Crise Ivoirienne : le défi de la solution sera-t-il relevé à partir de Nouakchott |
Etaient donc présents ce dimanche : Said Djinnit, représentant de l’ONU en Afrique de l'Ouest, Ramtane Lamamra, président du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA, Jean Ping, Président de la Commission de l’UA. Tous avaient travaillé à la résolution de la crise politique en Mauritanie. En 2009, ils avaient travaillé notamment avec le Président Sénégalais Abdoulaye Wade et son ministre des affaires étrangères de l’époque, Cheikh Tidiane Gadio. Cette fois-ci, ils doivent aider Mohamed Ould Abdel Aziz et quatre autres chefs d’Etats africains : Jacob Zuma, de l’Afrique du Sud, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Idriss Deby Itno du Tchad et Jikaya Kikwete de la Tanzanie. Mission : aboutir « à une issue pacifique qui préserve la paix, la stabilité et la démocratie en Côte d’Ivoire et renforcer l’unité et la cohésion de (son peuple)», ainsi que le souhaite le président mauritanien prononçant un discours dimanche à l’ouverture de la réunion du panel dimanche. Des experts ont ficelé un rapport à l’issue d’une mission à Abidjan début février. Ce rapport servira de base de travail au panel des chefs d’Etats. Mission délicate à mener sous une certaine pression car à huis-clos, les membres du panel procéderont d’abord à un échange de vues sur le rapport, puis à un examen des options possibles au règlement de la crise. Juste une demie journée ou moins pour partir avec des propositions concrètes lundi à Abidjan où Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara attendent dans un climat tendu. En effet, trois jeunes ont été tués samedi à Abidjan par balles au cours d’une manifestation de partisans d'Alassane Ouattara que les forces de l'ordre fidèles à Laurent Gbagbo ont dispersée. Techniquement donc, la pression est forte. Du point de vue du contenu, la mission consiste à « trouver une solution sur la base de l'acceptation des résultats de l’élection du 28 novembre» telle que l’avait souligné le représentant spécial du secrétaire général de l'Onu en Côte d'Ivoire, Young Jin Choi à la mise en place du panel. Or, toute la difficulté porte justement à faire reconnaitre à Laurent Gbagbo la légitimité d’Alassane Ouattara que la communauté internationale a retenu comme vainqueur des élections du 28 novembre. En plus il se trouve que certains des chefs d’Etats sont présentés comme parties prenantes de la crise ivoirienne. C’est le cas de Blaise Compaoré qui aux yeux des partisans de Gbagbo aurait un penchant pour Alassane Ouattara. Si comme avait eu à le prétendre Gervais Kacou ministre des Affaires étrangères d'Alassane Ouattara le panel de chefs d`Etat doit rechercher des solutions pour faire reconnaître Alassane Ouattara comme le président élu et de lui permettre gouverner tranquillement, du côté de des partisans de Laurent Gbagbo, comme Charles Blé Goudé on soutient que chefs d'Etat mandatés par l'UA ne sont que des auditeurs censés évaluer la situation en Côte d'Ivoire. Et que par conséquent ils doivent contacter tous les protagonistes en vue de diagnostiquer la crise. Mais à présent que des experts se sont rendus à Abdjan et ont apporté dans leur rapport des solutions, reste à savoir si parmi ces solutions, Alassane Ouattara et Laurent Gabgbo se verront proposer un scénario à la Kenyane. C'est-à-dire à la formation d’un gouvernement d’union nationale qui va aboutir à un nouveau style de gouvernement en Côte d’Ivoire où l’un des protagonistes sera le Président de la République et l’autre le Vice Président ; tous deux ayant des prérogatives à équidistance l’un de l’autre. On sait qu’en 2007 au Kenya, la présidentielle qui avait vu la victoire du président sortant Mwai Kibaki, avait été contestée et que des violences avaient sévi. Presque autant qu’en Côte d’Ivoire actuellement. On sait qu’ en avril 2008 le président Mwai Kibaki avait nommé Premier ministre le chef de l'opposition Raila Odinga dans un cabinet de coalition en application d’un accord de partage du pouvoir ; qu’il avait en même temps nommé Musalia Mudavadi, le numéro deux du Mouvement démocratique orange de Raila Odinga, comme vice-Premier ministre à côté de Uhuru Kenyatta vice-Premier ministre dans le nouveau cabinet de coalition. Alors, pareille solution serait-elle