Comment stopper l’ouragan des fractures ? Les mesures ponctuelles servent-elles |
A l'heure où la Mauritanie est assagie par de nombreux défis d'ordre local, régional et international, l'opinion publique et les partis de l'opposition démocratique risquent de ne pas prendre très au sérieux, le revirement manifesté tout d'un coup par les autorités, dont cette large adoption de l'aide à la presse privée, restée longtemps un rêve quasi-irréalisable pour les médias indépendants mauritaniens malgré des années de revendication. Il y a aussi ce mini-remaniement pris samedi dans la soirée à la sauvette dont personne n'arrive encore à comprendre les vrais mobiles, comme d'ailleurs les changements au sein du gouvernement qui l'avaient précédés, que l'opinion n'arrive pas à savoir s'ils sont opérés pour récompenser, parer à des insuffisances, réagir aux propos d'un militants des droits humains ou en réaction à une marche des syndicalistes réclamant une augmentation des salaires. Toujours est-il que ces deux exemple (la presse et le remaniement) font que certains observateurs qui suivent au millimètre prés les puissantes et irréversibles révolutions qui frappent le monde arabe, disent qu'il s'agit de manœuvres rusées pour détourner l'attention de l'opinion tournée le vent de révolte et minutieusement mûrie par les pouvoirs publics pour s'assurer du soutien des journaux et d'une certaine opinion désabusée et lassée des promesses autant en emporte le vent. Pour la presse privée, tout le monde en convient en raison de son rôle déterminant sur les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook dans la réussite des embrasements jasmin en Tunisie et au Nil en Egypte, voire méditerranéen qui s'annonce à Alger tout en progressant vers l'Ouest africain en direction de l'océan, à telle enseigne que dans leur tentative de faire étouffer ces soulèvements, les dirigeants menacés prennent comme première décision la censure du net et des médias tabloïd, sinon se paient leur silence et leur complicité pour renforcer l'Etat gendarme et démystifier la situation aux yeux de la communauté mondiale, dont les condamnations sont décisives pour toute chute de pouvoirs absolus . Comment stopper l'ouragan des fractures ? Les mesures ponctuelles servent-elles à quelque chose ? Pour ne pas revenir en détails sur les tentatives terroristes héroïquement déjouées par les forces armées et de sécurité nationales, qui allaient mettre l'huile sur le feu d'un incendie persistant, vivement nourri par de nombreux facteurs endogènes tels que la flambée des prix, la rude confrontation politique, les passifs humanitaire et social du dossier négromauritanien toujours pendants, les bombes à retardement que représente la thérapie inefficace d'éradication de l'esclavage et exogènes tels que les fortes révolutions vécues par certains Etats arabes et les insurrections sporadiques qui commencent à resurgir dans d'autres pays jusque là stables, en plus du terrorisme, la Mauritanie est aujourd'hui plus fragilisée que jamais et a cruellement besoin d'une nouvelle stratégie de gouvernance que celle qui prévaut actuellement pour éviter de tomber dans le même cercle vicieux que la Tunisie et l'Egypte. Ce ne sont pas là les seuls grands problèmes auxquels le pays est confronté. Hélas, il y en a un qui s'apparente à lui seul à une bombe atomique à savoir la fracture sociale que les pouvoirs publics semblent malheureusement peu initiés à la meilleure démarche pour traiter, pour réduire l'écart grandissant entre les pauvres et les riches, en instaurant une réelle justice sociale, basée sur des fondements démocratiques acceptés par tous. En effet, si comme le martèlent les autorités, l'Etat, malgré ses énormes potentialités naturelles (minerais, poisson, terres arables…) n'a pas suffisamment de ressources pour disposer des moyens de son propre développement et pour assurer le bien-être de ses citoyens, le plus dangereux péril auquel il s'exposerait ces temps-ci, serait d'investir les quelques financements obtenus généreusement auprès des bailleurs et des donateurs s à titre remboursable et onéreux dans du goudron, sans prendre conscience que ces réalisations d'avenues et trottoirs ne font que creuser la fracture sociale et priver les larges couches communautaires de la Mauritanie de capitaux capables d'être investis dans des activités directes génératrices de revenus et productrices pour les populations. Il fallait plutôt pour nos dirigeants, utiliser les milliards d'UM engloutis par les avenues de Nouakchott et les autres grands projets dans le développement durable de l'intérieur, dans la construction de retenues d'eau pour favoriser l'agriculture, alimenter les autochtones en eau potable et donner au cheptel toutes les chances de se développer dans un cadre harmonieux local. En bref, investir dans le social, rien que le social et l'auto développement pour réaliser le pari de l'autosuffisance alimentaire. Après ce défi, le reste n'est qu'une question de temps, car une fois le ventre plein, la paix assurée, la fraternité garantie, les peuples donnent naissance à des générations fortes et innovatrices qui prendront l'avenir du pays en main et le mèneront progressivement en bord port sans fausser son processus de croissance économique et sociale. Ainsi pour dire, ces milliards qui pour certains ont disparu à cause de la lutte contre la gabegie, se sont plutôt évaporés dans les goudrons qui une fois achevés, n'ont pas rendu la capitale plus fluide à la circulation, en raison de l'anarchie des stationnements des automobilistes, bénéficiant vraisemblablement de la bénédiction des flics, qui obstruent les voies en fermant les portails de leurs véhicules et en allant tranquillement faire leurs courses sans se soucier d'étouffer toute une économie. Alors quelle leçon faut-il tirer de ce portrait ? Moubarak et Ben Ali n'avaient rien vu venir à cause de leurs conseillers qui les trompaient avec des rapports fabriqués de toutes pièces sur le pouls de la rue : tout va bien, le peuple est content du président, il n y pas de manifestation, les boutiques ont calmé les ardeurs et bla-bla-bla. La Mauritanie peut incontestablement éviter ces scénarios humiliants, mais faut-il pour cela que ces dirigeants brisent cette glace qui les séparent des citoyens et des priorités pour se mettre immédiatement au service de leurs populations, au lieu de rester cantonner dans leurs châteaux jusqu'au jour ou tout sera balayé devant eux et qu'il n'y aura plus à leur accueil que le rejet qui peut avoir un effet de boomerang sur tout leur entourage familial, social, politique et financier comme cela est arrivé à Ben Ali , au Rais égyptien et à ceux dont le tour viendra demain. A bon entendeur salut. Ahmed Ould Bettar
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Mardi, 15 Février 2011 17:49 |