Je ne boycotte pas, je ne suis pas candidat, et je ne voterai pas |
Les mauritaniens sont divisés, face aux élections du 23 novembre 2013, entre boycotteurs,participationnistes, et indifférents. Ils se trouvent ainsi devant des choix difficiles, qui peuvent avoir de lourdes conséquences pour l’avenir de leur pays. Personnellement, j’ai opté pour le triplet de choix, de ne pas boycotter les élections en perspectives, de ne pas m’y présenter, et de ne point voter. Cette position aussi tranchée ne m’empêche pas de vous éclairer sur la carte politique, assez floue, de mon pays, ainsi que les raisons de ma triple décision d’apparence ambiguë.
Les majorités et les oppositions : Les votations prévues le 23 novembre constituent un événement dont l’importance est différemment appréciée par les protagonistes de la scène politique mauritanienne. Dans les rangs du parti du pouvoir UPR (union pour la république), et ses différents clones et dérivés, on considère que c’est la consécration de ce que nous appelons - sans gêne- depuis trois décennies « le processus » démocratique. L’UPR est accompagnée par des partis électrons, comme le sursaut de la jeunesse, et d’autres formations qui ‘’sursautent’’, elles aussi, dans le même sillage, dans le but d’occuper la meilleure place dans le cœur du Président de la République. Le Président semble jouer sur plusieurs fibres contradictoires. Tout en affichant ses préférences pour l’UPR, parti dont il est l’instigateur de la création en 2009 avec l’appui d’un conglomérat de parlementaires putschistes et de notables opportunistes, certaines fuites font état de son appui en catimini aux partis-clones, dont il serait le véritable ‘’géniteur’’. Ces ‘’indiscrétions’’ font part de son agacement du fait que le parti-état (UPR), est devenu un grand regroupement des ‘’Roumouz vessad’’ (symboles de la gabegie) desquels il voudrait se séparer, pour accréditer que sa volonté de lutter contre la corruption est sincère. Il chercherait ainsi, à faire émerger une classe politique nouvelle, et à lui seul redevable. La carte des majorités risque, de ce fait, d’être remodelée à la suite des votations. Il se peut qu’ils aient tous des surprises avec le boss, ne sachant pas par quel accès arriver à son cœur. Napoléon 1eravait dit « que le cœur d’un homme d’état doit être dans sa tête ».
Les oppositions, quant à elles peuvent être classées en trois tendances : la radicale, la médiane, et l’intermédiaire. Dix des onze partis qui constituaient l’opposition dite radicale, connue sous le nom de COD (coordination de l’opposition démocratique), ont décidé de boycotter ce qu’ils appellent une mascarade électorale, dont le calendrier a été fixé unilatéralement par le pouvoir en place, et dont les mécanismes, aussi, semblent avoir été verrouillés à son profit. Quant à l’opposition médiane, qui se définit elle-même comme « responsable », et qu’on connait plus sous le nom de « dialoguiste », elle participe, à grande échelle, au « processus » engagé. Elle s’abrite derrière les résultats du dialogue qu’elle a eu avec le régime, et dont les résultats lui semblent suffisants pour justifier le renouvellement d’institutions parlementaires et municipales qui jouent « les prolongations » depuis près de deux ans. Cette frange des oppositions faisait partie de la COD, avant de se « déCODer » pour engager le dialogue avec le régime et se faire désigner par la CAP (convergence pour une alternance pacifique). Il reste l’opposition intermédiaire. Un groupe de trois partis ayant faits une longue période d’hésitations et de transhumance optionnelle entre les partis du pouvoir et les oppositions. Les partis regroupés au sein de cette composante qui se fait dénommer AP (alliance patriotique), n’ont pas pu harmoniser leur attitude vis-à-vis du « processus ». L’un des partis, le Renouveau Démocratique (RD), a présenté quelques listes. Les deux autres, ADIL (parti vestige de la période de SIDIOCA), et le PMR (parti du mouvement pour la refondation) de Kane Hamidou Baba, se sont abstenus de participer. Ce dernier a même tenté une médiation entre les différents acteurs, et initié à cet effet un projet de loi portant report des élections. Ses tentatives sont demeurées vaines devant les réticences des uns, et l’intransigeance des autres. Boycotter ? Non ! La politique, c’est un peu comme la chasse. Celui qui y va, perd sa place. Un politicien qui ne participe pas à des élections, même manipulées et truquées, commet une sorte de harakiri. Il ne pourra pas contrôler ses bases, et perd à coup sûr une tribune à travers laquelle il faisait passer et parvenir ses messages, critiques et déstabilisateurs pour ses adversaires, et mobilisateurs pour ses soutiens. Il lui sera difficile, plus tard de revenir sur la scène avec la même ampleur. Certains partis, du temps de l’ancien Président Ould Taya au pouvoir, en ont fait les frais. Dans ce cadre, je trouve que les islamistes du parti Tawassoul, ancien membre de la COD, ont bien manœuvré. Ils participent tout en émettant, au départ, toutes les réserves possibles et imaginables sur les règles du jeu. Dans le contexte actuel, le boycott se justifie par les principes, mais sur les plans tactiques et stratégiques, il risque d’être ravageur pour des parties de grande audience comme l’UFP et le RFD (union et rassemblement des forces du progrès et démocratiques). Le premier est un ‘’professionnel’’ de l’opposition depuis les années 70, et le second y est depuis deux décennies. L’absence de l’hémicycle d’opposants d’un tel acabit, est une perte pour les objectifs de démocratisation. Leur absence sera ressentie.
