Lutte contre AQMI : Lemghayti, c’est désormais loin |
Au départ était Lamghayti
La veille – le 3 juin – la garnison avait reçu la visite d’un groupe de trafiquants qui partaient visiblement vers les confins algéro-maliens. Parmi eux deux mauritaniens.On les avait traités comme on traite les hôtes de marque : les militaires avaient tout partagé avec eux. Ils étaient partis un peu avant le crépuscule après avoir laissé à la garde de la garnison un camion et quelques fûts en attendant «le retour». Ce groupe était en fait constitué d’éclaireurs. Il avait repéré toutes les positions de la garnison, s’était renseigné sur tous ses mouvements. L’attaque était prévue au petit matin. Les assaillants avaient placé des tireurs d’élite sur les collines environnantes avant de passer à l’action. Le hasard a voulu qu’à cette heure, les éléments de la «corvée de bois» commençaient à se rassembler. Ils ont vu venir à toute vitesse les voitures. D’où la forte résistance de la garnison. Mais, moins d’une heure après, les assaillants étaient maîtres des lieux. Ce fut le carnage : 17 morts parmi les nôtres et de nombreux blessés. Certaines des victimes sont descendues froidement après leur capture. C’est un camion de trafiquants de passage qui allait donner l’alerte : l’apprenti qui avait le thuraya du groupe de trafiquants, appela son patron quelque part en Afrique noire, celui-ci avertit des parents qui avertirent les autorités. Les premiers secours arrivèrent sur place le 5 juin. Et pour poursuivre les assaillants, le pouvoir fit appel aux hommes d’affaires. L’un des groupes a financé l’achat de véhicules, l’autre les hydrocarbures, un autre encore l’équipement, un autre la pneumatique… Cela prit une semaine, le temps de laisser filer les assaillants vers la frontière entre le Mali et le Niger. On dit que cette opération revendiquée par le Groupe salafiste de combat et de prédication (GSPC), a sonné le glas d’un régime depuis longtemps en déconfiture, celui de Ould Taya usé par 21 ans de navigation à vue. Le 3 août 2005, un putsch pacifique mettait fin à ce régime. Le projet politique allait accaparer le pays et faire oublier les menaces terroristes. Le régime civil issu des élections de 2006 et 2007 allait adopter une attitude passive, mettant les menaces sur le compte d’une «psychose entretenue par le pouvoir d’avant». Onde de choc, Effort de guerre Le 24 décembre 2007, quatre touristes français sont tués près d’Aleg. Le 27 décembre 2007, trois soldats mauritaniens tombent dans une embuscade près de Ghallawiya, dans le nord du pays. Février, mars et avril 2008, Nouakchott est le théâtre d’affrontements qui aboutissent au démantèlement de plusieurs cellules de Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI, héritère du GSPC) qui semble avoir choisi la Mauritanie comme cible principale de ses activités criminelles. Le pouvoir politique, occupé par les guerres internes, ne réagit pas. Ce qui accentue la crise de confiance entre ses ailes militaire et civile. Le coup d’Etat du 6 août 2008 est l’aboutissement fatal – presque normal – de cette confrontation. Le 15 septembre 2008, AQMI accroche une unité près de Tourine (nord) et tue 12 des nôtres. Ils sont décapités et leurs corps minés. Ce qui ajoute à l’horreur de l’œuvre macabre. C’est cette attaque qui fonde la nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme. Malgré ses moyens limités et malgré l’isolement du régime par la communauté internationale, les autorités choisissent la confrontation.
