Inal 2011 : pèlerinage sur les vestiges d’un enfer oublié |
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Pour célébrer de façon macabre les 30 ans d’indépendance de leur pays. Un pays dont les dirigeants d’alors les ont accusées de complot contre le pouvoir. C’est donc à Inal que s’est dirigée dimanche 27 novembre 2011 la caravane de 41 véhicules transportant des défenseurs des droits humains, des sympathisants d’organisations non gouvernementales, des membres des Flam venant de l’Europe et des Etats Unis, des veuves de soldats noirs tués, des orphelins, des rescapés, des parents des victimes, des rescapés et des journalistes de la presse indépendante nationale. Les commissions d’organisation du « pèlerinage d’Inal » avaient mis les moyens nécessaires pour que cette cérémonie tant attendue se réalise.
Un chemin épineux
Engagés à aller voir Inal, nombre de candidats s’installent dans les véhicules prêts à supporter la fatigue, le froid et le long trajet. A 6 heures du matin, s’ébranle l’interminable convoi. Direction : Inal… Vers 7 heures 20, le convoi est au km 25, sur la route de Nouakchott. Là un poste mobile de la gendarmerie nationale procède à un contrôle des passagers, des véhicules et des bagages. Cela dure plus de deux heures environs. Les véhicules repartent. Vers 9 heures, le cortège est face à un détachement du GGSR dirigé par un jeune. Nouveau contrôle et les déboires sont au rendez-vous jusqu’à 18 heures passées. Le leader de l’IRA est arrêté parce qu’il ne détenait sa pièce d’identité nationale. Vers midi, un activiste de l’IRA fait venir la pièce d’état civil de Birame et le chef de poste du GGSR, dira qu’il attend que des ordres soient donnés à partir de Nouakchott, pour libérer Birame et son cortège. Le correspondant de Reuters, Laurent Prieur, est ramené par force à Nouakchott en plus de onze personnes dont Cheikh Oumar Bâ, le représentant des Flams qui est venu de Paris. Birame Dah Ould Abeidi est libre et le convoi repartait ! Un court parcourt avant que le convoi ne soit arrêté par un poste mobile de la gendarmerie au km 105, où les voyageurs resteront jusqu’au petit matin. Lundi matin, à 9 heures, le convoi arrive au virage de Wad Chbek, pour emprunter la longue piste cahoteuse et poussiéreuse qui mène vers Inal. Inal, cette bourgade semée aux fins fonds du désert, après les deux plateaux de Kdeyatte El Atrouss, où se trouve un petit campement de sept de personnes. Inal au bout du tunnel C’est lundi à 12 heures trente, que le convoi débarque en plein centre d’Inal. Là, un poste de la gendarmerie est monté pour la circonstance. Son chef, un adjudant-chef, procède au recensement des personnes et des véhicules. Pas de trêve parce que le programme est chargé et la délégation a perdu trop du temps. Alors Birame accompagné de l’ex-lieutenant de l’armée, Sy Mahamadou, un rescapé du camp d’Inal, du Dr. Outouma Soumaré, deTouré Balla et d’autres personnalités se rendent sur l’ancienne place du camp de la compagnie militaire 101 d’Inal où les gens subissaient les tortures. Ils iront sur la digue où les militaires tués devaient être enterrés. Birame Dah, entouré du Sénateur de Mbout, Youssouf Sylla, du Maire de Tokomadji, Diaw Abdoulaye Djimé, Djibi Bâ, Touré Balla, de veuves, d’orphelins, de rescapés et d’autres proches collaborateurs. Prenant la parole, il déclare : « Ce 28 Novembre 2011, nous sommes debout sur la place où dans la nuit du 28 Novembre 1990, 28 soldats mauritaniens noirs ont été pendus pour la seule cause d’être noirs et peuls. » Et Ould Abeidi, d’ajouter que le Camp qui était construit à cet emplacement a été déplacé afin de faire disparaitre toutes traces où sont enterrés en fosses communes de braves et déterminés soldats assassinés. Maintenant cette place est devenue un terrain de foot des militaires de cette bourgade. Ce qui prouve que les autorités mauritaniennes ne collent aucune importance à la vie humaine. De ce fait, pour nous le 28 Novembre est devenu un jour de deuil. » Il dira par la suite qu’Ould Abdel Aziz, fête en ce moment, l’indépendance. Selon Birame, « le combat continuera jusqu’à satisfaction de toutes les demandes, Incha’Allah ! » Maimouna Alpha Sy, veuve du lieutenant de la douane Baidy Alassane Bâ et représentante de l’association des veuves a les yeux pleins de larmes. A coté d’elle son fils ainé. «Ce jour est un jour de deuil, de pleurs et d’angoisse ». dit-elle avant de s’interroger : « Aujourd’hui on est là, à Inal, qui l’aurait pensé ? ». Par la voix de Maimouna Alpha Sy, l’association des veuves remercie le président d’IRA-Mauritanie, qui leur a permis de réaliser ce rêve. « Nous n’oublierons jamais Birame et ses amis qui sont des hommes de bonne foi et de conviction » poursuivit-elle avant de conclure que « Inal est désormais un lieu de pèlerinage pour les veuves, les orphelins, les rescapés et proches des victimes de l’épuration ethnique commise par les hommes de Taya, qui continuent de travailler dans l’armée et d’ailleurs qui pavanent à Nouakchott ».
