Entretien avec Mariem Mint Derwich : « Nos auditeurs ont le droit de savoir pourquoi la première radio libre de Mauritanie n'a pas obtenu sa licence… » . |
Mariem Mint Derwich est journaliste chroniqueur à l’hebdomadaire Le Calame. Fondatrice avec Abdoulaye Diagana du site www.kassataya.com et animatrice des émissions de la radio en ligne du site, Mariem Mint Derwich réagit par rapport aux résultats des candidatures pour l’autorisation de créer des radios libres en Mauritanie. Le dossier de création de radio privé de kassataya n’a pas été retenu. La Tribune : Vous avez été recalé par HAPA à l’ouverture des dossiers de candidatures pour des projets de radio. Quelle explication vous a-t-on fournie du côté de l’autorité de régulation ? Mariem Mint Derwich :Nous venons juste de recevoir une lettre quand aux motifs de rejet de notre dossier. Je vous mentirais si je vous disais que le refus d'accorder une licence à Kassataya ne nous a pas porté un coup au moral. Pourtant, dès l'annonce de la libéralisation des ondes et l'ouverture aux médias privés, nous avons travaillé dans un seul but : pouvoir, enfin, émettre en Mauritanie, continuer le travail que nous avons engagé, toute l'équipe de Kassataya, depuis maintenant 3 ans. Nous avons déposé dans les temps un dossier que nous pensions « bétonner ».Nous avons créé une société anonyme de droit mauritanien. Pour monter ce dossier, nous avons fait appel à un des plus grands cabinets d'expertise de Mauritanie, cabinet qui, je tiens à le souligner, a pour clients les plus grandes entreprises étrangères travaillant en Mauritanie. Ce cabinet a accompli un travail remarquable. Nous avions les fonds demandés, nous avons fourni à la Hapa tous les statuts et les pièces d'identité des actionnaires, actes authentifiés devant notaire. Nous avons fourni notre grille de programme. La Hapa, dans le courrier envoyé, nous reproche 2 points. Il nous est reproché de ne pas avoir fourni le registre de commerce d'une société actionnaire. Second point il est écrit que « L'état des souscriptions du capital n'est pas visée (avec la faute, je tiens à le souligner) par l'établissement bancaire domiciliant le compte de constitution de la société ». Ces reproches nous laissent perplexes. Nous avons envoyé la lettre de réponse au cabinet d'expertise qui a monté lé dossier. Mais je peux déjà répondre, en « néophyte » : en ce qui concerne le premier reproche, il est normal de ne pas fournir le registre de commerce d'une société anonyme tout simplement parce que la société vient d'être créée. D'ailleurs ce cas de figure est prévu dans le dossier de candidature!! En ce qui concerne le second point , « l'état de souscriptions du capital non visé par l'établissement bancaire « ! Ceci n'est pas exigible pour une société en cours de constitution! Nous attendons un examen approfondi de ces réponses par notre cabinet d'expertise, réponses qui nous paraissent un peu « tirées par les cheveux ». Comment exiger quelque chose alors que le cas est évoqué et admis dans le dossier de constitution ?
