Dialogue imaginaire entre Aziz et Messaoud : Des promesses, de l’eau et rien du tout |
Aziz : Vous ne voyez pas qu’ils vont tous participer (allusion à l’opposition et les élections, ndlr) et que c’est pas la peine de leur faire des concessions ? Messaoud : Non, je ne vois pas, du moins, je ne vois que de l’eau ! Aziz : Voyez-vous, l’eau est venue seulement avec mon avènement. Avant, durant une cinquantaine d’années, il n’y a eu aucune goutte à Nouakchott… Messaoud : Oui, vous pouvez bien étaler les acquis dont vous revendiquez la paternité, c’est de bonne guerre, sans doute, mais, de grâce, pour votre propre intérêt, ne revendiquez pas le ruissellement, la boue, les odeurs fétides et tout ce qui occasionne aujourd’hui autant de désagréments aux nouakchottois qui vont… Aziz : Qui vont quoi ? Je vous assure qu’ils sont tellement attachés à ma personne, les pauvres. Vous n’avez pas vu tous ceux qui sont venus m’accueillir à mon premier retour de Paris après mes soins ? Messaoud : J’ai bien vu, j’ai bien vu. Mais ne comptez pas sur tous ces gens : il y a parmi eux les curieux, les militants de l’opposition, les petits agents et fonctionnaires que l’Administration «invite» à venir et il y a ceux qui croient pouvoir récolter des sous en venant… Donc ne vous trompez pas là-dessus, Prési. Aziz : Alors, vous allez me dire qu’ils ne me piffent pas ?, je suis désolé de vous… Messaoud : (Rire), non, je ne veux pas. Je ne parle même pas de ça. Aziz : Alors de quoi voulez-vous parler ? de votre initiative ? De l’IRA ? Du parti Al Moustaqbal ? du marché de la construction du nouvel aéroport ? En tout cas, moi je suis favorable à tout ce que sollicitez. Messaoud : Je vous remercie infiniment, Président. Mais pour que je puisse vous croire, il faut que vous ordonniez à vos services de s’abstenir de nous adresser de petites provocations ça et là. Aziz : Jamais, ils n’osent vous faire une seule provoc. Pour moi, vous êtes plus importants que tous, y compris mêmes les apparatchiks de l’UPR. Messaoud : Puis-je savoir, M. le Président, d’où vient cette importance que vous dites m’accorder ? Aziz : Vous avez l’air de ne pas y croire, donc je … Messaoud : …Non, je vous crois mais… Aziz : Mais quoi ? Moi j’ai pas l’habitude de mentir et si Messaoud n’était pas important pour moi, les moyens de le lui faire savoir ne manquent pas. Messaoud : Attention, Messaoud n’est pas comme les autres, il n’est pas une proie facile. Aziz : N’en venons pas là, c’est mieux pour la compréhension.et dites-moi ce que vous voulez et je suis là pour faire tout ce que vous dites. Messaoud : Très bien, moi j’ai beaucoup de choses à dire au sujet des élections mais je trouve qu’il est indécent d’en parler alors que les gens vivent des conditions difficiles du fait du ruissellement et des désagréments nés de la forte pluie de ces derniers jours. Aziz : Moi, je crois qu’il y a seulement une volonté de la part de certains de dramatiser la situation. Messaoud : Ne me dites pas ça, moi je n’ai pas pu me rendre à Leghreyga où habite mon meilleur ami Boujaaba. J’ai pas pu m’y rendre à cause de l’eau et des mauvaises odeurs. Aziz : Ah, bon ? Il fallait le transférer dans un secteur plus viable. Messaoud : Lui tout seul ? Aziz : Non, pas tout seul, naturellement. Messaoud : Avec tous ses voisins ? Aziz : Avec toute sa famille, oui, mais pas tous ces gens de la Kebba ! Messaoud : Mais ça n’arrange pas parce que, pour moi Messaoud, tous ses voisins sont aussi des Boujaaba, des gens qui me sont très chers, des militants de mon parti qui sont disciplinés et obéissants. Aziz : Si c’est alors, on fera quelque chose pour tout le quartier… Messaoud : Pourquoi êtes-vous attachés aux solutions partielles ? Aziz : Mais vous n’avez pas compris, ce sera tout le quartier Leghreyga, tout le quar tier. Messaoud : J’ai bien compris mais c’est ça une solution partielle. Aziz : Comment ça partielle ? Messaoud : Partielle parce que tous les autres quartiers périphériques et même bien des quartiers lotis font face à des problèmes liés au