prochain? Acceptera-t-il la violation d'une disposition claire et nette du code de procédures? Est ce que l'Exécutif voudra intervenir dans ce procès plus directement?
- De nouveau la question de l'omniprésence de la police et de son double rôle de juge et de partie mérite d'être posée. C'est la police qui porte plainte, pour soit disant agression contre l'un de ses éléments, c'est la police qui mène l'enquête et c'est la police qui est chargée de sécuriser le tribunal où son affaire est jugée! La nervosité des éléments de la police à l'encontre des militants d'IRA mais aussi à l'encontre des avocats de ces derniers est un signe patent de leur implication dans ce procès et une preuve supplémentaire de leur partialité dans cette affaire. Il est donc urgent que ce corps soit dessaisi au moins de la mission de la sécurisation du Palais de justice et remplacé par celui de la gendarmerie.
Nouakchott le 12 août 2016
La Commission de Communication