L'éditorial de MFO |
L’un des héritages catastrophiques des décennies passées sous la coupe de pouvoirs aussi incapables les uns que les autres, est certainement cette propension à disqualifier la vérité par rapport à l’approximation et même au mensonge. A telle enseigne que nous en sommes parfois à nous demander si le changement espéré ne commence pas par la réhabilitation de la vérité. Combien de fois nous nous trouvons emballés par une information qui n’a aucun fondement, par une analyse erronée parce que basée sur du faux ? Jamais vous ne pouvez avoir, dans notre pays, la même information chez les témoins d’une même scène. Chacun vous donnera l’information avec un contenu souvent différent de l’autre. Je ne parle pas ici de la manière de lire, de commenter, mais des faits. C’est encore plus grave pour les chiffres. Comment trouver le chiffre exact en Mauritanie ? L’autre jour, en Côte d’Ivoire, chacun des membres de la mission diplomatique, des officiels et des représentants de la communauté nous donnait «son» chiffre. Du coup le nombre des mauritaniens vivant dans ce pays en guerre variait entre 30.000 et 200.000 personnes. Et pour ajouter à la confusion, on n’hésite pas à souligner : «Il faut ajouter ceux qui ont des papiers maliens ou qui ne sont pas enregistrés». Tout cela est le fruit de l’instrumentalisation et de la politisation de tous les aspects de la vie. Au lieu de se dire que la réalité est déjà assez scandaleuse, on ajoute de l’incongru. Il ne se passe pas un moment sans que l’on soit faussement scandalisé par un fait ou un autre. L’autre jour, quelqu’un est venu raconter très doctement dans notre rédaction que l’espace des anciens blocs a été vendu dans des conditions «occultes» et à des opérateurs «douteux». Naturellement, il est facile pour celui qui parle de compter seulement quelques-uns des acquéreurs, ceux qui ont une parenté avec le Président de la République. Le but ici n’est pas seulement de mettre en doute l’opportunité de l’opération, mais d’insinuer que les procédés qui ont coulé le pays par le passé, sont toujours en cours. Ce sont seulement les bénéficiaires qui ont changé. Dit comme ça, et dans la conjoncture actuelle faite de doute et de manque de visibilité, le premier réflexe d’un commentateur est naturellement de s’associer à la colère et au rejet. Mais si l’on prend la peine, on découvre autre chose. C’est un papier paru chez notre confrère Le Quotidien de Nouakchott qui m’a le plus éclairé sur cela. Près de six milliards devraient être versés au trésor public dans moins de trois mois. Les acquéreurs sont assez diversifiés et n’ont soumis de propositions que ceux qui sont réellement intéressés. D’ailleurs, chacun avait obligation de faire un dépôt de 15 millions qu’il perdait automatiquement s’il se désistait. C’est le cas de l’un d’eux, MACOBA qui a acheté un lot au prix fort de 600.000 UM le mètre carré. Maintenant c’est au suivant de donner le même prix pour avoir le terrain concerné. Sinon tous les autres ont un cahier de charges bien définies : construction d’un immeuble de cinq à six étages dans trois ans au plus avec obligation de commencer les travaux au début de l’année à venir. L’Etat doit, à tout manquement aux exigences du cahier de charges, résilier la vente. L’acquéreur perdra alors ce qu’il a déjà versé. L’opération elle-même s’est déroulée avec une transparence maximale sous la houlette d’un conseiller du Premier ministre qui est reconnu pour sa rigueur morale et professionnelle (Hassen Ould Zein, conseiller aux finances). Personne d’ailleurs ne conteste le bon déroulement, même si les sous-entendus fusent d’un peu partout. Jamais des parcelles n’ont coûté aussi cher à leurs acquéreurs. On sait quand même comment et à quel prix ont été acquis les domaines appartenant aux grands opérateurs. C’est quand même un pactole de près de six milliards qui sera versé au trésor. C’est aussi un signe que donnent les opérateurs, signe à deux niveaux. Au premier niveau, ils démontrent qu’ils veulent bien investir et qu’ils ont prêts à regarder loin. Dans un pays où la perception du temps est faussée par le manque de perspective, c’est là une attitude à louer. Au second niveau, c’est une expression de la confiance qu’ils ont dans le pays, sa stabilité et son développement notamment. Le privé mauritanien a toujours été utilisé comme le bouc-émissaire du mal développement. Il est temps que cela s’arrête. La Tribune N°539 du 28/02/11
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Lundi, 28 Février 2011 09:50 |