L'édito de MFO |
Le ciel s’assombrit à l’est de nos frontières. Le nord du Mali voit revenir des centaines, voire des milliers de combattants de la Libye. Aguerris, habitués aux traitements de faveur en contrepartie de la protection de la dictature de Kadhafi, ils ont été (trop) longtemps coupés de leurs milieux d’origine. Ils reviennent visiblement avec des ambitions évidentes de sédition. Les armes commencent à parler malgré les démarches conciliantes du pouvoir de Amadou Toumani Touré qui a accepté quand même d’envoyer les officiels au-devant des revenants. Mais rien n’y fait, on s’achemine fatalement vers un nouveau cycle de rébellion. Contrairement aux rébellions du passé, celle qui pointe déjà est porteuse de gros risques pour toute la région. Quelques scénarii sont à envisager. Les combattants touaregs poussent vers la confrontation avec le pouvoir central. Auquel cas, il va falloir se poser la question de savoir si le gouvernement malien peut contenir militairement la révolte. Mais aussi la question de savoir si la rébellion programmée va se limiter au Mali ou si elle va s’étendre au Niger, voire en Algérie, c’est-à-dire là où il y a de fortes concentrations touarègues. Quelle position adopteront les Arabes du nord malien ? quels rapports avec le crime organisé qui a fait de la région un terrain de prédilection ? Dans un premier temps, toute rébellion touarègue devra se fixer comme condition d’épurer la zone. Ne serait-ce que pour légitimer la démarche dans une phase préliminaire. On parle déjà d’un ultimatum adressé notamment aux terroristes d’AQMI. Ira-t-on jusqu’à la confrontation ? Difficile à prévoir, impossible cependant à éviter du point de vue de la conjoncture. Sous la pression des Etats de la région – notamment de la Mauritanie qui a engagé une stratégie de prévention -, AQMI a perdu de sa «verve». Mais les hésitations des uns, le manque de moyens des autres font que «l’extirpation sociale» de l’organisation de la région est de l’ordre de l’impossible. En effet, la grande réussite de l’organisation, c’est bien son insertion sociale dans le milieu nomade, aussi bien arabe que touareg. Le mariage des combattants dans ce milieu a permis de sceller des alliances renforcées par l’établissement d’intérêts d’affaires. Distribution de cadeaux à l’occasion des fêtes, couverture des activités illicites locales, actions sociales (santé), prêts, aides… tout y est pour renforcer les liens entre les combattants et les populations pauvres et naturellement portées sur la sédition. Face à cette nouvelle donne, AQMI doit être en phase de redéploiement vers l’est et le sud. Il n’est pas exclu qu’à l’image d’une Qaeda au Maghreb Islamique, il y ait une nouvelle organisation nommée «Al Qaeda vi Bilad Essoudane» (al Qaeda en pays soudanais). Laquelle couvrira les activités terroristes en Afrique noire, occidentale principalement. Au Nigéria, Bokou Haram sévit déjà. Des pays comme le Niger et le Mali sont déjà eux aussi touchés. D’autres comme le Burkina Faso, le Sénégal, le Tchad, la Côte d’Ivoire, la Guinée… devront se sentir concernés par la menace. Surtout que cette évolution épouse l’extension du marché de la cocaïne et celui des trafics de tous genres (armes, cigarettes…). Avec une Qaeda au Bilad Essoudane, la jonction est à faire avec AQMI, puis les anciens du GICL (Groupe islamiste de combat libyen) dont les éléments contrôlent aujourd’hui la situation en Libye, puis le Soudan pour aboutir en Somalie qui fournit déjà une expertise aux combattants du Sahel et du Sahara. Un arc de feu aux portes de l’Europe… L’évolution future dépend d’abord de l’évolution en Libye. Si, comme c’est prévisible aujourd’hui, c’est l’instabilité qui prévaut avec notamment le maintien des groupes armés, la Libye sera nécessairement la base arrière de tous les groupes terroristes de la région. Ce qui permettra cette jonction entre les organisations de différents pays. Si, par contre, le nouveau pouvoir libyen réussit à étendre son autorité – ce qui est loin de se faire aujourd’hui – on peut espérer un recul des activités criminelles dans l’espace sahélo-saharien où AQMI sera obligée de faire une trêve. Dans tous les cas, la Mauritanie doit anticiper toute cette déstabilisation qui pèse sur la région. Renforcer le lien avec le pouvoir au Mali est plus qu’un devoir moral. Elle est nécessité. Rien ne doit le faire oublier. |
Samedi, 19 Novembre 2011 17:28 |