Me présenter ? Hors de question ! Pour se présenter à un scrutin, il faut avoir plus de 50% de chances de le remporter. A défaut d’avoir la confortable et peu coûteuse possibilité de se faire élire par décret, il faut que certaines conditions soient réunies pour décider de se présenter au choix des électeurs. Pourtant, les pouvoirs publics ne cessent de répéter que « toutes les mesures ont été prises », pour assurer la totale liberté et la parfaite transparence des élections législatives et municipales prévues le 23 novembre 2013. La liberté et la transparence du scrutin, ne peuvent être assurées que lorsque les conditions essentielles suivantes auront été remplies : · Absence de toute pression : morale, économique, sociale, etc.. · La neutralité de l’administration · L’indépendance de la CENI (commission électorale nationale indépendante) · L’impartialité de la justice Il est de notoriété que les voix se vendent et s’achètent. Il y a les grossistes (chefs de tribus et/ou marabouts), et les détaillants comme les citoyens sans affiliation ou ancrage social avérés. Le financement de ses montants colossaux est assuré par les hauts fonctionnaires (imaginez à partir de quoi ?), et les hommes des d’affaires. Ces derniers seront rétribués, plus tard, par des marchés publics de gré à gré ou des arrangements mafieux. La neutralité de l’administration est déjà largement mise en doute. En effet, l’implication directe des officiers supérieurs dans les tractations, pressions, et marchandages politiques sont un secret de polichinelle. Les généraux et les colonels, ont leurs listes, leurs candidats, leurs partis, et leur parti-pris. Les pauvres fonctionnaires sont terrorisés par les menaces proférés par leurs supérieurs, et les personnalités influentes du système, au cas où ils seraient tentés de ne pas voter pour les ‘’souteneurs’’ du régime. Pire, la mobilisation des membres du Gouvernement, avec les moyens de l’Etat, pour battre campagne pour le (s) parti (s) du pouvoir, est une réalité vécue au grand jour. Ce fait a même été dénoncé par Le président de l’APP (alliance populaire progressiste), et Président de l’assemblée nationale, Monsieur Messaoud Ould Boulkheir, sur la chaine TV Alwatanya. Ces faits sont si flagrants, que la CENI, malgré sa demi-dépendance, s’est trouvée dans l’obligation de diffuser une déclaration à ce sujet. Aussi, l’indépendance de la CENI, selon le même Président de l’assemblée Nationale, n’est qu’un leurre. Il considère qu’elle n’a tout simplement pas compris son rôle et a fait montre d’un amateurisme primaire, et d’un manque notoire de concertation avec les opérateurs politiques. Il a même présenté ses excuses au peuple mauritanien, pour le rôle qu’il a eu à jouer dans le choix de certains membres de son directoire. Son inexpérience et son amateurisme se sont révélés à tous, avec cette fameuse liste électorale où, dans un bureau de vote, on a fait inscrire plusieurs centenaires. Ledit bureau se trouve, comme par hasard, à proximité de cimetières de la ville minière de Zouérate. Veut-on faire voter nos aïeux ? La dernière condition est l’impartialité de la justice. Une justice véritable est le véritable gage d’une compétition dans l’égalité des chances, le respect des droits et devoirs de chacun. Du Conseil Constitutionnel, aux différents tribunaux, en passant par la cour suprême, nous n’avons vu au cours des étapes de validation des candidatures, qu’une justice inféodée au pouvoir et instrumentalisée par et pour lui. Ils ont validé ou débouté selon que ça servait les ‘’souteneurs’’ du régime ou les desservait. Ce genre de juridictions ne fait pas honneur aux institutions d’une République, même dattière (au lieu de banane). Comme exemple, la Cour suprême a dans un premier temps le jeudi 07 novembre 2013, et après examen d’un recours, et contrairement à la requête du parquet, débouté les réclamations d’une liste qui avait été invalidée par les instances de la CENI, tant au niveau local que central. Jusqu’ici pas de problème, tout va bien. Mais les choses vont se gâter lorsque les magistrats ont reçu des injonctions de siéger à nouveau, pour annuler et inverser leur premier verdict qui avait été conclu et enregistré