L'édito de MFO |
Les évènements de ces derniers jours doivent nous amener à nous parler, à réfléchir à leurs causes, leurs expressions et leurs conséquences. Cette opération d’enrôlement est-elle nécessaire ? On n’a pas besoin de philosopher, de réfléchir ou de discuter pour savoir que la Mauritanie n’a jamais pu – ou voulu – fixer sa population. Savoir à qui correspond ce nom ou celui-là, ce visage ou celui-là, cette adresse ou celle-là, cette activité ou celle-là… Y-a-t-il une manière de savoir toutes ces données sans procéder à cet enrôlement ? Certainement. Mais les opérations de recensement n’ont jamais été fiables par le passé. Elles n’ont jamais donné une base de données acceptable pour tous. Il faut cependant dire que les opérations d’enrôlement engagées en mai dernier devaient être entourées d’un maximum de précautions pour en assurer l’acceptation par les citoyens, et pour ce faire la compréhension. Cela n’a pas été fait. Qui de nous comprend aujourd’hui la différence entre l’enrôlement et le recensement ? entre les deux opérations et la révision des listes électorales ? Une minorité peut faire la différence. Le manque de communication autour de la question a été rapidement assimilé à une forme d’arrogance qui a confirmé les appréhensions nées du comportement équivoque des agents chargé de l’opération. Agents qui n’ont jamais été rappelés à l’ordre. Maintenant que le mal est fait, que faire ? Arrêter l’opération ? certainement pas. Dans un monde où les questions sécuritaires, ou celles de l’immigration massive deviennent un enjeu de survie, la Mauritanie est plus que jamais exposée. Créer un état civil fiable et définitif participera à refonder les rapports de la population au pays et à l’administration. Ce qui est en soi une révolution pour une population naturellement réfractaire à tout système d’organisation égalitaire et impersonnel (comme l’Etat). Un état civil fiable est aussi une condition de développement. Tous les programmes de développement ont jusque-là échoué. Peut-on accepter qu’en plus de la mauvaise gestion, de l’incompétence du personnel, il y a eu aussi les mauvais choix dus essentiellement à la méconnaissance des populations cibles ? Pas besoin d’en faire le plaidoyer : un état civil fiable est une exigence aujourd’hui pour la Mauritanie. Reste à trouver les moyens, les voies, les outils, les procédures à même de rétablir la confiance et à ramener plus d’adhésion à l’opération. Et si l’enrôlement n’était qu’un prétexte ? Il faudra alors chercher les raisons profondes du malaise des populations de la Vallée. Ces populations qui ont vécu une dure répression à la fin des années 80 quand le pouvoir de l’époque avait lâché les brides à quelques responsables civils et militaires qui lui sont dévoués (parents ou serviteurs) pour sévir. Exproprier, chasser des terres, parfois tuer… 89, 90 et 91. Les plaies laissées béantes par ces années sombres ont-elles guéries ? suffisamment pansées ? Les douleurs ont-elles été définitivement calmées ? Il y a eu certainement la reconnaissance officielle du mal fait. Suivie d’un grand moment de pardon à travers l’exécution d’une prière symbolique à la mémoire de l’Absent. Ensuite il y a la décision d’identification des tombes, des noms et de l’indemnisation des victimes. Est-ce suffisant ? Je crois qu’il a manqué l’essentiel : savoir ce qui s’est passé. C’est en discutant des faits qu’on aurait pu les «libérer» de l’emprise de politiques qui n’ont d’autre inspiration que celle-là, de celle des égoïsmes et des visions sectaires. Nombre d’entre nos analystes ont cru qu’il s’agissait là d’une revendication de participation à l’exercice du pouvoir. Une part du gâteau revendiqué par une partie de l’intelligentsia au nom de l’appartenance ethnique. Ceux-là vous disent que «la place occupée aujourd’hui par la composante négro-africaine dans l’Appareil du pouvoir est sans précédent. Ils ont six ministres, trois chefs d’Etat Major sur quatre et une grande partie des hautes fonctions de l’Etat…» Et si ce n’est pas cela qui est important ? Seuls le dialogue et la confrontation des idées peuvent nous amener à identifier les raisons profondes de cette colère subite. Le jour où nous déciderons de nous écouter les uns les autres, ce jour-là, la Mauritanie aura fait un grand pas en avant. Source: La Tribune N°567 du lundi 3 septembre2011 |
Mercredi, 05 Octobre 2011 19:35 |