«Tous nos éléments savent conduire, explique le lieutenant-colonel Ahmed Ould Abdi commandant le GSI 1 aux parlementaires et membres de la société civile devant lesquels l’Armée a décidé d’ouvrir grandes ses portes. Ils ont désormais une parfaite connaissance du terrain et des équipements mis à leur disposition. Ils sont prêts à intervenir n’importe où sur le territoire national». En période normale, le GSI sillonne les étendues désertiques du nord pour intercepter trafiquants et terroristes. En plus de ces unités mobiles, l’Armée nationale a renforcé sa présence sur tous les points qui ont constitué, dans le temps, une base ou un point de passage dans le désert. C’est d’une véritable opération de recouvrement de la souveraineté qu’il s’est agi. Quand on voit que l’Armée a réoccupé Aïn Bentili (extrême nord), base qu’elle a quittée en février 1976. Chegatt, Lemghayti, Ghallawiya… tous les postes fixes ont été renforcés. On a vu aussi la création de nouvelles unités qui viennent en soutien aux forces éventuellement engagées. C’est le cas de l’unité de l’aviation qui a plusieurs appareils pouvant intervenir n’importe où et n’importe quand. Le personnel a bénéficié d’une formation de pointe et la direction de l’Air peut s’enorgueillir aujourd’hui de la création d’une école d’aéronautique à Atar. On comprend alors la réussite des dernières opérations qui ont permis la neutralisation de plusieurs convois de trafiquants et d’au moins un véhicule de AQMI qui traversaient le nord du pays. C’est le cas aussi de l’unité des blindés légers, basée dans la deuxième Région militaire du Tiris Zemmour. A portée de tous les points susceptibles de faire l’objet d’une attaque ennemie, l’unité d’AML est composée de véhicules avec armement lourd, rapides et peu coûteux. Très adaptés au désert, ces véhicules roulent au gasoil et possèdent un grand rayon d’action. L’effort régional surtout
"De plus en plus, chaque fois que ces Etats se retrouvent pour débattre, échanger des informations et des renseignements, étudier des mesures à prendre, c'est une avancée", a estimé le Président Ould Abdel Aziz. Rappelant cependant que, "nécessairement", cela "doit se concrétiser, aboutir à quelque chose". "Le terrorisme ne connaît pas de frontière, d'où la nécessité de conjuguer les efforts de tous les Etats, d'un engagement de tout Dans cette interview, il a souligné que "les terroristes dans le nord du Mali" viennent de presque tous les pays de la région, "aussi bien des Maghrébins (Algériens, Marocains, Mauritaniens, Tunisiens, Libyens), que des Maliens" et des ressortissants "de certains autres pays africains" plus au sud. Il n’a pas néanmoins souhaité l'implication des pays occidentaux, dont la France, dans la lutte contre AQMI. "Je ne pense pas que ce soit une nécessité, réellement. Il faudrait d'abord qu'on arrive à mettre en place au niveau régional une structure, une coordination effective, pour des actions au niveau des Etats concernés par ce fléau".
Selon Ould Abdel Aziz, grâce à "la prise d'otages et le paiement de rançons", les membres d'AQMI ne manquent pas de moyens. "Ce qui leur permet de s'équiper Ce sont ces craintes qui expliquent la présence, la semaine dernière, d’autorités militaires mauritaniennes dans le nord du Mali. "Une délégation militaire mauritanienne est arrivée à Ségou pour rencontrer des représentants de l'armée malienne afin de dégager rapidement un plan d'attaque contre AQMI dans la forêt du Wagadou", dans l'ouest du Mali, a déclaré une source malienne à l’AFP. Selon la dépêche de l’AFP, la forêt du Wagadou, où AQMI disposerait d'un circuit de ravitaillement selon des sources sécuritaires, est proche de Nara, ville à environ 50 km de la frontière mauritanienne et une des plus importantes de la région. Quoi qu’il arrive, on ne peut plus craindre une attaque frontale de AQMI contre les positions mauritaniennes aujourd’hui. D’ailleurs, il n’y en a pas eu depuis septembre 2008. Même si l’on ne peut prétendre à contrôler complètement un territoire aussi grand que celui de la Mauritanie, il est clair que le temps où l’attaque de Lemghayti pouvait avoir lieu, ce temps-là est bien loin de nous. Heureusement. Ould Oumeir source: La Tribune N°553 du 13 juin 2011 |
Mardi, 14 Juin 2011 16:49 |