Diplomatie Économique: Le Sénégal Revient Aux Fondamentaux De L'Ambassade |
En organisant la quatrième rencontre de ses ambassadeurs et consuls du premier rang à Dakar du 26 au 28 décembre, le Sénégal est revenu aux fondamentaux de la diplomatie : l'économie dans la mise en relation des hommes et des produits du cru au service de la paix. L'Armée mise à contribution à permis de vérifier que la force est au service des nations dans leur guerre pour la sécurité et le développement. Défendue officiellement aujourd'hui, la notion de diplomatie économique était dans les faits pratiquée depuis au moins 1990, après les tests réussis au début des années 70. Enfin, sans aller dans une modernité avancée par le ministre des Affaires étrangères et le définisseur de la politique étrangère qu'est le président de la République, la diplomatie n'est rien d'autre que la promotion d'un drapeau à l'extérieur, avec tout ce que cela sous-entend comme symbolique forte et comme échanges sur le plan de la densité morale et physique. Sui generis, l'ambassade repose en effet sur un échange, signe de reconnaissance et d'amitié, dans une tentative de rapprochement. De la cour du roi de Samarcande au sacre de Charlemagne, l'Orient phénicien transsaharien et transibérien qui a imaginé très tôt l'ambassade originale a su faire admirer l'exotisme et la qualité technique de ses produits : pour être agréée, une ambassade s'accompagnait généralement d'échanges autres que sémantiques, avec ces longues caravanes défiant monts et vaux, chaleur et humidité, chargées de présents en signe de paix. Au tout début des années 70, avec l'indéboulonnable et honorable haut représentant André Coulbary (1971-1982) le Sénégal avait estimé nécessaire l'ouverture de bureaux économiques rattachés aux ambassades, notamment, après Washington, Paris et Bruxelles. Au lendemain de la Convention de Lomé et de la détérioration des termes de l'échange, la valeur économique déterminait déjà le poids des États ; les 18 pays originels du 28 février 1975 deviendront 79, "avec pour but de favoriser l'adaptation des pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) à l'économie de marché de la BERD (la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement)", disent les Encyclopédies. L'horloge de Haroun El Rachid qui a fait tiquer la cour au lendemain du couronnement de Charlemagne de la Noël 800 tinte encore dans l'esprit de ceux qui savent, et les échanges de cadeaux en cas de visites de délégations étrangères sont une réminiscence de la valeur du produit du cru dans les ambassades dans leur valeur d'origine. Pierre Fontaine (1959) souligne la primauté de l'économie dans les relations diplomatiques : l'insistance de Conrad Kilian pour amener Paris à s'intéresser et à prendre possession du Fezzan algéro-libyen est révélatrice de l'économisme déterminant en dernière analyse dans les relations internationales ; Kilian visait un double objectif : un bassin pétrolier unique au monde et le contrôle de la transafricaine N°2 après celle du Nil connue pour faciliter le commerce euro-asiatique : les nations couraient la route des Indes, à la recherche de produits pour le marché local, ce qui donnera Christophe Colombie, à la suite de Marco Polo. Il suffit d'ailleurs de voir aujourd'hui la cour effrénée à la Chine post-Tienamen pour le comprendre. Au demeurant, dictionnaires et encyclopédies renvoient à certaines proximités entre amasser, embuscade, ramassage et ambassadeur. ------------ Pierre Fontaine : "La mort étrange de Conrad Kilian, inventeur du pétrole saharien", les Sept couleurs, Paris, 1959.
Pathé MBODJE, M. Sc, Journaliste, sociologue |
Samedi, 28 Décembre 2013 11:51 |