Il y a 13 ans, Le Calame tirait la sonnette d’alarme : Nouakchott risque un affaissement |
Le problème gravissime de l’assainissement de Nouakchott, dont les manifestations ont atteint un paroxysme cet été, m’avait déjà inspiré deux petites alertes dans les colonnes du journal le Calame. En fait, seules deux circonstances aggravantes ont émergé depuis: le réchauffement planétaire et ses incidences sur l’amélioration et l’irrégularité de la pluviométrie ainsi que la diffusion lente et insidieuse des eaux de l’Aftout al-Sahli dans un sous-sol déjà saturé. Je voudrais de nouveau partager avec les lecteurs mes préoccupations en raison de l’ampleur de ce drame qui ne semble pas importuner outre mesure.
Fouryer *
C’est au point le plus nauséabond de Nouakchott, au coin sud-ouest du Gouvernorat que se trouve l’un des collecteurs du réseau (on l'appelait Oum El Kabayin, la Mère des Latrines), le second se trouvant à l’ouest de la BMD, juste à côté d'Ehl Khattari. Tous ces collecteurs versent dans une cuve terminale située aux abords des périmètres maraîchers. La ville en effet bénéficiait d’un système d’assainissement et ses maisons étaient dans leur majorité connectées au réseau général, même s’il en découle l’éternelle saturation des fosses septiques des îlots A et B, avec la médaille de je ne sais quelle matière à la fosse du CC des Jeunes filles. A l’exception de ces anciens quartiers, Nouakchott n’a aucun réseau pour ses eaux usées ; avec un sol aussi friable, meuble et argileux, grignoté en contre bas par le biseau salé, on peut bien prédire, sans être alarmiste, un affaissement global de la ville qui deviendrait ainsi une île usée. Le fort de nos pouvoirs publics n’étant pas la prévision, nous devrions bien rechercher ailleurs un refuge avant de passer à une insularité insalubre. Au juste où sont passés les gigantesques puits perdus des Chinois ?
*Le Calame du 21 août 2000
Gouverner Nouakchott*Nous savons que les problèmes que connaît le pays actuellement sont tous prioritaires, et qu’il n’a été jamais plus proche de la définition qu’on donne parfois du sous développement comme étant un état où se posent tous les problèmes, en même temps et avec la même acuité. Mais on ne peut aussi manquer d’observer une grande omission dans la composition du dernier gouvernement, car la constitution du gouvernement a bien montré qu’on s’était permis quelques largesses, comme notamment la création du ministère de l’enseignement supérieur. Dans l’attente de la création des universités de Kiffa et de Zouérate et de la floraison des centres et instituts de recherches scientifiques, on pouvait encore se limiter à conserver un ministère de l’éducation notamment en cette période de transition et de préparation de la prochaine rentrée scolaire. Mais les nouveaux décideurs semblent disposer de suffisamment de Mercedes et de locaux délabrés, pour s’offrir le luxe de fragmenter les départements ministériels ou même d’en créer de nouveaux. C’est pourquoi il était tout à fait justifié de créer un Ministère de Nouakchott. Le cas de cette ville représente en effet l’un des plus grands problèmes de la Mauritanie, dont la solution n’est pas encore envisageable et avec lequel il faut compter ; il est alors légitime de lui affecter un ministère. Parmi les directions centrales de ce département, il y aura entre autres la direction générale des Poubelles, la Direction des eaux usées, la direction des eaux stagnantes, la direction des moustiques, la direction des mouches, la direction de la salinité, etc. Nouakchott est ainsi une synthèse des désagréments de la vie citadine sans en avoir les avantages. Elle est en train de sombrer inéluctablement sous le poids des ordures, et son ensevelissement sera certainement accéléré par le gigantesque lac d’eaux usées sur lequel elle repose et l’effet particulièrement érosif du biseau salé qui se trouve à un second niveau en dessous. La ville est d’autre part menacée par une inondation marine ou fluviale à travers la dépression de l’Atout. Notre capitale est donc en péril et sa situation alarmante nécessite plus qu’un ministère : la proclamation d’un état d’urgence. Si les délégations de l’Union Africaine et de l’union maghrébine avaient eu le temps de bien visiter la ville, ou si elles avaient attendu la dernière pluie, elles auraient certainement prononcé l’exclusion de la Mauritanie de leur organisation, non pas pour l’anticonstitutionalité de son régime mais tout bonnement pour l’insalubrité de sa Capitale. En attendant la nomination du ministre de Nouakchott, on pourra imaginer le scénario qui consistera à choisir un lieu pour une capitale d’hivernage. La Mauritanie aura ainsi à l’instar de quelques anciens royaumes, deux capitales suivant les saisons, avec l’avantage d’abandonner le lieu au soleil et au vent, donnant ainsi aux poubelles le temps de s’envoler vers des endroits lointains ; aux eaux le temps de sécher et aux insectes le temps de mourir d’abstinence et de manque de compagnie. Au début de chaque saison on retrouvera ainsi une ville plus ou moins salubre et où il fait bon vivre. Cette méthode est d’autant plus souhaitable et réaliste qu’elle s’inscrit dans une longue tradition de transhumance ancrée dans notre subconscient et héritière d’un mode de vie nomade, dans lequel le déplacement dans l’espace était l’unique moyen de garantir une salubrité de l’habitat. Il faudra donc bientôt se décider à choisir la capitale de l’hivernage là où la communauté nomade de Nouakchott passera ses vacances : s’agira-t-il de Nwakch (nom très voisin de Nouakchott), de Twayla ou encore de Fawa ? *Article paru au lendemain de la constitution du Gouvernement par le CMJD, émanation du coup d’Etat du 5 août 2005
Elemine Ould Mohamed Baba, Professeur
lecalame
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Mercredi, 30 Octobre 2013 12:46 |