Femmes mauritaniennes et gestions des conflits |
Souvent, les rôles et les contributions des femmes, à travers le monde et dans différents domaines, sont négligés, oubliés, mésestimés voire balayés de l’histoire. Concernant les femmes mauritaniennes, certaines en tout cas, elles jouent de louables rôles au sein du processus de la médiation culturelle et nationale. Et ces rôles louables sont aussi bien joués dans le passé (durant les conflits que la Mauritanie a connus, surtout ceux de 89) que dans le présent (il y a toute une mobilisation féminine). Etant mauritanienne, ayant évolué dans un milieu qui a connu, de par le passé, des conflits et où existent, de nos jours, des tensions et des problèmes culturels, je n’ai jamais entendu parler de la place ou des rôles joués par les femmes mauritaniennes durant ces périodes. Et pourtant, elles étaient et sont toujours là, présentes. Nourrie et emportée par la curiosité de savoir davantage sur ce sujet, je me pose la question à savoir : quels sont les réactions, les attitudes adoptées et les rôles joués par les femmes mauritaniennes dans le cadre de la gestion des conflits en vue d’une éventuelle unification nationale et cela, que ce soit dans le passé ou le présent ? Pour ce faire, pour répondre à la question posée, j’ai mené une enquête, en me basant sur un échantillon raisonné, auprès d’une population cible de soixante trois (63) personnes, hommes et femmes, de toutes les composantes mauritaniennes confondues : des Maures Noirs, des Maures Blancs, des Peulhs, des Soninkés et des Wolofs. Cet échantillon est composé de personnes instruites et non instruites ou, du moins, qui n’ont pas mené des études poussées. Parmi l’élite, on retrouve des présidents ou membres de partis politiques, des professeurs de sociologie, des écrivains, des journalistes, des imams et certaines personnes/personnalités parmi lesquelles certaines femmes concernées et impliquées dans la gestion des conflits. Par rapport aux personnes non instruites ou peu instruites, elles sont toutes concernées, d’une manière ou d’une autre, par la gestion des conflits et sont des présidentes ou membres de coopératives, d’initiatives, d’associations, d’ONG… Après cette enquête, les résultats obtenus m’amènent à dire, à confirmer que certaines femmes mauritaniennes ont, bel et bien, joué et jouent toujours d’importants rôles au sein de la médiation. Et plusieurs points mettent en exergue ces rôles. Concernantle passé, notamment les événements de 89, les femmes ont été d’une grande utilité qui ne doit en aucun cas être négligée. Elles ont réagi de différentes manières et selon les situations, les capacités et les compétences des unes et des autres. Elles ont sauvé des vies et ont caché des gens recherchés (mauritaniens ou sénégalais, connaissances/voisins ou des gens qui venaient chercher du secours) et cela malgré le danger encouru en faisant de tels actes durant de telles périodes atroces. Elles ont pris soin d’eux tout en les cachant, les nourrissant et autres. Elles ont gardé les biens, les bagages de certaines personnes expulsées et certaines affaires ont été gardées pendant plusieurs années avant d’être envoyées à leurs propriétaires. Parfois, elles se sont regroupées avec des hommes en surveillant leurs maisons et celles des voisines afin que les ravisseurs n’y entrent pas. Elles ont apporté à manger aux personnes qui se trouvaient au sein des trois sites de refugiés contrôlés et sécurisés (il s’agit de la foire, du stade olympique et de la mosquée marocaine). Dans certaines localités comme Moyte, au Gorgol, elles sont parties jusqu’à s’habiller en hommes pour passer inaperçues et pouvoir mieux jouer leur rôle de sauveurs. Elles s’y sont associées avec des hommes aussi en s’organisant et formant des groupes, des comités (certains montaient en garde, d’autres cuisinaient…) afin d’aider les personnes en besoin… S’agissant du présent, les femmes ont pris conscience de la situation inquiétante et lamentable du pays allant de l’ampleur des problèmes d’ordre culturel, ethnique voire racial à la difficulté de la cohabitation entre les différentes composantes. Ainsi, pour poser leurs pierres afin de contribuer à la construction de l’édifice de la paix nationale, qui est d’ailleurs le rôle de tout mauritanien consciemment saint, elles ont procédé de différentes manières. On les retrouve regroupées, entre autres, en Initiatives, Coopératives, Associations et