Kadhafi va leur manquer |
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Auprès des pays africains et en particulier des plus pauvres d’entre eux, Kadhafi était devenu, au fil des ans, une sorte d’assurance tous risques. Un rôle d’autant plus important que les traditionnels protecteurs occidentaux devenaient de moins en moins généreux, rechignant à régler les fins de mois difficiles.
Un président comme le Burkinabè Blaise Compaoré a toujours bénéficié des largesses du Guide, que ce soit pour ses besoins personnels ou pour le développement de son pays. En témoigne la statue montrant le Guide accompagné du « beau Blaise », qui décore une place de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso. Concilier business et politique Plus sérieusement, le projet Ouaga 2000, sorte de ville nouvelle en périphérie de la capitale Ouagadougou, n’a vu le jour que grâce à des investissements libyens —de même que toute une série de projets comme la route du Guide, la clinique Suka ou encore l’hôtel Libya. Ouagadougou est devenue l’arrière-cour privilégiée du Colonel, en dépit de relations parfois houleuses avec Blaise Compaoré.
Ces investissements sont souvent davantage des outils d’influence politique que des opportunités d’affaires. Télécom au Niger, mines en République démocratique du Congo, hôtels au Ghana, au Gabon ou au Rwanda ; c’est tout l’art de Kadhafi que de concilier ainsi business et politique. Mais ce dernier ne fait pas que signer des chèques ; il a aussi déployé toute une batterie de fonds d’investissement comme le Libyan African Portfolio et le Libyan Arab African Investment Company, qui prennent des parts dans les projets nationaux des États amis.
Clientélisme et dépendance L’aréopage africain est tellement dépendant des pétrodollars libyens que Kadhafi se permet de menacer de retirer ses « cinq milliards de dollars annuels » (3,6 milliards d’euros) (somme qu’il prétend dépenser en Afrique), si la « basse-cour » ne le suit pas. Ainsi, depuis 2009, tous ceux qui ne soutiennent pas mordicus son projet de gouvernement fédéral africain voient se tarir la source. Dès lors, il ne faut pas s’étonner du silence radio venu d’Afrique à propos des événements en cours en Libye. Comme le reconnaît l’opposant sénégalais Moustapha Niasse, « Kadhafi a beaucoup investi en Afrique, et dans la culture africaine, on ne lâche pas un allié ou un ami lorsqu’il est en difficulté ». L’argent libyen a souvent réussi à faire oublier aux dirigeants l’autoritarisme et la mégalomanie de Kadhafi. Pour autant, le système clientéliste du Guide ne diffère pas fondamentalement de ceux mis en place par certaines puissances occidentales ou asiatiques. Et la complicité passive des pays africains à l’égard de Kadhafi est la conséquence de leur faiblesse structurelle. Pris entre les exigences de la coopération financière mondiale et les difficultés économiques, peu de dirigeants ont les moyens de se passer de la générosité du Guide. Par ailleurs, mieux vaut éviter de froisser un homme qui, par le passé, a financé de nombreux mouvements rebelles. Et puis, peut-on vraiment être regardant envers un « ami » qui vous aura permis en maintes occasions de ramener un peu de pain à la maison ?
Source:slateafrique.com via sen24heures.com
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Mercredi, 09 Mars 2011 12:01 |