Niger: des habitants accuse l'armée française d'avoir commis une bavure |
Deux villageois de la région d’Arlit ont été tués le 10 octobre au cours d’une opération de l’armée française ayant visé un convoi «terroriste», dans le nord du Niger. Leurs proches assurent que ces deux hommes n’étaient pas armés et évoquent une bavure militaire sans précédent dans la région. Par Mohamed Diop et Claude-Olivier Volluz Le drame aurait pu demeurer sans témoins. «La zone a été très rapidement bouclée par l’armée nigérienne», rapporte Rhissa Ibrahim, un habitant d’Arlit, l’un des rares à accepter de parler publiquement de cet événement. Alertés par les tirs, entendus de loin, et par le bruit du rotor d’un hélicoptère, des villageois parviennent à rejoindre les lieux avant l’armée nigérienne. Le véhicule est encore fumant lorsqu’il est découvert, quelques minutes après avoir pris feu, dans la nuit du 9 au 10 octobre. «Il était calciné», raconte un habitant qui requiert l’anonymat. Un homme est découvert sans vie dans la carcasse. Il est mort sur le coup. Un autre a réussi à s’extraire de son siège et à se glisser à l’extérieur devant quelques villageois qui assistent à la scène, médusés. «Il n’avait plus de jambes», poursuit Rhissa Ibrahim. «Ils n’ont rien à voir avec les terroristes» «C’est l’hélicoptère qui nous a tiré dessus», aurait affirmé la victime, avant de succomber à ses blessures, selon les propos rapportés par plusieurs témoins au Courrier du Sahara.«Les gens voulaient l’amener à l’hôpital. Mais il est décédé avant que son transfert ait pu avoir lieu», explique Rhissa Ibrahim. «Il n’y avait que ces deux personnes à bord du véhicule. Ce sont des civils. Ils n’ont rien à voir avec les terroristes», assure un ami de l’un des deux défunts. La population parvient sans peine à identifier les corps d’Ebannar Hounbalou et Houdane Ahmoudou Khoumoudou, deux habitants de Gougaram, un village dépendant de la préfecture d'Arlit. Leur véhicule se dirigeait en direction d’Arlit lorsque le drame s’est produit. Selon les témoignages recueillis par Le Courrier du Sahara, les deux amis rentraient d’une journée de travail autour d’un gisement d’or. Ils venaient de passer plusieurs heures à retourner le sable dans la région de Tagharaba, près de la frontière algérienne. «Je peux vous assurer qu’Ebannar et son ami n’étaient pas armés. La population n’a pas été sensibilisée à la présence des patrouilles de l’armée française dans la zone de Tagharaba. C’est une région dans laquelle les chercheurs d’or se retrouvent. Des hommes équipés de fûts d’eau et de pioches qui espèrent grappiller quelques pépites pour nourrir leur familles», témoigne Boutali Ag Tchiwerin, une figure de la communauté locale touareg qui a tenté d’alerter l’opinion internationale sur ce drame. En vain. L'armée française s'en tient à son bilan Le véhicule d’Ebannar Hounbalou et Houdane Ahmoudou Khoumoudou a été retrouvé à la hauteur d’Anakhal. La disposition des carcasses des véhicules attestent que le convoi «terroriste» a croisé la route de la voiture des deux hommes. «Il y avait six véhicules dans le convoi que traquaient les militaires français. Cinq véhicules ont été frappés du premier coup. Un dernier a réussi à s’en extraire pour s’échapper», selon un habitant de la région. Avant d’être atteint lui aussi. Ce véhicule et celui des deux habitants d’Arlit seront retrouvés calcinés, à proximité l’un de l’autre. L’opération militaire est annoncée dans un premier temps par l’Elysée qui affirme avoir agi en coopération avec les autorités nigériennes. Dans un communiqué, le ministère français de la Défense annonce la «neutralisation» d’une vingtaine de «terroristes» et la saisie de plusieurs tonnes d’armes. Mais à aucun moment il n’est fait référence à Ebannar Hounbalou et Houdane Ahmoudou Khoumoudou. Sollicitée par Le Courrier du Sahara, la cellule de communication de l’Etat-Major des Armées françaises refuse de commenter ces événements dans le détail et s’en tient au bilan cité dans ses différents communiqués. Les proches des victimes sont «sous le choc», selon Rhissa Ibrahim. Il en va de même pour les habitants de la région. «Désormais, ils courent se cacher dès qu’ils entendent le bruit d’un avion ou d’un hélicoptère. Ils sont traumatisés», se désole-t-il. Lieu de transit privilégié par les trafiquants d’armes et de drogue en route vers le nord, la région est désormais verrouillée, considérée en zone militaire fermée par l’armée nigérienne, témoignent les habitants de la région. lecourrierdusahara |
Lundi, 03 Novembre 2014 13:31 |