Né à Aleg en 1976, Abdoul Birane Wane a fait très tôt de la politique. À 15 ans, il intègre l’Union des forces démocratiques (UFD), qu’il quittera plus tard pour défendre la cause negro-mauritanienne contre un système qu’il qualifie souvent de « raciste et ségrégationniste » à travers l’Alliance pour une Mauritanie nouvelle, puis l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement pour la rénovation (ADJ/MR).
Cependant, vus ses multiples divergence avec les membres du Bureau Politique de l’AJD/MR, Mr Abdoul Birane Wane quittera, lui et ses amis pour fonder l'Initiative Mauritanienne pour l'Egalité et la Justice (IMEJ) où il aura l’honneur d’occuper le poste de vice- président.
Comme une étoile naissante, Monsieur Abdoul Birane Wane, qui jusque là était inconnu du public mauritanien, émergera, pour dénoncer un processus d’enrôlement des citoyens à vocations civiles, jugé raciste par des organisations citoyennes regroupés sous forme de collectif, appelé « Touche pas à ma Nationalité », qui le désigneront comme coordinateur.
Depuis lors, comme quelqu’un qui a perdu le sommeil, il ne baisse pas son bâton de pèlerin, qui l’amène à porter toutes les causes dont sont victimes la communauté negro mauritanienne.
Monsieur Abdoul Birane, a voulu nous consacrer cette interview qu’il en soit remercié.
Essirage.net : le Président Mohamed Ould Abdel Aziz vient de fermer le dossier des rapatriés mauritaniens victimes des événements de 89. Quel sentiment cela vous inspire t-il ?
Abdoul Birane Wane : La décision est unilatérale et incomplète, en conséquence il reste tout à faire. Il aurait fallu pour régler la question du passif humanitaire faire appel à tous les partis politiques, toutes les organisations des droits humains, la société civile et les concernés eux même à travers toutes leurs organisations, ce qui n’a pas été le cas et il n’est pas étonnant de voir les rapatriés sous des tentes privés de leurs biens et des emplois qu’ils occupaient avant les événements, les indemnités ont été largement en deçà des préjudices subis. Pour finir, le passif humanitaire est un élément de la question nationale qu’il faut résoudre dans sa globalité or Ould Abdel Aziz a choisi de prendre des mesures superficielles.
Essirage.net : Lors d’un débat organisé par l’Initiative Mauritanienne pour l’Unité Nationale et la Paix, les Bassistes et les nasséristes ont rejeté toute accusation les impliquant dans les événements de 1989…Notamment à propos de la déportation de familles negro mauritaniens au Sénégal. Ils ont demandé à ceux qui portent ces accusations d’apporter des preuves. Les éléments de TPMN qui étaient présents n’ont pas réagi. Pourquoi ?
Abdoul Birane Wane : Depuis 1986 les baathistes constituaient l’éminence grise du régime de Taya, et il était largement admis dans la plupart des cercles mauritaniens proches du pouvoir dont les baathistes qu’il n’y avait aucun mauritanien déporté au Sénégal et au Mali. Si aujourd’hui on parle de retour des déportés et du passif humanitaire c’est que le négationnisme est bien implanté en Mauritanie.
Essirage.net : Souvent vos militants postent des droits de réponse à propos de Biram Ould Abeid. Comment expliquez-vous ce fossé entre vous IRA alors que vous semblez tous les mêmes idéaux de justice et d’égalité.
Abdoul Birane Wane : J'ai toujours dis que nous ne nous trompons pas d’adversaire, ni de cible et Biram Dah ould abeid n’est pas notre adversaire.
Essirage.net : Quelles sont les relations que vous entretenez avec les Flam ? Partagez vous la vision de l’autonomie qu’ils ont pour la Vallée?
Abdoul Birane Wane : Des relations empreintes de courtoisie d’organisation à organisation et à chaque fois qu’il est possible de coupler des actions nous le faisons pour le bien être des populations noires de Mauritanie. Du reste nous avons la même approche avec toutes organisations impliquées dans la lutte pour la défense de la cause des négros mauritaniens et pour la démocratie.
L’autonomie, l’autodétermination, la décentralisation ou un Etat unitaire qui garantit les droits à chacun sont autant d’hypothèses à étudier.
Essirage.net : avez-vous constaté des améliorations dans les causes que vous défendez (enrôlement, terre de la vallée, les sélections dans les concours, le passif humanitaire ?