par le greffe. Quelle dépendance et partialité ! Le comble du ridicule, est que la même cour va se réunir de nouveau le dimanche 10 novembre 2013, pour revenir à sa première décision : invalider de nouveau. Le ridicule ne fait même plus blêmir. Ces péripéties ont été relatées, dans les détails, par le site Tawary, qui les qualifie de scandale. Dans ce climat de pressions financières, de trafic d’influence traditionnelle, civile et militaire. Avec une CENI incohérente, incompétente, et soumise de fait aux dictats du Ministère de l’intérieur. Sous la férule d’une justice instrumentalisée et inféodée aux gouvernants. Est-il possible d’être candidat ? Sous quelle bannière de parti choisir sa candidature ? Il y en aurait plus de 100 pour un peu plus de 3 000 000 d’habitants. Les 315 millions d’américains (en 2012) n’ont que deux partis : républicain et démocrate. Malgré cela, ils restent toujours démocrates et républicains. Une caution préalable est obligatoire pour la recevabilité de la liste. Je n’ai pas cet argent, et si on le payait à ma place, vous trouverez que je ne suis plus moi. Il est vrai que le pouvoir a trouvé une parade de dernière semaine, pour récompenser les participationnistes. Certains jugent que c’est illégal, et le qualifient de corruption. En tout cas, moi, ça ne peut pas me servir. C’est pour les partis, et je n’en fais pas partie. Avec tout ça, vous voulez que je me présente ? Non, n’insistez pas s’il vous plait. C’est Niet ! Voter ? Non, merci ! Exprimer son suffrage, je le sais, est un devoir civique. Je sais que le civisme est plus que souhaitable. Il est un devoir. Je sais même qu’on a eu à l’école, un cours d’instruction civique, morale et religieuse. Mais à mon sens, les notions de devoir et celle de droit sont liées. J’ai le devoir de voter, mais j’ai aussi le droit de le faire dans les conditions qui permettent l’expression sincère et fidèle de mes choix. Si ceux qui ont en charge la gestion du pays ne peuvent pas me garantir l’usage de mon droit, ils m’auront aussi exonéré du devoir de mal voter. Comme il y a les biens mal acquis, il y a aussi les votes mal faits. Moi, finalement, je vais vous faire un aveu. On a déjà volé ma voix. Ce n’est que je suis devenu rauque, c’est que j’avais voté pour un Monsieur, et c’est son épouse qui a pris les commandes. On a détourné, même ma voix ! Quel holdup ! J’en ai piqué une colère bleue, et j’ai tiré un trait sur le vote sans garanties. Je ne peux pas voter sans avoir, sous la main, un programme. Les listes et les candidats ne paraissent pas en avoir. Ils n’ont que des rêves et des promesses. Ceux des majorités, brandissent comme programmes les portraits du Président de la République. Ils promettent que nous sommes déjà le Brunei de l’Afrique Occidentale, et par conséquent, nous pouvons nous relaxer. Quant à ceux des oppositions, ils promettent des merveilles qu’ils n’ont pas les moyens de réaliser. Les intentions, nous les prenons, à priori, pour bonnes. Comment un maire qui a un budget communal annuel de 10 millions d’Ouguiya ( 25 000 € )peut me faire croire qu’il va transformer la commune de Bouhdida (Brakna), en Las Vegas ? Les garanties, il n’y en aura pas beaucoup cette fois-ci. Surtout qu’il parait que nos sympathiques observateurs étrangers, vont rester chez eux. Ils ont compris, par ces temps de vaches maigres, il n’est pas indispensables de dépenser des fortunes pour une observation qu’ils récitaient : « les bureaux ont ouverts à l’heure, le matériel électoral était là, des petits problèmes par ci, par là, mais rien qui peut invalider le scrutin, et patati, patata… Ils se rendent compte aussi qu’observer, ça sous-entend la distance. On peut donc observer de loin, même s’il faut avec les télescopes. On peut créer un Hubble pour les observations électorales, et faire des économies de toutes les échelles. D’ailleurs, nous avons créé, à la va vite, et sur mesure, une semaine après le démarrage de la cacophonie électorale, notre observatoire à nous. Nous allons nous observer, vous observerez, Messieurs les Observateurs, nos pertinentes observations. Nous sommes les meilleurs connaisseurs de nous-mêmes. Deballahi .elhourriya |
Dimanche, 17 Novembre 2013 10:09 |