L’alcoolisme et l’utilisation des drogues ne sont que le résultat de crises sociales profondes, qui ne sont pas seulement une affaire bogheenne ; C’est ce que les sociologues ou en tout cas les spécialistes de la société appellent la crise des valeurs qui, à mon sens (et loin de moi une inclination a «tout politisé»), est fortement liée à la crise politique qui prévaut dans notre cher pays
En effet le trafic de drogue et sa consommation est une véritable pathologie sociale par rapport à laquelle nous devons absolument réagir tellement nos responsabilités sont entièrement partagées. C’est à la fois l’état, les autorités, notre élite locale, notre élite religieuse, nos élites sociale, culturelle et artistique mais aussi et certainement la famille au sens microsociale et enfin les intellectuels et la diaspora dont le rôle éminemment social est une évidence.
L’ETAT
Mais La protection des biens et des personnes est un tout qui doit être assuré d’abord par l’état a qui revient le rôle régalien de donner un sens très fort au concept de protection des biens et des personnes. Mais, vous le savez mieux que moi, notre police, notre armée, notre garde nationale dont la première mission serait de protéger nos biens et les populations sont mal formées et fortement politisées du haut vers le bas; Tous nos chefs d’état-major sont devenus des « politiciens » chevronnés, des chasseurs de voix. En même temps ils utilisent leur fonction pour recruter leur clientèle politique dont les parents et/ou alliés se sont alignés aux injonctions de ces mêmes officiers supérieurs. Chemin faisant notre armée, notre police et la garde nationale ne sont peuplées que de mauritaniens qui sont pour la plupart pistonnés après allégeance aux politiciens locaux qui, par ricochet, travaillent pour le maintien du chef d’état duquel dépend leur survie politique, financière et sociale. C’est ce qui explique que ces forces sont utilisées, hélas, pour anéantir, pour réprimer et faire peur aux populations qu’elles doivent EN PRINCIPE protéger au nom du rôle régalien de l’état que ces dernières doivent assumer. Hélas ! Le bilan est éloquent et l’abîme est grandeavec les centaines de morts de façon extrajudiciaire mais aussi les innombrables tortures infligées aux populations.
Voilà pourquoi l’état a failli à sa mission dans tous les plans. Or, la gestion d’un état suppose la sacralisation des derniers publics qui ne doivent être utilisés que pour l’épanouissement des populations pour, entre autres, la création des écoles, des hôpitaux, des routes et/ou le renforcement et le soutien des secteurs de production primaire dans nos économies (Agriculture, élevage, pêche). Il est du devoir de l’état de veiller a la perpétuation de ces valeurs ; Et il est du rôle de l’état d’assurer le maintien d’une vision économique, sociale, politique, éducative. Cela suppose donc des femmes et des hommes qui gèrent vertueusement nos ressources parce qu’il est impossible de bâtir un état sans intérêt général et il n’y a pas d’état sans biens sacrés (les biens publics).
Or ces biens sacrés sont des biens communs appartenant à toutes les populations mauritaniennes (Haratine, Soninkes, Wolof, Maures et Halpoulaars) qui se retrouvent malheureusement détourner par une minorité de mauritaniens (Les politiciens du pouvoir, les membres des partis politiques qui soutiennent Aziz, les directeurs des établissements publics, les ministres du régime, les PCA et directeurs des industries et autres sociétés d’état, bref tous ces prédateurs à l’affut de nos ressources nationales) à des fins d’ascension sociale.
C’est en grande partie à cause de ce pillage systématique de nos ressources que l’état s’appauvrit et devient incapable de jouer son rôle régalien de réduction des inégalités sociales. Et c’est cette gestion chaotique des biens publics qui a produit progressivement des «intellectuels» et des «politiciens» qui vivent intimement en fonction du rapport immédiat qu’ils ont avec l’argent, le matériel et l’or de la république. Et c’est ce qui fait que lorsqu’arrivent les choix politiques, ces faux intellectuels et ces faux politiciens et leurs alliés sont achetés comme des denrées de première nécessité propageant une paupérisation injuste des populations dont les franges les plus fragiles (Jeunes et femmes) se retrouvent coincées par un ventre creux qui les appellent à des pratiques dégradantes.
C’est, à mon sens, la première cause de la déliquescence sociale actuelle qui explique la densification du trafic de la drogue dans une vallée fortement meurtrie par l’état.
