Fidèle à sa nature et mettant dans l’embarras ceux qui le pensaient capable de bien faire, le pouvoir à procédé jeudi soir au lancement de « son dialogue », dans une ambiance de déjà vu pour les Mauritaniens ; un remake de la même comédie de mauvais goût dont les préliminaires annoncent déjà ce qu’en sera la fin.
Le Forum National pour la Démocratie et l'Unité (FNDU) avait, quant à lui, déclaré, à plus d’une reprise, que la crise que vit le pays, ainsi que les graves dysfonctionnements qui affectent les différents secteurs de l'État, l'impasse où se trouvent les nouvelles générations, la gabegie et l’improvisation qui marquent l’action publique, les conditions désastreuses des populations assaillies en même temps par la hausse des prix, le chômage endémique et la déliquescence du service public ; tout cela donc exige un niveau de responsabilité qui requiert de la hauteur de vue et du sens de l’anticipation.
Il exige un dialogue sérieux, auquel participent les diverses parties prenantes, suivant un processus de nature à déboucher sur des résultats à la mesure des défis et sur des outputs qui peuvent asseoir la démocratie et ouvrir la voie à l’alternance pacifique au pouvoir.
Nous avons indiqué que, pour nous, un tel dialogue exige deux choses évidentes :
• La première, c’est que nous soyons dès le départ partie prenante aux préparatifs, au choix de la forme, aux mécanismes, à la définition des thèmes et du format de ce dialogue, loin des invitations complaisantes et carnavalesques, qui dénotent le manque de sérieux et faussent l’équilibre, qui conduisent à la confusion et aboutissent à des résultats douteux et à des décisions unilatérales qui se prennent en l’absence de tous et dans le mépris de tous.
• La seconde, c’est que nous obtenions les garanties suffisantes, surtout concernant la neutralité de l'Etat, de l’administration et de leurs organes respectifs, la création d’un climat de transparence et d'égalité des chances dans toutes les échéances électorales en vue et que le dialogue aboutisse à la mise en place de mécanismes clairs et consensuels pour l’exécution et le suivi de ses conclusions.
Nous sommes parvenus à cette approche au vu de nos propres expériences passées avec ce régime, ainsi que de celles d’autres qui, toutes, montrent que ce dernier ne cherche que les aspects formels et carnavalesques du dialogue, et en néglige complètement le contenu et les résultats ; et qu’il se délie, à la première occasion, des engagements qu’il y a pris.
Aussi, engager un dialogue avec ce pouvoir requiert-il des préliminaires, des préparatifs et des assurances qui garantissent un minimum d’espoir dans ce en quoi nous nous engageons.
Ensuite, nous avons dit clairement que le dialogue se situe à deux niveaux: un niveau politique – urgent – relatif à la réforme politique et électorale, et un niveau national –impératif – qui doit jeter les bases et ouvrir des perspectives pour la solution des grands problèmes nationaux : vivre ensemble dans l’harmonie, éradication de toutes les formes et séquelles de l’esclavage, ainsi que les autres questions pour lesquelles des mécanismes de suivi sont à mettre en place, en vue d’une approche globale qui assure la justice, garantit la citoyenneté égalitaire et place le pays sur la voie du progrès et du développement.
Partant de notre attachement à ces fondements et à ces valeurs, et dans le souci permanent d’éviter à notre pays des processus de tensions et de crises, le FNDU a consenti des efforts considérables pour le succès des opportunités de dialogue :
- Nous avons eu de nombreuses rencontres avec les messagers du pouvoir ;
- Nous avons fait preuve d’une grande et responsable souplesse ;
- Nous avons discuté avec un esprit ouvert ;
- Nous avons fait des suggestions, proposé des approches et exprimé notre disponibilité pour discuter tout amendement ou solution alternative qu’on nous soumettrait ...
Malheureusement, nous nous sommes trouvés devant un régime passé maître dans l’art de dire une chose et de faire son contraire ; un régime qui se montre une disponibilité qu’il finit par transformer en manœuvre dilatoire; un régime qui renoue avec les pratiques des arrestations et du harcèlement des manifestants (Jeunes du 25 Février et militants d’IRA) et brandit les méthodes de l’étranglement et de l’étouffement des médias et des institutions de la presse indépendante.
A ce niveau, nous assurons devant l’opinion publique que nous n’avons reçu aucun engagement sérieux écrit de la part du pouvoir à propos des questions et des différents points que nous avons posés, et ce en dépit de notre insistance pour obtenir un tel engagement qui tient lieu pour nous de preuve du sérieux de l’autre partie.
S’agissant de la question du gouvernement dont le pouvoir tente de persuader l’opinion qu’elle constitue l’unique obstacle sur la voie du dialogue et que l’objectif du FNDU est la participation à un gouvernement où il pourrait placer certains de ses dirigeants, le peuple mauritanien nous doit des éclaircissements à son sujet.
Nous avons dit que les principaux aspects relatifs aux élections, à leur transparence et à l’égalité des chances sont les suivants :
1. L'application des lois relatives aux élections, à leur honnêteté et à l’attitude de l'administration à cet égard.
2. La sanction des contrevenants parmi les éléments de l'administration et les chefs des différents corps.
3. La préservation des moyens et services de l’Etat contre l’instrumentalisation politique et électorale.
4. La mise à la disposition des diverses parties et structures chargées des élections des moyens nécessaires à toutes les phases du processus électoral (avant, pendant et après le scrutin) …
Nous avons précisé que l’ensemble de ces missions sont du ressort du gouvernement et rentrent dans le cadre de ses compétences et relèvent de son initiative, et que, par conséquent, ’il est impératif qu’il y ait un gouvernement de consensus pour superviser les élections et en garantir l’honnêteté.
Mais nous avons également dit que nous sommes prêts à entendre toute proposition qui assure les garanties demandées et à réagir positivement à cette proposition. Mais il semble que les objectifs que vise le pouvoir à travers le dialogue sont autres, et que son agenda et le nôtre sont différents. Nous, nous voulons un dialogue tandis que le pouvoir veut une manifestation festive.
Nous voulons une rencontre sérieuse, où se discutent les affaires du pays et s’engage une véritable réforme en profondeur, lui veut un jubilé pour encenser le président, glorifier le pouvoir et mettre en exergue les vertus d’une politique que ne caractérise rien d’autre que l’incurie et la gabegie.
Le FNDU prend l'opinion publique nationale à témoin devant cette attitude du régime, qu’il rend entièrement responsable de l'échec des efforts de lancement d'un dialogue national véritable et sérieux, ainsi que de toutes les conséquences qui pourraient découler de cet échec. En réitérant ce fait, nous exprimons ce qui suit :
1) Nous réaffirmons notre position appelant au dialogue sérieux, pour lequel nous restons prêts dès que les conditions en seront réunies.
2) Nous invitons toutes les forces patriotiques qui rejettent le dialogue-carnaval à la concertation et à la coordination, face à un processus dont il est légitime de douter des intentions et des visées.
3) Nous appelons l’ensemble des composantes et des pôles du Forum à la vigilance et la mobilisation, car la période qui s’annonce exige de nous tous davantage de sacrifices. Notre pays a besoin de nous ; la démocratie et la stabilité sont menacées par l’attitude unilatérale et provocatrice du pouvoir.
La commission exécutive
03 octobre 2016