La Tribune : Les porteurs des 19 projets de radio et TV recalés, dont Kassataya, ont contesté la décision de la HAPA qui aurait privilégié des proches du président mauritanien. Avez-vous les preuves de ce que vous avancez ? Mariem Mint Derwich :Nous n'avons accusé personne. Le collectif des « recalés » a simplement demandé que l'on explique le pourquoi et le comment des refus de licences. Nous avons le droit de savoir. Nos auditeurs ont le droit de savoir pourquoi la première radio libre de Mauritanie n'a pas obtenu sa licence alors qu'elle a prouvé, le nombre d'auditeurs étant là, qu'elle possédait l'expérience nécessaire, l'enthousiasme, le professionnalisme inhérents au journalisme. Nous sommes en droits de connaître les raisons non? Les vraies raisons! Est ce déraisonnable? Que la Hapa nous rejette c'est son droit. Le notre est de comprendre les raisons du rejet, surtout si, comme je l'ai expliqué plus haut, ces raisons nous semblent injustes et injustifiées ! En tous cas je peux vous assurer que le dossier de candidature a été examiné à la loupe par nos experts. Rien ne leur a échappé, quoi qu'en dise la Hapa. La Hapa remettrait elle en cause la compétence d'un des plus grands cabinets d'expertise de notre pays? Remettrait elle en cause son professionnalisme? Mais laissons à nos experts le soin de décortiquer les réponses de la Hapa... Ce qui est fait est fait. Nous restons persuadés que notre dossier, au même titre que celui des heureux bénéficiaires des licences radios et télés, était bon et valable. Est valable et « bétonné ». Nous n'aurions pas pu faire mieux. La Tribune : Pensez-vous qu’au prochain appel à candidature, la HAPA tiendra compte de vos réactions ? Mariem Mint Derwich :Nous espérons que le processus soit plus transparent, que la Hapa fasse son travail dans la transparence. Si nous avions été éliminés dans la transparence nous aurions joué le jeu. Mais ce ne fut pas le cas. Nous n'avons pas accusé, Mais il y a des curiosités. Par exemple, arrivez-vous à concevoir, vous journaliste, qu'il n'ait fallu à la Hapa que 3 jours pour pouvoir étudier à fond 26 dossiers, équivalents à des milliers de pages? 3 jours pour décider de la vie ou de la mort d'un rêve? Car cette libéralisation a été rêvée. Nous, à Kassataya, en tous cas l'avons rêvé. La libéralisation avait été attendue et beaucoup d'espoirs avaient été placés dans ce processus là. Il est dommage que la Mauritanie rate ainsi cette ouverture aux médias libres. Et, surtout, que notre pays n'arrive pas à couper avec les pratiques du passé et que certains organismes, tel que la Hapa, ne jouent pas le jeu de la transparence. Ou alors semble le faire avec cette lettre que nous avons reçu où nous nous étonnons de ce qui nous est reproché! Quoiqu'il se soit passé, nous sommes fiers de Kassataya. Nous sommes, malgrè tout, entrés dans l'histoire des médias libres de Mauritanie. A Kassataya nous avons fait notre « printemps mauritanien ». Nous avons créé à la seule force de nos idéaux et de nos convictions un média indépendant, IN-DE-PEN-DANT, un média de toutes les Mauritanie, un média où toutes les communautés sont représentées. Car nous croyons, à Kassataya, en une Mauritanie plurielle et colorée, où tous les citoyens ont les mêmes droits. Et où toutes les opinions ont droit de cité, dans le respect. La Tribune : Maintenant que d’autres radios privées vont émettre librement, comment kassataya compte-t-elle s’y prendre pour fidéliser ses auditeurs ? Mariem Mint Derwich : Nous avons perdu une bataille mais nous n'avons pas perdu la guerre!! Kassataya va continuer, comme elle sait le faire, pour les auditeurs, avec les auditeurs. Nous continuerons à émettre et à laisser la parole libre s'exprimer. Nous continuons les programmes que nous avons actuellement et nous allons, bientôt, offrir une grille de programmes plus étoffés. Nous continuons aussi notre revue de presse. Mais, dans quelques semaines, sur le site de Kassataya, nous ne vous proposerons plus que des articles écrits par nos journalistes. Nous avons établi des liens avec d'autres sites et nous travaillons en totale intelligence aves d'autres médias. Nous avons toujours nos correspondants en Mauritanie. Grâce à eux, nous avons été les seuls à vous proposer, par exemple, la couverture des évènements de Maghama en direct, via un « LIVE ». Oui Kassataya va continuer. Et sera toujours là, avec sa parole libre et son attachement à la démocratie. Nous redéposerons un dossier dès le prochain appel à manifestation d'intérêt, avec, je l'espère, un résultat différent. Propos recueillis par Kissima La Tribune N°574 du lundi 5 décembre 2011 |
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Mardi, 06 Décembre 2011 10:11 |