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Un vivant parmi les morts ( partie 2) |
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Et d’un coup, il indexe un homme qui devrait avoir une cinquantaine. Le connaissez-vous ? Non… « C’est un ancien colonel de l’armée. Nous étions ensemble à Inal. Il faisait partie de l'un des derniers groupes à séjourner là bà. il subit les mêmes atrocités que moi. Il a vécu les mêmes scènes que moi. C’est un rescapé comme moi ». Et pourtant, cet homme n’est pas le seul à être indexé dans cette sorte de retrouvaille des rescapés. Je pense qu’une personne sur 5 devrait être une victime du régime sanguinaire d’antan. Ai-je raison ? J’ai même vu l’ancien directeur du port de Nouakchott. Une victime de première heure. Somme toute, il nous montra des hommes. Nous eûmes le sentiment de voir des corps châtiés pour des raisons jusqu’ici opaques et débiles.
Il poursuit alors à votre avis « Si ce n’était pas la haine aveugle et l’injustice, auriez-vous vu tous ces braves hommes dans cet état. Il aurait pu devenir des généraux à la place de leurs tortionnaires ».
Que sais-je ? Certainement oui… Des hommes qui auraient continué à servir à défendre fièrement leur Etat. Mais la bêtise humaine comme le dit notre marin l’ a emporté sur les principes et même devant la grandeur de notre armée nationale.
Qu’est que vous a conduit à Inal, si vous permettez ?
« Je veux le savoir. Je me pose toujours la question. »
Vous vous rappelez de votre transfert ?
« Absolument. On n’oublie jamais un passé cauchemardesque. Je revenais d’une formation. Pour te dire, je fais partie du premier groupe des marins ayant été formés par les américains à l’époque. J’étais jeune et vraiment content. Nous avions une certaine connaissance de notre mission et une parfaite maitrise de mon domaine. C’était en 1989. J’étais muté à Maamghar parce qu’à Nouakchott j’étais révolté contre certains agissements de mes supérieurs. J’ai trouvé là-bas des prisonniers négro-mauritaniens. J’étais précis avec eux : Ne penser pas que je peux vous aider à vous évader d’ici. Par contre, je vous assure que personne ne viendra vous embêter. Mais au fur et à mesure les relations se dégrader. On a cherché de m’arrêter depuis Nouakchott par le biais d’un ami de quartier à la Medina R. Celui-là qui dormait chez moi. Hammadi partageait tout avec moi. J’étais convaincu que je serai saisi un jour ou l’autre. C’est pourquoi un jour, j’ai interpellé des frères officiers sur une stratégie afin que l’on fasse quelque chose avant qu’il ne soit trop tard.. Deysane..Parmi eux, il y avait mes supérieurs directs. Alors l’on me traita d’impoli et de prétentieux. Quelques jours après, j’appris que certains ont été démis de leur fonction et transférés à Inal. Quant à moi, j’ai été convoqué par l’un de mes supérieurs dans un petit bureau pour m’ôter mes galons sans aucune explication. Je lui demandé pourquoi cet acte : aucune réponse. Il eût une amère invective entre lui et moi avant que ses hommes me saisissent pour me ligoter. Et je n’ai rien compris après. Je fus transporté à Inal avec le groupe de prisonniers que je gardais ».
Votre groupe rejoint alors d’autres je suppose ?
Oui beaucoup, une centaine. On entendait que tel officier est là que tel autre est mort sur les lieux.
Qu’avez-vous vu à Inal?
Je ne voyais pas, je sentais des atrocités…mes yeux étais bandés.
Faites-nous un tour d’une cellule de la prison d’Inal ?
Les cellules d’Inal ne ressemblent à rien. C’est juste un fort militaire transformé en prison. De l’intérieur, on pouvait sentir le monde extérieur. Une fois transférés, nous nous retrouvâmes parmi des hommes qui couchaient sur le sang des morts et d’autres qui ne cessaient de gémir à cause de la torture sauvage qu’ils subissaient la veille. Mais le pire nous étions transportés les yeux bandés et je suis convaincu que certains sont morts aveugles. On ne parlait pas beaucoup de peur d’être entendu. On s’encourageait mutuellement pour tenir le coup. Et on voyait les faibles parmi nous partir avec ou sans confessions à transmettre à leurs familles. Nombreux sont morts avec les secrets des autres. On avait droit qu’à la torture mais elle finira par s’alléger à partir de 1991 après que le monde ait découvert les pendaisons des 28 officiers sous notre regard placide.
Notre discussion fut temporairement interrompue par la lecture des noms 28 victimes. La foule retoquait, on ne vous oublie pas. Et le marin de dire : Des braves hommes… des braves hommes, ceux-là, je les ai vu s’éteindre. Comme cette scène de deux frères qui négociant avec les bourreaux pour mourir à la place du premier. Comme celui qui disait épargnait ma tête si elle devrait servir à la nation. Comme celui qui récitait quelques versets pour se consoler. Des braves hommes … ils ont arrachés la dignité des miens.
Qu’espérez-vous aujourd’hui ?
Moi personnellement rien de tout. En 1997, j’ai été rappelé pour reprendre mes fonctions, j’ai refusé. Donc, je pouvais aujourd’hui avancé en grade et je vois des gens que je devançais devenir des hauts gradés de la marine. J’ai décidé de mettre fin à mes fonctions car j’ai perdu toute confiance. En 1999, je pris le chemin de l’exil pour espérer avoir l’esprit tranquille. Pour les familles des victimes, j’exige que la justice soit faite sans aucune complaisance. Les orphelins attendent de savoir sur le sort de leur parent. L’Etat doit rétablir leur mémoire et juger les coupables. Ce n’est pas pour moi, mais pour l’Histoire.
C’est sur ces mots que s’acheva notre conversation. La manifestation est finie et la foule des victimes se dispersait. Le marin héla sa fille et on se dit au revoir au bord d’une station métro. Yoo jam doumoo… « Que la paix s’éternise »
Et moi, j’ai pensé tout de suite à deux choses : Ces versets coraniques: ce jour-là, elle contera son histoire, selon ce que ton Seigneur lui aura révélé [ordonné]. Et ce vers de Marguerite Yourcenar : Les herbes de l’été Voici tout ce qui reste Des rêves des guerriers morts Bâ Sileye Sociologue et Journaliste mauritanien Paris-France |
Vendredi, 02 Décembre 2011 18:12 |