ruissellement et leurs habitants restent trempés dans l’eau à longueur de journée. Aziz : Pensez-vous qu’une solution pour tout ce beau monde est possible ? Messaoud : Mais oui, elle est bien possible mais ça va demander beaucoup de moyens. Aziz : Et comment trouver tous ces moyens ? Messaoud : Mais à qui vous le demandez ? Aziz : Maintenant, c’est à vous que je parle, non ? Messaoud : A moi mais les moyens, c’est vous qui savez où ils sont. Aziz : L’Etat fait face à beaucoup de problèmes de trésorerie et c’est à peine si j’arrive à payer les salaires, chaque mois. Messaoud : Mais, excusez-moi, ce n’est pas ce que vous avez dit. Aziz : Ce que j’ai dit quand ? Messaoud : A Néma, lors de Lighaa Chaab. Aziz : Qu’est ce que j’ai dit encore là ? Messaoud : Vous avez dit que les sous, il y en a plein, que le trésor public dispose de centaines de milliards et que le pays connaît une situation financière très prospère. Aziz : C’est vrai, mais c’est des propos de meeting (klam el mahrajane). Messaoud : Et qu’est ce que ça a de particulier ? Aziz : Rien, bin, rien sauf que ça n’engage que ceux qui les écoutent, pas ceux qui les tiennent. Messaoud : (désappointé) Mais, je vous croyais pas comme ça ! Aziz : Ecoutez, Président Messaoud, moi je dois bien présenter un bilan et comme tout le monde n’a pas accès aux avoirs du trésor et de la BCM, j’avais pensé qu’une grande partie du bilan devait concerner les comptes de ces 2 institutions.. Messaoud : Alors vous avez dit que vous avez plein de sous et cela… Aziz : Et cela quoi ? Messaoud : Et cela se retourne contre vous aujourd’hui. Aziz : Un peu. Mais on dira seulement que le pouvoir ne fait rien pour venir en aide aux quartiers inondés mais on ne dira jamais que l’Etat est en banqueroute. Messaoud : Et la différence ? Aziz : Parce que vous êtes des miens, je vais vous le dire. Vous voyez, pour quelqu’un comme moi qui prétend lutter contre la gabegie, il faut que, soit il arrive à améliorer les conditions de vie des citoyens, soit qu’il leur dise que les comptes regorgent de sous et qu’il multiplie les promesses. S’il ne fait ni l’un ni l’autre, il se décrédibilise et là, plus personne ne l’écoutera. Messaoud : Mais également, maintenant vous devez agir en faveur des quartiers inondés. Qu’allez-vous faire ? Déjà le RFD demande à déclarer Nouakchott zone sinistrée, le maire d’Arafat propose de changer de capitale et votre cousin, le sénateur Ghadda bouge lui aussi…Et je crois que vous devez faire quelque chose, vous aussi. Aziz : Oh, oui, on fera sans doute quelque chose. Messaoud : Quoi, précisément ? Aziz : Il y a des recettes dans ce domaine qui ne ratent pas : il faut toujours promettre, faire une très grosse promesse, pas réalisable en peu de temps ou concevoir un gigantesque projet et en poser la première pierre et le reste… viendra ou ne viendra, c’est tout comme. Messaoud : Comment ça, tout comme ? Aziz : Tout comme, parce que dans les 2 cas, vous aurez du répit. Messaoud : Et après ? Aziz : Il y aura toujours une sortie… de crise. Messaoud : Vous y croyez, vraiment ? Aziz : Chaque fois que la situation se dégrade très fort, sa solution approche. Voyez-vous, c’est pas pour rien que j’essore l’autre opposition, que je la froisse, que je l’humilie… Tout cela, c’est pour trouver une sortie de crise après. Messaoud : C’est ça réellement votre approche ! Aziz : Oui mais pas en tout cas avec le président Messaoud qui est un personnage important et …indispensable pour moi. Messaoud : En tout cas, pensez au marché du nouvel aéroport et aux facilités pouvant être accordées au pauvre maître d’œuvre qui se fatigue de plus en plus. Aziz : Oui, oui, je vais y penser. Messaoud : C’est une promesse ? Aziz : Oui mais une promesse à vous. Messaoud : Je vous envie, Président. Aziz : Pourquoi ? Messaoud : Parce que c’est vous seul qui savez si, oui ou non, vous allez faire quelque chose. Aziz : Et là si je vous avouais que même moi, chais pas ce que je ferai.
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Mercredi, 25 Septembre 2013 15:35 |