J’ai lu, avec un intérêt certain, le livre, écrit dans un style agréable et alerte et au contenu dense et instructif. Je l’aurais intitulé :Tribulations d’un enseignant en rupture de ban.
Réflexions désabusées sur la faillite de notre Système éducatif. Les longs développements, toujours illustrés et ‘’documentés’’, démontent éloquemment les mécanismes d’un management hasardeux et laxiste du système et de ses ressources humaines, en violation totale de toute règle de transparence, d’équité ou de bonne gestion ;
...mettent à nu l’irresponsabilité et l’inconscience professionnelle et morale des enseignants, davantage préoccupés par leur confort matériel personnel ou la qualité des menus disponibles que par l’avenir de leurs élèves et leur réussite ; décrivent clairement le dénuement et la misère des structures scolaires et, conséquemment, ceux des élèves des milieux défavorisés.
Mais plus grave encore, c’est le glissement progressif vers une école à deux vitesses qui a fini de porter le coup fatal au système éducatif, portant la polarisation sociale à un niveau jamais atteint et porteur de tous les dangers ! Là, une question se pose, éludée par l’auteur : pourquoi les enseignants, issus des milieux défavorisés, ne sont-ils pas plus motivés pour servir dans les adwabas et les villages pauvres ?
Pourquoi ne mettent-ils pas en application les principes de justice sociale et d’égalité qu’ils promeuvent, à juste titre d’ailleurs ? Plus globalement, pourquoi les enseignants, naguère modèle de compétence, de rigueur et de ponctualité, comme l’a bien noté l’auteur, sont-ils devenus, en une génération, un ‘’modèle’’ d’incompétence, de laisser-aller et d’absentéisme??
L’auteur suggère la réponse classique liée au faible traitement, aux problèmes de la vie, au manque de vocation ou à l’injustice du système…Tous ces arguments sont fondés et réels mais peut-on moralement, religieusement ou philosophiquement en exciper pour torpiller l’avenir de pauvres enfants ?
Et pourquoi ces enseignants sont-ils sérieux et motivés avec les communautés aisées et absentéistes et laxistes quand il s’agit de pauvres ? Je crois que la responsabilité des enseignants est pleinement engagée et qu’il est temps pour eux de se remettre en cause !
Enfin, la limite majeure du livre est la quasi-absence des questions de fond, notamment les choix pédagogiques tels les classe multigrade, la pertinence du bilinguisme, les déterminants de l’échec scolaire massif, l’absence de soutien aux élèves en retard ou la disparition des internats et des bourses scolaires, les formes de motivation des parents, agriculteurs et pauvres en particulier…
Il aurait été instructif que l’auteur partage son expérience et son expertise sur toutes ces questions avec des avis éclairés et argumentés. Il a évoqué une fois le choix des classes multigrades qualifiées d’hérésie pédagogique sans plus de précision comme il a parlé de l’approche par les compétences tout aussi succinctement.
Pour terminer, adressons nos félicitations à l’auteur pour cet acte, lucide, sincère et courageux, qui contribue à instituer une tradition souhaitable avec des témoignages d’acteurs de la vie politique, sociale ou intellectuelle pour comprendre et changer l’Histoire.
Par Habib OuldHemet, ancien ministre secrétaire général de la Présidence de 2005 à 2007
Source : Le Calame (Mauritanie) |