ONG. Comme initiative, il y a celle nommée Femmes, Paix et Concorde Nationale. Comme son nom nous laisse comprendre, elle en est une féminine, créée en 2006, qui a pour objectif de chercher et de trouver des solutions aux problèmes de cohabitation en vue d’une éventuelle réconciliation et entente nationales. Cette initiative organise des caravanes dites de la paix qui vont dans certains endroits ou villages reculés. A titre d’exemple, la visite faite, en 2010, à Houdalaye (à un site, un camp de concentration des réfugiés) peut être mise en lumière. Les femmes s’y sont rendues en collectant, entre autres, de l’argent, des habits et des médicaments pour aider les personnes qui se trouvaient en besoin. Quant aux coopératives, elles sont nombreuses, et ont certes pour premier but de permettre aux femmes de travailler et de gagner leur vie afin d’être moins dépendantes, et, aussi, elles font de la question de l’acceptation de l’autre et de la paix nationale une préoccupation. Pour cela, certaines femmes présidentes ou membres de coopératives participent et font des expositions des objets culturels et artistiques au musée national dans le but de sensibiliser, de montrer et de faire accepter aux uns et aux autres l’existence et l’assimilation de cette diversité existante, vécue et propre à la Mauritanie. Par rapport aux associations ou aux ONG, il y a, entre autres, le comité de solidarité et le collectif des veuves qui s’inscrivent dans la même perspective en sollicitant la justice et la paix. Ces différentes structures citées réunissent les femmes des différentes composantes communautaires. Aussi, qu’elles que soient les perspectives empruntées, ces structures militent pour un meilleur vivre ensemble paisible et prospère entre toutes les composantes culturelles, ethniques et raciales du pays. Pour inviter les gens à une prise de conscience et au délaissement/bannissement de tout sentiment haineux et raciste qui ne rendrait que difficile et compliqué la bonne cohabitation et cohésion sociales tant souhaitées, ces femmes – certaines - font de la sensibilisation un peu partout : au sein des familles, des quartiers, des tours de thé, des bureaux, des taxis… A travers ces points exposés, basés sur les résultats obtenus et consacrés aux rôles joués par les femmes mauritaniennes au sein de la résolution des tensions et conflits, il n’est pas question de mésestimer les efforts louables qu’elles ont fournis et les actions nobles et humaines qu’elles ont menées en temps de tensions/conflits et cela aussi bien dans le passé que dans le présent. Dans cet article, les résultats sont exposés de façon résumée, condensée. Le but est d’avoir, de donner une idée sur les attitudes de certaines femmes en temps de conflits. Il faut retenir que certaines interviews (témoignages) disent long sur les rôles importants joués par ces femmes durant ces périodes conflictuelles. Ce qu’il faut noter, c’est que de façon générale, toutes les femmes mauritaniennes ne s’inscrivent pas dans cette perspective de résolution. Peut-être que certaines étaient partantes pour ces conflits et, s’en sont réjouies, ont encouragé et attisé le sentiment de haine à leurs maris et entourage. Peut-être que d’autres sont restées indifférentes face à ces situations conflictuelles. Mais, ce qui est sûr et intéressant à retenir ici, c’est que certaines femmes ne s’inscrivent pas dans le cadre de ces deux perspectives. Au contraire, elles ont donné corps et âmes en aidant le mieux possible qu’elles pouvaient/peuvent leurs semblables en difficultés tout en prônant et cultivant, d’une façon ou d’une autre, la paix.
En définitive, s’il faut rendre à César ce qui lui appartient, comme on a coutume de dire, je dirai qu’il faut alors rendre hommage à toutes ces braves femmes qui ont joué et continuent de jouer des rôles louables et remarquables au sein de la gestion des conflits et en vue d’une éventuelle unification nationale en Mauritanie. Pour la personne que je suis, rêvant de voir les âmes (les enfants) de son pays réconciliées entre elles et vivant dans un climat de paix, d’amour, de justice et de prospérité, je m’incline devant les personnes de toutes ces femmes respectables, pourvues de véritables raisons et de véritables sentiments humains, en leur rendant un vif hommage solennelle mérité pour leur témérité. Baye Tidiane DIAGANA Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. |
Lundi, 17 Juin 2013 12:23 |