MOHAMED CHEIKH OULD MOHAMED: LA CNDH A MANQUÉ DE SE TAIRE ET À SON MANDAT! |
Dans un communiqué officiel publié le 7 janvier 2014 relatif à l’affaire de Mohamed Cheikh Ould Mohamed, la Commission Nationale des Droits de l'Homme(CNDH) affirme que: «Blasphématoires, vexatoires et provocateurs, ces écrits hérétiques ont été confirmés par leur auteur qui a persisté dans sa diatribe contre l'islam et son Prophète. Ce faisant, il entre dans le champ d’application de l’article 306 de l’Ordonnance n°83-162 du 09 juillet 1983 portant institution d’un Code Pénal qui dispose que:«Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours.S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. »http://www.cndh.mr/content/view/210/1/ Et voilà où nous sommes arrivés: notre CNDH appelle à l’imposition de la peine capitale contre un accusé d’opinion. Sans doute, une première mondiale! Ce que la CNDH a manifestement oublié, ou omis de s’en rappeler, c’est son rôle et son mandat, clairement indiqués dans sa loi constitutive (Loi No 2010-031, du 20 juillet 2010), et les engagements internationaux de la Mauritanie, lesquels proscrivent expressément l’imposition de la peine capitale, peut importe le délit, plus particulièrement pour un délit découlant de l’exercice d’une liberté d’opinion, d’expression, de pensée ou de croyance. Selon l’article 4 de la loi constitutive de la CNDH, celle-ci est tenue,entre autres, de: «Faire reconnaitre les Droits de l’Homme et les procédures permettant leur reconnaissance en particulier en ce qui concerne la lutte contre toutes les formes de discrimination et atteinte à la dignité humaine … ». Et, «Promouvoir et veiller à l’harmonisation de la législation nationale avec les instruments juridiques de Droits de l’Homme ratifiés et combattre les pratiques qui y son contraires.» Et si ce n’est pas assez, il faut rappeler ici les garanties constitutionnelles relatives aux libertés «d’opinion, d’expression, de pensée»,et,aux droits de«protection contre la violence physique ou morale» et «l’inviolabilité de la personne humaine», prévus aux articles 10 et 13 de notre Constitution, lesquels sont pourtant clairs et présumés connus de tous, plus particulièrement de notre Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). Quant aux engagements de la Mauritanie devant les forums mondiaux, notre paysa ratifié plusieurs instruments juridiques internationaux. Instruments de grande valeur, lesquels interdisent les peines cruelles et inusitées, notamment la peine de mort, et les traitements inhumains oudégradants. En effet, l’État mauritanien est partie,entre autres, aux instruments juridiques internationaux suivants: Ø La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; Ø La Déclaration universelle des droits de l’homme; Ø Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; Ø Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; Ø La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Ø La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples; Ø Le Protocole portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples; Ø Les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island).
Comme on peut le voir, de par sa loi constitutive, la CNDH est tenue de jouer un rôle d’acteur dans la promotion des Droits de l’Homme. Elle est aussi tenue de lutter contre les atteintes à la dignité humaine et combattre les pratiques qui sont contraires aux instruments juridiques internationaux des Droits de l’Homme, particulièrement ceux auxquels la Mauritanie a souverainement adhéré.
En appelant officiellement, dès le premier jour,à l’application à Mohamed Cheikh Ould Mohamed, des dispositions de l’article 306 du Code Pénal mauritanien, lequel prévoit expressément la peine capitale, la CNDH condamne notre concitoyen avant même de lui donner la chance de faire valoir ses moyensparune défense pleine et entière, dans le cadre d’une procédure judiciaire juste et équitable.
Pourtant, légalement et moralement parlant, c’est à la CNDH de veiller au respect des Droits de l’accusé, Mohamed Cheikh Ould Mohamed. Mieux, c’est à la CNDH d’arbitrer ces cas de figure relatifs aux écarts ou auxconflits sociaux, et ce, dans le but d’atténuer leur portée sur la réputation internationale de la Mauritanie et sur le maintien de la paix etde l’ordre publique autour de nous.
Mais, malheureusement, force est de constater que la CNDH a manifestement faillitant à son mandat statutaire qu’à son devoir moral à cet égard. Pire, au lieu de se taire ou d’agir en «pompier» institutionnel, la CNDH est allée,dans un élan de récupération politique, ajouter maladroitement de l’huile sur le feu, ce qui est à dénoncer vigoureusement ici.
Cette position irréfléchie et rétrograde de la CNDH ne reflète, et ne doit refléter, aucunement la volonté de la Mauritanie de promouvoir et de travailler, inlassablement, à enraciner les valeurs relatives au respect des Droits de l’Homme et des citoyens dans le pays.
Alors, de grâce, donnons la chance à la Justice mauritanienne de faire son travail dans la sérénité, loin des brouhahas des fanatiques et des sentences parasitaires préétablies de la CNDH.
Oui, laissons à nos magistrats,loyaux à leur serment, le soin de décider selon les règles de droit, du cas de à notre concitoyen Mohamed Cheikh Ould Mohamed. Ce qui importe pour nous tous, sujets de droit que nous sommes, est que notre Justice assure au prévenu un processus juste et équitable, qui tient compte fondamentalement de ses droits constitutionnels.
Maître Takioullah Eidda, avocat Québec, Canada |
Lundi, 13 Janvier 2014 15:12 |