L'édito de La Tribune |
«El Qadhâfi vawg tribiine Shkar raaçu lilqawmiya Khalla Mao khalla Lénine Khalla labtaal ethawriya» Un épisode oublié de l’histoire de l’affrontement des idéologies sur le sol mauritanien. C’était au moment où les Kadihines, sous influence communistes, s’en prenaient aux nationalistes arabes qu’ils appelaient «chauvins». A l’occasion de la première visite de Kadhafi en Mauritanie au début des années 70. Les Kadihines n’avaient pas apprécié la propagande faite au nationalisme version nassérienne par Kadhafi de l’avant troisième voie. Alors ils ont voulu, par ce quatrain, rappeler leurs héros à eux : Mao, Lénine et autres «héros révolutionnaires». L’enthousiasme de la jeunesse de l’époque avait permis à Kadhafi de tenir quelques meetings. Celui organisé à l’occasion de l’ouverture du centre culturel libyen fut le plus mémorable. Le jeune colonel parlait aux peuples arabes sans passer par leurs autorités. Il était visiblement enchanté de se trouver en terrain conquis. Le retard pris dans la reconnaissance par les pays arabes de la Mauritanie, lui ouvrait toutes grandes les oreilles des jeunes qui entendaient pour la première fois des discours enflammés en Arabe. C’est de cette période que sont nés les premiers grands projets de la Libye en Mauritanie : la Banque mauritano-libyenne devenue Chinguitty Bank, la société mixte des pêches (SALIMAUREM), la société agricole (SAMALIDA), en plus d’ouvrages sociaux comme le lycée arabe de Nouakchott. Une lune de miel qui durera le temps d’avant la guerre du Sahara. La culture mesurée du marabout Moktar Ould Daddah ne convient pas au bouillant colonel. La rupture arrive avec le soutien apporté aux indépendantistes du Polisario. Kadhafi voit dans l’insurrection sahraouie une opportunité de mettre à mal la plus vieille monarchie arabe, celle des Alaouites au Maroc. Lui et Boumediene d’Algérie entendent faire payer à la Mauritanie de Moktar son alliance avec le Roi du Maroc. Quand arrive le coup d’Etat de juillet 1978, Kadhafi est l’un de ses premiers soutiens. A l’intérieur cela se traduit par le soutien apporté aux militaires par les nationalistes arabes. A l’extérieur, Kadhafi parraine la junte et veut bien y voir une version des Officiers libres qui l’ont inspiré. Très vite déçu, Kadhafi tente pendant une dizaine d’années de déstabiliser le pays sans vraiment réussir à tirer avantage de la situation chaotique produite par le pouvoir militaire. Il investit des millions de dollars pour animer un clan qui lui est dévoué. Il voit en Haidalla un alter ego et lui apporte un soutien sans faille. Avant d’essayer de le renverser. La rupture se traduit par une violente répression subie par la mouvance nassérienne en 1984. Si bien que quand arrive Moawiya Ould Taya au pouvoir, Kadhafi est à nouveau l’allié du pouvoir en Mauritanie. Pas pour longtemps. La personnalité très renfermée de Ould Taya «bloque» l’élan du colonel de Tripoli. Surtout que celui-ci cherche à déstabiliser le régime à partir de l’activation de ses réseaux qu’il continue d’alimenter en dollars. Cela n’échappe pas aux services de renseignements qui, périodiquement, vont démanteler ces réseaux et leur faire la chasse. La rupture complète arrive avec l’établissement de relations avec Israël qui nous vaut le fameux «tozz vi mouritaniya». Exprimant tout le mépris que Kadhafi a pour notre pays. Ce mépris n’est pas seulement dû à la personnalité du colonel qui en veut à un pays qui compte à ses yeux pour rien. Mais c’est aussi explicable par la nature des relations que les Mauritaniens, en contact avec lui, entretiennent. C’est toujours pour l’argent que les Mauritaniens vont à Tripoli. Par vagues parfois. Individuellement parfois. Mais c’est toujours pour les dollars de Kadhafi. Dernier épisode, celui qui a vu des chefs de partis, des élus prêter allégeance publiquement au Guide libyen. Les partis dont certains ont été parmi les premiers à saluer la révolution libyenne. Que reste-t-il des soutiens du Guide en Mauritanie ? Un groupe de fervents disciples, liés idéologiquement à la théorie de la troisième voie, mais qui ne dépasse pas la centaine. Les chefs politiques qui bénéficiaient pourtant des largesses du colonel Kadhafi ont vite oublié les «colis» de Rave’ Al Madani, de Moussa Koussa et d’autres messagers et officiers traitant des leaders politiques mauritaniens. Il va falloir un jour se pencher sur les dépenses faites pendant les élections de 2007, 2003 pour savoir qui sont les candidats qui ont bénéficié de cette générosité et à quelles proportions. Le jour où nous le saurons, nous serons surpris. Très surpris. MFO La Tribune N°562 du 29 août 2011 |
Lundi, 29 Août 2011 08:43 |