Lors d’une conférence tenue le 6 octobre 2012 à Paris, Samba Thiam, président des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), a rappelé l’option de retour, du redéploiement de son organisation en Mauritanie sans en préciser ni le calendrier ni les modalités. Ce rappel confirme l’annonce faite à l’occasion du dernier congrès du mouvement, tenu à Champs sur Marne (région parisienne) fin mai 2011. Mais en réalité, plus que d’un retour, c’est d’une implication, d’un redéploiement de la lutte sur le sol national qu’il s’agira.
Rentrer ou disparaitre !
L’hypothèse d’une implication dans le champ politique intérieur a été évoquée plusieurs fois dans les rangs du mouvement : en 1992 à l’occasion de l’ouverture démocratique en trompe l’œil décrétée par Maawiya Ould Sid’ Ahmed Taya, et plus récemment à la suite du coup d’Etat de 2005 qui a mis fin au régime de celui-ci. Une éventualité remise à chaque fois à plus tard au motif invariablement soutenu que toutes les conditions n’étaient pas pour cela réunies. Le sont-elles réellement aujourd’hui ou faut-il voir simplement dans cette initiative l’altération d’un discours qui pousse à une évolution substantielle de l’organisation dans son appréciation de la situation intérieure ?
Qu’importe. L’option est prise et bien prise. Il faudra désormais la tenir. Le contexte intérieur actuel, marqué par une crispation générale autour de problèmes périphériques, laisse toute leur place aux FLAM dont la revendication principale, la résolution de la question nationale, reste toujours pendante et plus que d’actualité.
Le retour physique des militants, surtout les plus connus, aurait eu une portée symbolique. Les FLAM auront fort à faire pour déconstruire les clichés résultant d’actions conjuguées de délégitimisation des différents régimes et de la mouvance pan arabiste qui se sont employés à montrer qu’elles sont une organisation raciste, sectaire, violente et dominée par les Haal pulaaren, une organisation non représentative des Noirs dans leur ensemble.
S’unir ou s’isoler !
La courageuse sortie récente d’Ibrahima Moctar Sarr, président de l’AJD/MR, évoquant la possibilité d’une « lutte dans une même organisation », d’une fédération de structures ou d’une concertation des deux organisations en cas de besoin, ouvre de réelles perspectives pour l’organisation semi clandestine d’intégrer à moindre frais cet espace dont il pourrait être un des artisans de la reconfiguration. Cette option si, elle se réalisait, répondrait au souhait maintes fois exprimé par des militants de la mouvance négro-africaine et du mouvement de défense des droits citoyens Touche Pas à Ma Nationalité qui rêvent d’un pôle élargi à d’autres partis jusque là restés officiellement muets à l’annonce de ce retour au bercail.
Seulement, les Flamistes sont ils disposés à faire le deuil du nom de leur organisation, combien seront-ils à rentrer et rejoindre leurs militants venus des camps de déportés du Sénégal, sont ils suffisamment préparés à jouer le jeu de la légalité, à se départir d’une longue culture acquise à l’étranger et à réussir une immersion dans un environnement aux codes particuliers ? Au-delà de ces questionnements, demeure une inconnue : l’attitude du pouvoir en place. Jouera-t-il le jeu ? Laissera-t-il à cette organisation toute la latitude nécessaire à un véritable redéploiement : reconnaissance légale, siège, implantation ? L’exercice pourrait être périlleux pour l’un comme pour l’autre, car il s’agira de mesurer le poids réel de l’organisation ? Le refus de reconnaissance du mouvement Initiative de Résurgence Abolitionniste (IRA) de Biram Dah Abeid invite à un optimisme sceptique, voire au pessimisme tout court.
Sur le terrain en tout cas, la tâche s’annonce complexe mais réalisable. D’abord, arriver à se faire accepter et faire accepter une organisation dont la seule évocation du nom suscite injustement un rejet parfois au sein même de la communauté noire, une diabolisation construite depuis des décennies. Ensuite, exister comme acteurs politiques et agir en se créant un cadre propre, si tel est le choix, dans un paysage politique à saturation ou en intégrant un déjà existant, restreint ou large. De sa capacité à œuvrer pour la mise en place d’un pôle négro-africain fort qui assume son ancrage et s’affirme comme tel, dépend pour une grande part, la réussite de cette opération de redéploiement. Ce faisant, l’organisation tracera un trait sur les divergences d’analyse stratégique pour les observateurs ou de démarche selon son président , apparues en son sein lors du congrès de Cincinnati en décembre 2005 et qui ont été à l’origine du départ de certains de ses membres, aujourd’hui militants et cadres de l’AJD/MR. Mieux vaut tard que jamais.
Le retour en Mauritanie des FLAM pourrait constituer une chance supplémentaire pour la réconciliation nationale. Les obstacles éventuels ne doivent pas avoir de prise sur la volonté et la détermination de ces combattants, inlassables militants d’une Mauritanie véritablement juste et égalitaire et qui ont payé pour cela un lourd tribut, comme ceux qui sont restés courageusement au pays, notamment au plus fort de la répression des années de braise.
La Mauritanie de demain, apaisée, devra transmettre aux générations futures des valeurs de tolérance et de solidarités pour que différence rime avec richesse.
Boubacar DIAGANA et Ciré BA - Paris
11 octobre 2012
source : ODH |