Abdoul Birane Wane : Le problème de l’enrôlement reste toujours posé, les commissions nationales et départementales sont entièrement composées de cadres arabo-berbères, ce qui est totalement discriminatoire. Dans ces conditions, il est impossible de croire à l'objectivité de cette opération. En outre, le problème des mauritaniens vivant en Europe avec le statut de réfugiés, sans papiers(entendez par là des mauritaniens dont la situation n'est pas encore régularisée ) ou qui ont la double nationalité, sont complètement exclus du recensement, alors qu'ils sont mauritaniens à part entière et qu'ils n'ont jamais renoncé à leur nationalité.
concernant Les terres de la vallée, elles sont de plus en plus spoliées par l'Etat raciste au profit d'hommes d'affaires arabes et de citoyens mauritaniens arabo-berbères. Dans certaines localités du sud, les populations n'ont plus accès à leurs cimetières, ce qui les met dans l'obligation d'inhumer leurs morts de l'autre coté du fleuve. Situation ne peut être plus humiliante.
Pour les sélections dans les concours, tout est mis en œuvre pour privilégier les arabo-berbères, de ce fait les jeunes diplômés noirs sont de plus en plus exclus.
Quant à la question du passif humanitaire que nous appelons sans complexe génocide, le règlement n'est qu'une vaste mascarade. Comment prétendre avoir réglé un problème de cette ampleur sans avoir procédé à une enquête, déterminé les responsabilités, jugé les coupables, réhabilité les victimes et c'est seulement après qu'on peut parler d'indemnisation.
Essirage.net : Un mot sur la démission de Ba Mamadou Kalidou de votre mouvement ?
Abdoul Birane Wane : C'est une décision qu'il a prise et que nous respectons.
Essirage.net : L’opposition politique est dans une dynamique de contestation du pouvoir actuel. Des partis comme Tawassoul demandent notamment au Président de « dégager ». Quelle lecture cela vous inspire-t-il ?
Abdoul Birane Wane : L’opposition est dans son rôle et Touche Pas à Ma Nationalité dans le sien, notre mouvement ne se contente pas seulement de demander à Aziz de « dégager » mais se bat pour l’écroulement de ce système fondé sur le racisme et l’exclusion, nous sommes une organisation de revendication des droits de la population noire oppressée, leurs droits bafoués par un pouvoir cinquantenaire servi par un système raciste, criminel et inique. Notre lutte est celle de la vérité contre un mensonge d’Etat, contre des crimes d’Etat, pour une Mauritanie où citoyenneté et justice ne seront plus le privilège d’une seule partie de la population au prétexte qu’elle est blanche.
Touche Pas à Ma Nationalité continuera ces actions jusqu'à l’aboutissement total de ses attentes. Le combat pour la conquête de nos droits sera dur, sans concession, probablement long, mais ne connaitra de répit, d’accalmie que quand nos revendications seront entendues et traitées.
Essirage.net : Depuis quelques jours nous assistons à des renvois d’étrangers et particulièrement plus de 200 Sénégalais ont été rapatriés de la Mauritanie par les autorités, qui auraient fourni comme alibi pour expliquer cette décision leur volonté de lutter contre l'infiltration des membres d'AQMI dans son territoire. Votre mouvement a condamné cet acte en le qualifiant de raciste puisqu’il vise la communauté negro africaine. Comment vous expliquez cela ?
Abdoul Birane Wane : Nous avons dénoncé les rafles non justifiés de nos frères sénégalais que l'Etat raciste enferme dans des centres de détention et qu'il refoulent dans des conditions inhumaines et humiliantes. Que la Mauritanie le veuille ou non, le Sénégal est un pays frère. Pour des raisons racistes et xénophobes les autorités Mauritaniennes ne doivent pas se livrer à une chasse aux sorcières, le constat est là et il est paradoxal. L'Etat Mauritanien renvoie des Sénégalais et accueille en même temps, à bras ouverts des combattants Touaregs. C'est une honte pour la nation. Il est du devoir de tout Mauritanien de dénoncer cette xénophobie qui ne vise que des étrangers noirs.
Touche Pas à Ma Nationalité est plus déterminé que jamais à combattre le système raciste incarné par le général Ould abdel aziz pour le mettre à genoux. Nous combattrons avec vigueur ce système et les hommes qui le maintiennent et ceci aussi longtemps que durera cette injustice.
Entretien réalisé par Oumar Amadou M’baye |