« Aziz, dégage ! » : mode ou conviction ? |
L’injonction que l’opposition s’emploie à lancer au Président de la République manque d’originalité pour avoir été épuisée dans le Printemps Arabe. Si la posologie du « Dégagement » a été efficace face à Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…rien ne semble présager qu'en Mauritanie elle puisse faire partir un Mohamed Ould Abdel Aziz dont le règne, aussi étouffant qu’il paraisse, donne l’impression d’avoir encore de beaux jours à passer. Pour quelques raisons…
D’abord, l’homme résiste aux secousses de la zone sahélienne en frappant par anticipation AQMI, la bête noire de l’Occident, cette puissance qui n’a peur que des Islamistes. Et, comme pour se maintenir au pouvoir, il faut savoir jouer les intérêts des amis d’Outre-Atlantique, ce n’est sûrement pas demain la fête pour les Tawssoul, RFD, UFP, entre autres formations solides d’une opposition mauritanienne dont la plupart n’avait pas hésité à se réjouir, par exemple de la rupture des relations diplomatiques de la Mauritanie avec un pays comme Israël, symbolisant aux yeux de beaucoup l‘ennemi de l’arabité et de l’Islam. Tant que Mohamed Ould Abdel Aziz peut donc rester en très haute estime dans les cœurs intéressés des occidentaux, ceux-là mêmes qui jouent aux manipulateurs des conflits dans le monde arabe et en Afrique, impossible pour cette opposition dont le tombeur de Sidi Ould Cheikh Abdellahi considère les dirigeants comme trop séniles pour mener une révolution, de réussir un « dégagement » efficace…
Côté argument, le Général s’est toujours employé à convaincre les occidentaux, la France en particulier, de sa capacité de lutter contre le terrorisme. Et ce qui se passe aujourd’hui au Mali semble lui donner raison puisqu’il saisit l’occasion pour devenir un partenaire incontournable dans les processus de gestion de la crise née de la prise du Nord de ce pays par les rebelles et des islamistes…
Ensuite, dans le groupe des opposants personne n’est encore prêt à intercepter le "tir" pour infliger une défaite à ce général qui s’est payé leur tête à tous depuis le 03 août 2005 jusqu’à maintenant en passant par le 06 août 2008 et le dialogue politique de 2011.
Le fait est que Ould Abdel Aziz qui, à la veille de la présidentielle de juillet 2009 rendue possible grâce aux accords de Dakar, disait connaitre ces hommes qui ne sauraient l’empêcher de se faire élire dès le premier tour, a pu utiliser chaque leader politique à sa guise et au moment opportun…En 2005, il a laissé se mettre au devant de la scène, comme on nous l’a souvent fait admettre, son cousin Eli Ould Mohamed Val… En 2007, beaucoup de parlementaires indépendants avaient été élus sans que l’on ne puisse sentir qu’ils devaient plus tard constituer les troupes de la fronde contre Ould Cheikh Abdellahi. En 2008, en raccourcissant le mandat présidentiel de celui qu’un certain Messaoud Ould Boulkheir eut à décrire comme une marionnette sous la botte des militaires, Mohamed Ould Abdel Aziz, ne va pas hésiter à s’appuyer sur Ahmed Ould Daddah, l’autre candidat malheureux qui certainement n’a pas digéré au bous de 15 mois d’avoir été battu par un ancien collègue – Ahmed et Sidi ont servi en même temps sous le régime de Mokhtar Ould Daddah. Le reste va se passer sans grandes difficultés puisqu’à partir du 18 juillet 2009, il va réussir à légaliser sa situation de "rectificateur" en se faisant élire devant tous ceux qui ont voulu se poser en défenseurs de la démocratie….Il va s’en suivre un processus de déconstruction de l’opposition à coups de bâton et de carotte. Ce processus va concerner les Yahya Ould Ahmed El Waghf, Boidiel Ould Houmeid…Le Premier, un SIDIOCAISTE et le second un TAYAISTE. Tous deux connaitront la pression pour n’voir pas d’abord été dans le rang des bénisseurs du putsch de 2008 : la prison pour le premier et la mise en demeure de rendre de l’argent pour le second. Ils finiront par atterrir dans le cercle de la majorité pour avoir la paix des braves…
La claque est d’autant plus difficile à digérer que l’opposition a perdu en cours de route un poids lourd. Puisqu'en termes d’utilisation de ses dirigeants, Ould Abdel Aziz ne va pas rater le leader historique Messaoud Ould Boulkheir. Amené à crédibiliser le dialogue politique en y prenant part, le Président de l’Assemblée Nationale va faire faux bond à la COD et à une partie des militants de l’APP, son parti. Un grand service rendu au chef de l’Etat qui va encore servir aux observateurs et aux chancelleries partenaires de la Mauritanie une certaine notion de sagesse politique…
Enfin, une autre difficulté à « dégager », l’ancien « gardien des présidents », pour reprendre une expression de Messaoud Ould Boulkhier du temps du FNDD, le style des islamistes qui ces temps-ci s’emploient à se faire remarquer pour être en harmonie avec leurs corollaires du monde arabe. Des sorties fracassantes de certains de leurs leaders contre le régime et les mouvements d’humeurs des étudiants ainsi que la prise en charge de la colère des masses auraient bien pu servir les politiques adossés à l’islam comme valeur si d’une part leur option n’avait pas une charge plus imitatrice qu’idéologique et si d’autre part la menace islamiste dans la zone ne se faisait pas plus pressante. Si donc, en Libye, en Tunisie, au Maroc et peut-être en Egypte le vent tourne pour les islamistes qui ont su profiter de la disponibilité et de la compréhension de l’Occident, rien ne permet de croire que les pays occidentaux, dont les ressortissants sont la cible d’enlèvement dans nos zones du Sahel, vont prêter un brin de confiance aux « barbus » de la Mauritanie que Mohamed Ould Abdel Aziz tourne désormais en dérision.
Kissima
source: www.kissimadiagana.blogspot.com
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Dimanche, 08 Avril 2012 23:49 |