acceptable par les pro-Gbagbo qui ont déjà mis en garde les chefs d'Etat contre toute tentative de leur imposer toute idée préconçue qui serait contraire à la loi ivoirienne et viserait à imposer Ouattara ? En clair pour quelqu’un comme Blé Goudé et les jeunes patriotes seules des conclusions prenant en compte les lois et la Constitution de Côte d'Ivoire seront acceptables. Le paradoxe c’est que le style avec lequel le Conseil Constitutionnel a proclamé Gbagbo vainqueur n’a justement pas tenu compte de ces lois et de cette constitution. Comment faire comprendre cela à Laurent Gbagbo et à ses partisans ? Alassane Ouattara compte en vérité sur le « Groupe de haut niveau » après que des médiateurs comme le kényan Raila Odinga, le malawite Bingu wa Mutharika, le sud-africain Thabo Mbeki et le nigérian Olusegun Obasanjo ont échoué à convaincre son rival de quitter le pouvoir. Le scepticisme de Guillaume Soro pour qui Gbagbo ne cèdera pas le pouvoir sous la pression du panel de l`UA aura-t-il sa raison d’être quand seront présentées les propositions de solutions qu’apporteront Ould Abdel Aziz et ses pairs aux protagonistes de la crise ivoirienne ? Si ces propositions ne sont pas acceptées, aura-ton enfin recours à la force ainsi que l’avaient requis Ouattara et ses partisans pour déloger Gbagbo ? Ou au contraire, le panel pensera-t-il une alternative du genre solution à la libanaise ? Au Liban par exemple la constitution indique que le Président, obligatoirement chrétien maronite, est élu pour six ans par la Chambre des députés Majlis Al Nuwab à la majorité des deux-tiers ; qu’il n'est pas directement rééligible sauf modification de l'article 49 de la Constitution. A côté de ce Président un Premier ministre obligatoirement musulman sunnite est responsable devant les députés, le président de l'Assemblée nationale devant lui être musulman chiite…
L’originalité du système politique de cette république parlementaire à démocratie confessionnelle pourrait-elle inspirer les chercheurs de solutions à une crise politique dans un pays africain où la confession est mise au second plan d’une soi-disant ‘ivoirité’ ayant déjà fait des ravages ? penserait-on en Côte d’Ivoire à un système de gouvernement qui donnerait une présence significative au sommet autant aux sudiste qu’aux nordistes ; les uns passant pour anthropologiquement liés à Alassane Ouattara et les autres pour engagés dans un sentiment et une relation tribale avec Laurent Gbagbo ? Si aucun des deux scénarios n’est proposé le panel aura-t-il une solution miracle qui mettrait la Côte d’Ivoire à l’abri d’un déchirement de trop ? Déjà des réserves ont été émises sur la composition du panel. Le leader des « jeunes patriotes », Charles Blé Goudé, avait notamment trouvé que Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso est juge et partie dans la crise ivoirienne et que par conséquent il ne saurait rester neutre dans la médiation et que son pays « continue d'être l'arrière-base de la rébellion » des Forces nouvelles qui soutiennent Alassane Ouattara. » Même protestation à l’endroit du Président sud africain de la part du ministre des affaires étrangères de Laurent Gbagbo, Alcide Djédjé pour qui trouve cependant que même si la position de l’Afrique du Sud n’est pas acceptable, il importe de décortiquer les propositions que le panel fera. Serait-ce compter avec les jeunes patriotes de Blé Goudé qui aux dernières nouvelles seraient partis se pointer à l’aéroport de d’Abidjan pour empêcher que Blaise Compaoré, rentré dimanche soir à Ouagadoudou ne puisse fouler le sol ivoirien le lundi ? « Work in Progress ! » a lancé le président Tanzanien, dimanche 20 février 2011 à 20 heures 42 minutes en sortant de la réunion de Nouakchott. Autrement dit : les travaux avancent. Dans le bon sens sans doute. De quoi, le cas échéant, rendre fier Mohamed Ould Abdel Aziz, le Président de la République Islamique de Mauritanie qui, en plus de trouver l’occasion de prendre sa revanche sur l’histoire par un éventuel succès diplomatique, peut s’atteler, s’il le souhaite, à redonner à son pays la place qu’un certain Maouya Ould Taya lui avait fait perdre en Afrique en le retirant de la CEDEAO… Kissima Diagana La Tribune N°538 du 21/02/11
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Lundi, 21 Février 2011 06:54 |