Jeudi 10 janvier 2013. Les islamistes s’emparent de la localité de Konna à 700 kilomètres de la capitale Bamako. L’armée malienne se replie à Sévaré, la plus grande ville dans cette région de Mopti (centre). La ville est située à une dizaine de kilomètres de Konna. La panique s’installe chez les populations. C’est le sauve-qui-peut. Il faut, à tout prix, quitter la ville, car à minuit, racontent les populations, les jihadistes vont occuper l’aéroport international de Mopti à Sévaré. L’Objectif des jihadistes est probablement de couper la voie aérienne vers le nord aux éventuelles forces internationales.
Panique totale
Tout le monde se presse et fait ses valises. Ceux qui n’ont pas les moyens de se déplacer en voiture marchent en portant leurs bagages sur la tête ou sous la main. Camara, un patron d’hôtel, va évacuer toute sa famille à Bamako pendant une semaine. Mais avant cela, il enlève les panneaux indiquant l’emplacement de son hôtel au centre de la ville. Il dit avoir déjà compris la mentalité des islamistes armés: «Les premières cibles des jihadistes, quand ils occupent une ville, sont les hôtels. Ils les haïssent. Ils les considèrent comme des maisons closes».
Des enfants jouent dans la rue (Sévaré)
Aujourd’hui après la libération de Konna, Douentza et Hombori, la ligne de front s’éloigne vers le nord de Sévaré et la ville serait à l’abri. Toutefois, la guerre hante toujours les esprits. L’entrée de la ville est hautement surveillée. Il faut passer par plusieurs barrages de la gendarmerie et de l’armée pour accéder à la ville entourée de plusieurs campements militaires. À l’intérieur, la vie s’emble reprendre son cours normal, mais l’on constate un mouvement infernal des véhicules de l’armée malienne et de celle française.
Des militaires sont postés dans certains coins, et la ville est traversée, de temps à autres, par des camions transportant les membres des deux milices pro gouvernementaux. Il s’agit des "Gandaizo" et des "Gandakoy" constitués des jeunes ressortissants du nord "pour la défense de la patrie".
Également, des rafles se mènent jour et nuit et à tout moment. «Ne commettez jamais la bêtise de sortir sans la pièce d’identité», conseil vivement un vieux d’une soixantaine d’années.
Les Peuls ont peur de venir à Sévaré
Avant la prière du vendredi
Par ailleurs, la ville est privée de la viande. Les bergers peuls qui approvisionnaient les abattoirs ont peur de quitter leur village vers Sévaré. Ils craignent pour leur vie. Plusieurs d’entre eux auraient été abattus par l’armée malienne «pour avoir collaboré avec les terroristes».
Certaines populations ne nient pas l’existence de cette collaboration, mais la justifient : «Les terroristes utilisent le moyen de l’argent pour recruter parmi les populations locales. Quand ont donne 300 milles francs Cfa, par mois, à un berger qui n’arrivait pas à joindre les deux bouts, mais qu’attendrez-vous: il va sans doute collaborer».
Sévaré une ville cachée à la presse
Et «Pour ne pas témoigner de ces exactions présumées, les journalistes sont interdits d’accéder à Sévaré» qui constitue le passage obligé vers les autres villes au nord du pays (Gao, Tombouctou et Kidal), confie un diplomate étranger à Alakhbar.
A Sévaré on se méfie surtout des journalistes étrangers et plus particulièrement les occidentaux. Diverses raisons sont avancées: Parfois, on nous dit que l’état major demande aux journalistes de patienter pendant deux jours le temps qu’il organise le "flux de l’information en provenance du front", selon un patron de presse malien. d’autres fois, on explique que "la presse est bloquée en réponse à l’attitude irresponsable d’un journaliste occidental», selon une haute personnalité de l’Etat malien joint par Alakhbar au téléphone. Ce dernier ajoute que depuis lors «les journalistes étrangers sont rapatriés à Bamako» à partir du poste de gendarmerie de la localité de Somadougou située à 35 kilomètres de Sévaré.
En outre, de hauts responsables de l’armée malienne, contactées au téléphone par Alakhbar, disent n’avoir pas été autorisés à parler à la presse. On risque alors d’assister à une guerre «muette» et sans images opposant l’armée et ses alliés français et africains aux jihadistes qui contrôle le nord du Mali.
source /ALAKHBAR (Sévaré)
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