LA SOCIETE
Quand un état est défaillant comme celui que nous connaissons, la société devrait être inspirée, orientée et doit reprendre confiance et conscience. Confiance en elle-même compte tenu des potentialités qu’elle regorge d’abord, ensuite avoir confiance en son histoire et sa trajectoire commune avec une détermination à retourner à ses valeurs positives universelles d’équité, de justice et de communion. Il y’a dans notre société des hommes et des femmes qui ont donné de leur vie, de leur carrière, de leur temps auxquels nous devons, non seulement rendre des hommages permanents mais aussi nous inspirer d’eux, les réhabiliter pour que leurs expériences, leurs comportements, leurs statures soient fidèlement expliqués a la société pour qu’enfin nous suivions les vrais symboles et/ou leaders de notre société pour pérenniser les idées, les pratiques décentes qu’ils ont légué pour les générations qui les ont succédés. C’est cette pédagogie sociale de nos vraies figures sociales, religieuses, culturelles, artistiques que nous devons pouvoir enseigner, propagé par nos pratiques quotidiennes.
Que nos marabouts interprètent l’Islam en fonction des intérêts de l’heure, que nos savants démentissent l’existence de pratiques sociales injustes, que nos hommes politiques fassent tout le contraire de ce qu’ils disent, ou que les intellectuels réfléchissent et/ou prennent position lorsqu’ils reçoivent des prébendes du pouvoir en place, nous ne pouvons qu’évoluer vers une société d’hypocrisie et d’ignorance propres à l’émergence d’une société fragilisée et en plein dans le trafic des drogues. Il nous faut absolument que nous nous libérons des mensonges entretenus par une société qui refuse de se projeter, de se fixer un idéal social propre à émanciper tous ses membres faisant fi de nos égoïsmes familiaux, ethniques, raciaux et/ou spirituels.
L’idéal social me semble absent. Et pour commencer nous devons tous, sans exception, montrer l’EXEMPLE. Il nous faut les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Autrement nous devons avoir le président qu’il faut pour avoir l’Etat normal qu’il nous faut ; Il nous faut l’Imam qui sied aux conditions d’imamiat pour que l’on ait droit aux enseignements religieux et spirituels ; Il nous faut l’enseignement qu’il faut pour mériter l’école citoyenne que nous idéalisons mais aussi une école qui enseigne l’assiduité, l’excellence, et qui enseignement le sens de la responsabilité qui seront plus tard appliquées à l’administration étatique……Une école dont le maitre fort de sa personnalité et sa rigueur cultivait la distanciation a l’image des SY Yero Ball, de Kasse Mokhtar, de Ba Malik Cheikh, de Dia Abdoulaye Debayyepour ne citer que ces exemples. Et bien sûr il nous faut tout ce dont a besoin une société pour s’épanouir, des ingénieurs, des docteurs, des sociologues compétents mais qui comprennent ce qu’est la RESPONSABILITE devant les populations pour leurs vocations et/ou éventuellement pour leurs fonctions, leurs responsabilités pour lesquelles ils sont nommés ou élus.
LA DIASPORA
La diaspora a sûrement un rôle, celui de créer un lobbying et/ou un partenariat avec l’état et les associations et organisations nationales pour créer des dynamiques multiples. Pourquoi dynamiques multiples ? La prétention première de toute diaspora est d’apporter des aides pour la société de son terroir. Or le social qui est fortement lié au politique englobe aussi bien la santé, l’économie mais aussi de culture, d’art etc. C’est la conjugaison de tous ces aspects qui justifient l’existence d’une société humaine donnée. Cela veut dire que toute action sociale doit tendre vers une diversification des actions tout en pensant éventuellement mettre un accent sur des options bien déterminées (Sante, Agriculture, Art ou Culture). Il serait par exemple intéressant de penser à des projets qui viseraient à exporter notre génie en lieu et place de cette vision unidirectionnelle qui n’enseigne que notre capacité à importer des biens et des services et pas le contraire. C’est absolument la promotion du complexe d’infériorité de l’homme africain qui pense que l’occident est seul dépositaire des connaissances. C’est justement ce type de complexe qui habite notre jeunesse qui se sublime dans l’alcool, le vol pour se soulager de façon éphémère ou qui cherche à défier l’océan atlantique pour se rendre en Europe. Nous avons à forger une pédagogie intégrative du développement qui intègre l’ensemble des aspects sociaux qui font l’essence du développement et de l’épanouissement.
Cette affaire de drogue et toutes les autres conjonctures qui traversent la société ne sont que le prix que nous payons pour la cupidité généralisée des gouvernants et des gouvernés par rapport aux défis qui nous interpellent.
Ibrahima NGAIDE
USA |