Jour après jour, la capitale mauritanienne s’enfonce dans les eaux de pluie qui ne cessent de se déverser sur une ville que cinquante ans d’existence n’ont pas prémunie contre les catastrophes naturelles.
Pendant que partout s’élèvent les cris de détresse de milliers de familles qui n’ont plus de vie ni d’avenir, le gouvernement reste silencieux comme si ceux qu’il doit administrer se trouvent sur une autre planète.
Aux manifestations légitimes vomies par des existences pestilentielles et amphibies, seules les répressions féroces constituent pour l’instant le modus operandi d’une nomenklatura politique qui ne manque même pas de narguer les citoyens du haut de ses grosses cylindrés aux vitres baissés.
Pas de secours, pas de Plan Orsec, pas d’armées. Ce ne sont pas pourtant les fonds qui manquent, la BCM et le Trésor Public regorgeant d’argent selon la propagande officielle.
Alors que dans un pays normal, le gouvernement et l’administration publique doivent assister les populations en détresse, en Mauritanie, aucun ministre, aucun préfet ni maire n’est venu constater les dégâts causés par les pluies diluviennes qui se sont abattues ces jours-ci sur Nouakchott.Pourtant la désolation est visible partout, dans les banlieues pauvres de la capitale comme dans les quartiers chics. Personne n’est épargnée et tout le monde vit pour l’instant dans la flotte.
Aux aveux d’impuissance lancés par le président de la République, relatifs aux manques de moyens financiers pour installer un réseau d’assainissement et d’évacuation des eaux de pluie, la réponse toute rudimentaire trouvée par ceux qui gouvernent semble se résumer en une dizaine de camions citernes qui n’ont pu libérer une seule voie parmi les centaines qui strient Nouakchott.
Résultat, la vie économique et sociale est complètement bloquée, avec des administrations publiques, des marchés, des centres de santé, des sociétés et entreprises, totalement à la merci des flots. La circulation devient du coup inexistante, les automobilistes se disputant les maigres axes dégagés. Circuler àNouakchott, manger et boire, se soigner et faire des emplettes deviennent tout simplement impossibles.
A Sebkha, des familles révoltées par l’emprise des eaux sur leur espace vital sont sorties exprimer leur colère. A la place du ministre de l’Environnement, ou celui chargé de l’Assainissement ou de la Santé, à défaut du Premier ministre et du Président des pauvres, qui devaient venir témoigner de leurs compassions à ceux qui les ont portés au pouvoir, on préféra leur envoyer un contingent de gardes qui les matèrent à plate couture.
Cette absence de tout secours public, de toute diligence, témoigne d’une démission de l’Etat qui aurait dû coûter cher à l’actuel pouvoir dans toute démocratie qui se respecte car la sanction électorale sera sans appel. Ici, la plèbe ne semble hélas détenir aucun pouvoir réel de pression sur ceux qu’elle doit normalement élire. Cela se passe toujours autrement et à leurs corps défendant.
Ceux qui s’en prennent aux maires connaissent certainement le pouvoir inexistant de ces derniers, réduits à des portions congrues par un Etat central qui réglemente la moindre parcelle de vie des citoyens. Que représente dans tout ce gâchis, la tournée d’un président de parti, du reste membre d’une opposition sans voix au chapitre national, sinon un geste de bonne volonté qui ne soigne pas le mal.
Au pragmatisme politique qui dicterait la mise sur pied d’un comité d’urgence ou le lancement d’un Plan Orsec, l’Etat mauritanien opte pour la politique de l’Autrucheet se refuse à décréter « Nouakchott, ville sinistrée ». Par orgueil, calcul électoraliste, pour qu’on ne dise pas que les tenants du pouvoir signent par là leur incapacité à gérer une simple ville.
Certains vont plus loin, en accusant le régime actuel d’incompétences, noyant sa médiocrité dans un populisme désuet et sans lendemain. Sinon, pourquoi aller créer ex-nihilo des villes à coups de milliards d’UM si l’on est incapable de se doter d’une capitale digne du nom.
Cheikh Aïdara
Source : L'Authentique (Mauritanie) via: cridem |