La promotion des langues nationales dans le collimateur de l’AJD/MR, par Baba KANE |
A la différence des participants au conclave des partis de la majorité de Ould Aziz (UPR), cette semaine à Nouakchott, le leader de l’Alliance pour la justice et la démocratie Ibrahima Moktar Sarr s’est exprimé dans sa langue maternelle, le pulaar, une des langues nationales de la Mauritanie. Une première dans un pays où la prééminence et la domination de la langue arabe n’est plus à démontrer. Pour les observateurs, ce nouveau pas franchi par l’ancien candidat malheureux des dernières présidentielles est un prélude à un nouveau projet de société multiculturelle en Mauritanie. Pas étonnant. C’est l’un défenseurs ardents des langues nationales( pulaar, sooninké et wolof) qui est monté au créneau en prenant l’initiative de braver un parterre composé essentiellement des membres des partis de la majorité pour communiquer dans sa langue maternelle, le pulaar. Ibrahima Sarr, candidat malheureux des présidentielles de 2009 se démarque ainsi des autres intervenants. Mais c’est l’occasion également pour le leader de l’AJD-MR ( Alliance pour la justice et la démocratie) de pointer du doigt la défaillance du système politique mauritanien qui accorde et continue d’accorder une prééminence à la langue arabe. Le trublion médiatique qui vient à peine d’intégrer le gotha du parti de Ould Aziz, l’UPR (Union pour la République) marque beaucoup de points. D’abord dans son propre camp. Il lève ainsi le doute que le chef n’est pas un pantin mais une force de proposition pour faire bouger les lignes sur tous les domaines de la vie politique du pays. Et que le choix du pulaar n’est pas un hasard mais au contraire une façon de relancer proprement le débat sur la question linguistique en Mauritanie. Sur ce point, ce n’est pas la langue arabe qui est visée mais encore plus la place du français et des langues nationales dans notre société où tous les mauritaniens se reconnaîtront. Pour cela, Sarr Ibrahima a osé c'est-à-dire en commençant à donner l’exemple. L’élite mauritanienne devra arrêter de faire des discours politiques ou autres seulement en français ou en arabe. Autrement dit le bilinguisme de raison est un préalable à ce long processus. Ensuite, cette nouvelle façon de faire la politique a surpris tout le monde y compris l’UPR qui ne s’attendait pas certainement à ce courage politique dont le but est d’ amorcer un début de dialogue qui ne manquera pas de susciter des polémiques. Enfin, en s’exprimant en pulaar, « l’enfant du Fouta » donne du grain à moudre dans le camp de l’opposition qui devra saisir la balle au bond pour relancer le débat sur la scène nationale dont la finalité devrait être une autre politique culturelle du pays par la promotion des langues nationales à commencer par des émissions de qualité, scientifiques et culturelles à la télévision, à la radio voire dans les journaux. La politique linguistique est avant tout une question de volonté politique et non de personnes car le problème des langues nationales est un problème récurrent depuis 1960. L’absence de concertation entre le sommet et la base serait une erreur qui pourrait justement mal impacter des prochaines assises des Etats généraux de l’éducation. Toute décision politique devra désormais s’inscrire dans la perspective d’une Mauritanie nouvelle regardant au moins sur l’unité nationale et les droits de l’homme. L’avenir nous dira le sens et la portée de cet acte fondateur initié par l’un des prisonniers négro-mauritaniens des geôles de Oualata sous le règne de Ould Taya. Baba KANE Source: CRIDEM
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Mercredi, 16 Février 2011 20:26 |