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Il y a quelques jours encore personne n'y croyait plus. Cela fait maintenant presque 3 ans que nous tentons d'obtenir une interview du chef de l'Etat, avec toutes les démarches que cette demande implique : coups de téléphone, activation des « réseaux », démarchages, promenades forcées de services en services, d'interlocuteurs en interlocuteurs...Avec, au final, un refus total. Nous n'avons pas désespéré. Tenaces, nous avons essayé et réessayé encore.
Et puis, il y a quelques jours, le téléphone a sonné et la nouvelle
est tombée « A l'occasion de son séjour en France, le principe d’une
interview est acquis ». Branle bas de combat à la rédaction.
Rendez vous fut donné à l'Hôtel Meurice à Paris le mercredi 14. Dans
la soirée le Président devait s'envoler pour NKTT afin de présider un
Conseil des Ministres.
C'est un homme décontracté, visiblement à l'aise, que nos journalistes
(Abdoulaye DIAGANA et Mariem Mint BABA) ont rencontré. Entouré,
pendant toute la durée de l'interview (une vingtaine de minutes), par
son Directeur de Cabinet et par son chargé de Communication (El Moudir
Ould Bouna), il s'est prêté au jeu des questions. Celles-ci n’ont fait
l’objet d’aucune discussion préalable.
Cette interview est un événement en soi. Non seulement parce que c'est
le Président de la République qui parle, mais aussi parce qu'il a
accepté de le faire sur Kassataya. Reconnaissance implicite de notre
place dans le maigre paysage audiovisuel qui est le nôtre (la
libéralisation des ondes n'est pas encore effective). Reconnaissance
du travail accompli depuis plus de 2 ans maintenant par une équipe de
bénévoles. Reconnaissance de Kassataya en tant que radio de la
diversité, des diversités.
De toutes les diversités, quoiqu'ait pu dire le conseiller
présidentiel qui a tenu à expliquer au Président, avant l'interview,
que nous étions une « radio du FNDD, une radio de l'opposition ».
L’accusation n'est pas nouvelle. Nous l'entendons sur tous les tons
depuis notre création. Nos détracteurs aiment broder sur ce thème.
Dans un pays où la norme, chez les journalistes, est« pour ou contre
», elle est d'une banalité affligeante. Chez nous, personne ne semble
accepter l'idée qu'un média puisse être indépendant. Il faut dire que
50 ans de médias d'Etat n'ont pas permis l'émergence d'un journalisme
pluriel.
Chacun se positionne sur la scène médiatique, suivant ses opinions
pour les plus honnêtes, selon leur portefeuille, pour ceux que nous
appelons les « peshmergas », pseudo journalistes qui écrivent pour
ceux qui paient le plus.
C'est pour lutter contre cette pesanteur et cette hypocrisie que nous
avons créé Kassataya.
Que les choses soient claires : kassataya est la radio de toutes les
opinions, le lieu où tout peut se discuter, se dire, s'entendre, dans
le respect de l'Autre. C'est fort du credo « je ne suis pas d'accord
avec vous mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire »
(Voltaire) que les animateurs bénévoles se sont lancés dans l'aventure
« première radio libre ». Comme le dit sa charte, Kassataya est
indépendant de toute puissance financière ou politique. Et le jour où
kassataya renoncera à ce crédo qui est son âme même, kassataya
continuera peut-être d’exister. Mais ce sera à coup sûr avec une autre
équipe.
Il nous a longtemps été reproché de ne pas recevoir des leaders des
partis de la Majorité ou de l'UPR dans les débuts de la radio. C'est
vrai. Mais à qui la faute? A nous qui envoyions invitations sur
invitations ou à ceux qui refusaient catégoriquement de venir sur nos
ondes?
Dans les premiers mois de Kassataya seuls les membres de l'opposition
au coup d'Etat acceptaient de venir s'exprimer, peut être parce qu'en
Mauritanie les organes de presse officiels ne leur accordaient plus la
parole. Alors ils sont venus chez nous et nous les avons accueillis
avec la satisfaction de ceux qui font leur devoir.
Nous avons tenté d'organiser des débats entre pro et anti putsch avec,
comme seule réponse de la part des pro putsch, une réponse négative.
Après l'élection d'Aziz nous avons continué à téléphoner aux membres
de la Majorité, dans l'espoir qu'ils acceptent de venir chez nous.
Peine perdue.
Il est donc injuste et inexact, aujourd'hui, de nous enfermer dans le
cliché réducteur de « radio de l'opposition ».
Non, nous ne sommes pas la radio de l'opposition. Nous n’avons ni amis
ni ennemis et c’est usant de devoir rappeler une évidence pour un
média indépendant. Mais nous sommes patients. Nous mettrons le temps
qu’il faudra à expliquer qu’on peut s’écouter, discuter même –surtout-
quand on ne partage pas le même avis.
Si le pouvoir attend que nous soyons de son camp pour venir parler sur
nos ondes, il ne viendra pas. Parce que nous ne serons pas dans son
camp. Ni dans celui de l’opposition. Ce n’est pas là notre vocation.
Le Président a explicitement donné son point de vu sur le sujet. « Un
média doit rester indépendant ». Nous le prenons au mot.
Nous sommes attachés à la liberté de paroles et d'opinions. Bien sur
que chaque journaliste et animateur de Kassataya a des opinions
politiques et des sensibilités qui lui sont propres. Mais celles-ci
n'empiètent pas sur le devoir de traiter l’information de façon
équilibrée.
Lors des interviews nous faisons notre « job » en essayant d'être le
plus honnête possible, quel que soit l’invité : Kane Hamidou Baba,
Ahmed ould Daddah, Boidiel Ould Hoummeid, Ibrahima Sarr, Messaoud Ould
Boulkheir et... Mohamed ould Abdel Aziz.
Nous sommes fiers, qu'après tant de luttes pour la liberté
d'expression, le Président de la République ait accepté de venir chez
nous comme ses adversaires avant lui.
Mariem mint DERWICH
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