A propos de la fête de l’indépendance de la Mauritanie, ce n’est plus une fête parce qu’elle a été ensanglantée ! S’exclame Sy. « Je ne peux être ni content, ni heureux parce qu’il y a eu trop de remontés à la surface de scènes que nous avons vécues. Il ne s’est pas passé un jour, ni une nuit ici, encore moins une seconde sans qu’on n’entende des cris assourdissants et des pleurs qui privent de dormir, ou voir quelqu’un mourir et qu’on traine.
A son tour le Sénateur de Mbout, Youssouf Sylla, après avoir salué cette opération tout en exprimant sa tristesse et son émotion dira : « sans la justice, on ne peut construire une nation. Nous demandons qu’une enquête soit faite et que les coupables soient traduits devant la justice et punis selon la loi. » Au nom du collectif des orphelins(COVICIM), Bocar Lamtoro Camara a précisé qu’il est là, aujourd’hui pour célébrer le 28 Novembre en deuil, parce qu’il y a 28 soldats noirs qui ont été pendus ici mais aussi qu’il y a des hommes qui s’y reposent. «Je suis triste parce que mon père a été pendu ici de façon arbitraire. Je partage cette émotion avec les frères et sœurs dont les pères ont été sauvagement éliminés parce qu’ils sont noirs ». Vient le tour de Salimata Diallo, veuve du Sergent Bâ Alassane Hamidou et sœur du soldat Diallo Moussa. « Tous les deux ont été tués ici » a-t-elle déclaré, les yeux pleins de larmes. Elle continue son mot en disant qu’elle réclame la justice et non de l’argent. Non loin d’elle une orpheline, Farmata Mamadou Diaw, fille de feu, Mamadou Diaw soldat 2e classe. « Je suis née le 29 novembre 1990 à Boulenouar et mon père est tué dans la nuit du 28 novembre, ici, à Inal », a-t-elle dit. « Je demande à ce que les assassins soient dénoncés et punis, je ne peux pas excuser», ajoute Farmata, les larmes aux yeux avec un visage triste. Aux morts sans sépultures Entre 14h et 16h 30, il y a eu la récitation du coran et des prières à la mémoire des martyrs, puis, la visite de la place où se trouvait le camp militaire et l’emplacement présumé qui abriterait la fosse commune où les 28 soldats et autres auraient été ensevelis à la hâte sans sépulture, là, les veuves, les orphelins , les rescapés et même des accompagnateurs y ont versé le peu de larmes qui leur étaient restées dans les yeux. Sur place, des banderoles sur lesquelles on pouvait « Non à l’oubli », « Non à l’impunité », « Oui pour une justice équitable », « Non à la discrimination raciale », « IRA au service des opprimés et victimes des violations des droits humaines ». Parmi ces enfants certains étaient trop jeunes lorsque leurs pères passaient sous les feux de la torture, d’autres sont nés après. Ces enfants fouillent du regard ce vaste terrain sec et caillouteux, comme pour capter l’image ou la voix d’un père disparu. Alors, c’est après la prière sur la supposée fosse commune, que le cortège s’est dirigé à la place aménagée pour manger et repartir sur Nouakchott. Durant ce court séjour, aucun habitant de cette bourgade, n’est venu, pour savoir de quoi il s’agit. Et, tout se faisait sous les regards attentifs de gendarmes et des sentinelles armées jusqu’aux dents plantées au dessus de la caserne qui abrite la compagnie 101 d’Inal. Il est 18 heures passées, le convoi reprend le chemin pour Nouakchott, et le véhicule des gendarmes l’escorte jusqu’à la sortie de ce monde. Selon des observateurs, les quelques femmes d’Inal, ont organisé une marche de soutien aux militaires qui se trouvent dans la caserne. Mais, qu’à même nous les avons vues marcher ? Quoi après Inal, s’interrogent certains ? Aboubecrine SIDI, envoyé spécial à INAL Source: La Tribune N°574 du lundi 5 décembre 2011 |
Mardi, 06 Décembre 2011 10:27 |