Comment la France veut partir à la reconquête de l’économie africaine |
A la veille du grand sommet africain du 6 décembre à Paris, les autorités françaises veulent reprendre leur part de la croissance du continent noir. Comment relancer les relations économiques entre la France et l’Afrique ? telle est la question centrale du colloque organisé àBercy ce mercredi 4 décembre "Afrique-France, pour un nouveau modèle économique". Cette rencontre est organisée par Pierre Moscovici le ministre de l’économie, avec le Medef, et se tient en avant-première du grand sommetFrance-Afrique de vendredi et samedi. De multiples chefs d’Etat et de gouvernement seront accueillis à l’Elysée parFrançois Hollande autour du thème de la sécurité en Afrique. Comment se positionner face à ce continent" A Bercy, plus de 600 chefs d’entreprises, ministres et technocrates échangent donc sur des thèmes comme le financement des infrastructures, la mobilisation du capital humain, la valorisation des ressources agricoles ou le développement du secteur productif. Maroc, Bénin, Madagascar, Sénégal, Nigéria, Cameroun, Afrique du sud… au total une trentaine de pays sont représentés. L’occasion aussi de la remise d’un rapport écrit, notamment par Hubert Vedrine et Lionel Zinsou sur "Une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France". Le Medef et le patronat africain ont eu aussi à cette occasion publiés une déclaration commune (voir encadré). Selon Pierre Moscovici : la France "a perdu du temps dans une réflexion stérile sur l’Afrique, à se demander comment se positionner face à ce continent qu’elle a si longtemps vu, d’abord et avant tout, comme une chasse-gardée, ou au mieux comme un démultiplicateur d’influence." A l’échelle du monde, l’Afrique reste un nain économique. Son PIB global en parité de pouvoir d’achat dépasse à peine 2 000 milliards de dollars, soit 80% de l’économie française totale, pour un milliard d’habitants. Son industrie quant à elle pèse à peine plus que 1% de la production manufacturière mondiale. Mais "Le PIB par habitant d’une majorité de ses économies a cru au moins deux fois plus vite que celui des pays riches de l’OCDE depuis le début des années 2000", appuie indique Pierre Moscovici pour qui l’Afrique est un "continent de croissance et d’opportunité".Le continent a confirmé son dynamisme cette année avec 4,8% de croissance, selon la Banque Africaine de développement et 5,6% en 2014. Les parts de marchés françaises s'érodent Dans ce contexte, pour Paris, l’idée est évidemment de réagir car les parts de marché de la France se sont dans le même temps fortement érodées. En 15 ans, en Afrique sub-saharienne, elles sont passées 10% à 4,7%. Un électrochoc silencieux. Alors la croissance en Europe patine, l’Afrique est redevenue une priorité du ministère français du commerce extérieur dans une sorte de "redécouverte", avec la prise en compte d’une classe moyenne émergente d’au moins 300 millions d’habitants ou le fait que les dépenses de consommation du continent devraient passer de 840 à 1400 milliards de dollars entre 2008 et 2020.L’objectif des pouvoirs publics français est donc de doubler les exportations françaises sous 5 ans, de quoi créer 200 000 emplois en France. En ouverture, de la journée, la ministre Nicole Bricq a ainsi rappelé qu’Ubifranceétait train d’ouvrir des bureaux au Sénégal mais aussi au Ghana ou au Kenya, alors que la France tente de se trouver une place dans l’Afrique anglophone, notamment chez ses deux géants : le Nigéria et l’Afrique du sud. Mais il y a du travail. "Les entreprises françaises ont vécu sur une rente qu’elle croyait acquise profitant de normes communes, de la langue ou d’une proximité culturelle", nous confie un entrepreneur d’Afrique de l’ouest. Pendant ce temps de nouveaux acteurs comme la Chine, bien sûr, mais aussi le Brésil, l'Inde ou lesEtats-Unis creusaient leur trou. "Des besoins d’échanges dans tous les sens" "L’Afrique est certes la nouvelle frontière mondiale, mais nos besoins restent immense en matière d’infrastructure, de capital humain ou de technologies", tempère Danisa Baloyi la présidente de la holding sud-africaine Glow Africa investment. Dans ce contexte, "il faut que la France ait un discours clair et limpide. Il s’agit de sortir de la logique d’aide au développement et d'admettre que la France vise l’Afrique pour faire des affaires. Ce dans le cadre d’un partenariat fort, équitable et sans complexe", lance un rien provocateur Jean-Kacou Diagou, président des fédérations patronales d’Afrique de l’ouest. Pour le franco-béninois Lionel Zinsou, PDG de PAI Partners et co-auteur du rapport Vedrine: "La croissance africaine de ces dernières années ne suppose que l’Afrique n’ai besoin de personne, au contraire au vu de ses défis urbains notamment. Le continent a besoin de tous les concours, notamment de laFrance. Nous sommes face à des besoins d’échanges dans tous les sens nord-sud, sud-nord et aussi sud-sud. Dans une optique de développement partagé". une fondation publique-privée franco-africaine Le rapport Vedrine prend donc en compte ce nouvel état du monde et de la relation France Afrique. Ses quinze propositions visent donc à effectuer une sorte de "reset" de la relation France-Afrique. Certaines sont classiques comme un soutien aux investissements dans les infrastructures ou une meilleure prise en compte du continent par l’Union européenne. D’autres sont plus incisives. A ce titre, la problématique de l’obtention de visas pour la France des opérateurs économiques apparaît comme particulièrement dommageable pour le développement des relations économiques. "Une fois sur deux, mes clients africains ne sont pas autorisés à me voir pour ces questions de visas", nous indique une PME mécanique auvergnate Autre proposition du rapport : une meilleure appréciation du risque par les opérateurs financiers. "En Afrique ils ont tendance à tout mélanger alors qu’ils ne le font pas en Asie." Les auteurs proposent aussi de susciter des alliances industrielles franco-africaines dans des secteurs clés pour les économies française et africaine : agriculture, énergie, transport, développement urbain, biens de grande consommation, numérique, industries culturelles, santé, tourisme et sécurité. "C’est ce nous avons fait avec nos partenaires français au Maroc avec le concept de co-localisation, indique Miriem Bensalah Chaqroun, présidente des patrons marocains (CGEM). Et cela marche !"En matière macro-économique le rapport propose aussi que la France facilite l’intégration des économies régionales par des coopérations techniques mais aussi en soutenant par exemple l’élargissement de la zone du franc CFA. Enfin, dernière idée qui devrait être mise rapidement sur les rails : la création d’une fondation publique-privée franco-africaine "qui sera le catalyseur du renouveau de la relation économique entre la France et l’Afrique." Pierre-Olivier Rouaud *** Les propositions de Business Africa (fédération des patronats d'Afrique) et le Medef 1. Mieux mobiliser les ressources pour les projets d'infrastructures et d'énergie et améliorer le cadre et la mise en œuvre de ces projets pour une meilleure compétitivité des entreprises et une intégration économique régionale renforcée 2. S'approprier la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE) comme un des outils de croissance durable et inclusive du continent 3. Accroître les capacités de formation, d'innovation et de recherche en Afrique et doter le continent de ressources humaines de qualité pour offrir des perspectives à la jeunesse africaine et contribuer au développement de compétences nouvelles 4. Améliorer le coût et l'accès au financement pour le secteur privé en Afrique 5. Valoriser les ressources agricoles du continent pour satisfaire la demande africaine et assurer la croissance de l'emploi, des revenus et de la sécurité alimentaire Source : Usine Nouvelle (France) cridem |
Jeudi, 05 Décembre 2013 14:35 |