La libre circulation des personnes et des biens reste encore un réel problème dans l’espace Cedeao malgré l’existence de textes qui la régissent. Les femmes, particulièrement commerçantes, rencontrent plusieurs difficultés dans l’acheminement de leurs produits. La faute, elles l’imputent aux policiers, douaniers, gendarmes et agents des Eaux et Forêts.
Les femmes commerçantes de l’espace Cedeao sont fort remontées contre les forces de sécurité situées le long des frontières. Ces dernières les soumettent à des contrôles ‘infernales’ et ‘interminables’. Résultats : leurs marchandises se dégradent avant destinations et plusieurs d’entre elles ont carrément choisi d’arrêter une activité devenue trop lourde. Elles se sont exprimées ce week-end lors du lancement du projet de l’Association des femmes de l’Afrique de l’ouest (Afao), de la Cedeao et de l’Union européenne sur ‘les femmes face au traité sur la libre circulation des personnes et des biens’. Dans le cadre de l’appui à l’intégration régionale, l’Afao a été identifiée et sélectionnée par la Cedeao et l’Union européenne pour exécuter ce projet visant à faciliter la circulation des femmes commerçantes le long des frontières de la Sénégambie méridionale. Des femmes du Sénégal, du Mali, de la Gambie, de la Guinée et de la Guinée-Bissau qui ont apporté tour à tour des témoignages sur des expériences individuelles vécues. Infernaux, interminables, décourageants, tel est le triptyque qui est sorti de tous les témoignages pour qualifier les contrôles au niveau des frontières. ‘J’allais souvent dans la région de Tambacounda pour y vendre des poissons, mais les douaniers et les gendarmes m’ont poussé à arrêter ce commerce à cause des multiples contrôles auxquels ils nous soumettaient. Nous perdions plusieurs heures en cours de route et la majeure partie de la marchandise pourrissait avant destination’, raconte cette Sénégalaise appelée Beug Bamba. Pour sa camarade Mahawa Doumbia de Ziguinchor qui abonde dans le même sens, il est impératif de revoir les contrôles surtout sur l’axe Mali-Ziguinchor. Dans cette partie de la sous-région, les agents des Eaux et Forêts sont mis à l’index par ces femmes qui en ont assez de payer des taxes à tout bout de champ pour un même produit : ‘Finalement, tout se pourrit en Casamance pour la simple raison que les taxes sont nombreuses et les gens passent beaucoup de temps dans les postes’. Les femmes ont également dénoncé le racket auquel elles sont soumises par les agents de sécurité. ‘Lorsqu’ils récupèrent nos bagages, les policiers et les agents de la douane les remettent très souvent à leurs propres familles. Et dans bien des cas, il est arrivé que leurs femmes reviennent pour nous vendre ces mêmes produits’, témoignent plusieurs femmes dans la salle. Si l’on ajoute à ces tracasseries, les chantages et autres harcèlements sexuels dont les femmes soutiennent faire l’objet, la situation reste un véritable enfer pour ces commerçantes. Ce qui fait dire à la présidente de l’Afao, Khady Fall Tall, qu’il urge d’agir. Ce qu’elle réclame, c’est d’abord de l’indulgence de la part des agents de sécurité envers ces mères de famille. Elle demande aussi aux femmes de ne pas prêter le flanc et de faire face lorsqu’elles sont dans leur droit. Ce qui fait dire à la représentante du Mali, Fanta Berth, que lorsqu’une femme dispose de tous ses papiers, elle doit faire preuve de courage en faisant face aux contrôles, qu’elle n’accepte pas de se soumettre à certaines menaces d’agents véreux. Le représentant de la douane présent dans la salle mettra l’accent sur le fait que les femmes doivent être d’abord en règle. Pour le reste, il leur demande d’exiger, à chaque fois, de l’agent de douane qui les contrôle un ticket de dépossession. Ainsi, elles sont assurées que l’agent en question ne pourra pas vendre le produit saisi. Son homologue de la gendarmerie qui accepte l’existence de ces tracasseries explique que tout le monde doit être impliqué dans la recherche de solution. Aujourd’hui, souligne le capitaine Babou Ndiaye, des femmes sont impliquées dans le trafic de drogue, d’arme et la fraude et que la plupart des contrôles s’expliquent par des informations qu’ils reçoivent sur des personnes non identifiées. D’où la nécessité de contrôler tout le monde. Le capitaine Ndiaye passera également aux aveux en reconnaissant qu’il existe aujourd’hui une pléthore de textes qui apparaissent à un rythme soutenu nécessitant, selon lui, une formation des agents des postes frontaliers. Pour plus de protection à l’endroit des femmes, il a été suggéré la création de Centres d’accueil aux frontières. Ces centres seront des lieux d’hygiène et de salubrité capables d’abriter les femmes commerçantes souvent obligées de passer la nuit dans certains postes. Toutes ces questions posent la lancinante problématique de la révision et de l’acclimatation du traité sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao. Ce qui n’est pas fait depuis 1975. Un traité au sein duquel également l’approche genre ne dispose pas d’une prise en charge spécifique. Ce qui fait dire à la présidente de l’Afao que ce projet de six mois doit être perpétré sur une durée plus large pour plus d’impact. Amadou NDIAYE \ source Walfadjri |