Éducation nationale : Aucune éclaircie en vue |
La problématique de l’Éducation nationale se pose avec de plus en plus d’acuité. Des aléas de toutes natures en découlent. Problèmes économiques, frictions sociales, dysfonctionnements politiques et vicissitudes de tous ordres dérivent de cette léthargie du système éducatif dont la déperdition a commencé à la fin des années 70. Les réformes successives (1966, 1973, 1979, 1999), a priori conçues pour dynamiser le système, l'ont plutôt plongé dans la torpeur. Trop d'interférences idéologiques ont perturbé les approches pédagogiques et techniques sur lesquelles toute ambition éducative doit être engagée. Cet échec scolaire généralisé a produit une école nationale sans objectifs. Des centaines de milliers d’écoliers sans niveau. Des milliers de formateurs démotivés et frustrés. Des départements ministériels insouciants, juste bons à faire semblant, pour amuser la galerie. Des dizaines de milliards claqués inutilement, via des stratégies, plans et programmes de redressement d’un système en qui personne ne croit plus. Une véritable crise de confiance qui a entraîné l’envoi de quasiment tous les enfants de la high et moyenne société dans des écoles privées, nationales ou étrangères, dont les apprentissages n’ont parfois rien à voir avec les programmes et les contenus pédagogiques mauritaniens. Quant aux autres, c'est-à-dire plus de 80% de notre jeunesse, issus, pour l'essentiel, de ménages pauvres, les voilà entassés dans des dépotoirs d’enfants, garderies d’infortune pompeusement appelées écoles publiques. Les nouveaux établissements dits « d’excellence » ne font pas exception à cet ostracisme, puisque quasiment tous leurs pensionnaires proviennent des familles hautement placées dans la hiérarchie militaro-affairiste de Nouakchott. De 1978 à 2014, le système éducatif n'a cessé de se débattre dans des problèmes inextricables. Nonobstant le bref intermède instruit par le passage de Nebgouha Mint Mohamed Vall à la tête de l’Éducation nationale, au temps du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, rien ne va, depuis au moins trois décennies, dans cet important secteur social qui emploie 45 à 50% des travailleurs de la fonction publique. Les relations des militaires avec les choses scolaires n’ont jamais été au beau fixe. Les armes et les effets didactiques feraient mauvais ménage, dit-on. Un complexe séculaire qui pèse, encore lourdement, dans ces rapports à la limite de la conflictualité. De fait, la léthargie du système a commencé avec l’avènement des pouvoirs militaires : ce n’est pas qu’une coïncidence. Le cloisonnement de l’école, suite à la réforme de 1979, le « Livre » de Maouiya, sa célèbre campagne d’alphabétisation et les éphémères professions de foi de Mohamed Ould Abdel Aziz, au lendemain de sa prise de pouvoir par les armes, n’y feront rien. La sentence est sans appel : l’école mauritanienne est malade de ses stratégies, de ses réformes et de ses cadres. L’éternelle litanie des problèmes structurels, comme la baisse des niveaux, la dévalorisation de la fonction, la déplorable gestion des carrières, la problématique des promotions, les formations initiale et continue, les conditions de vie de ses fonctionnaires, l’enseignement des langues secondes et nationales, la déperdition scolaire ou autres, n’est, en réalité, qu’une somme des conséquences engendrées par la faillite d’un système aux abois et auquel les pouvoirs publics n’accordent plus aucune importance, depuis des dizaines d’années. De 2008 à 2014, les ordres de l’enseignement (fondamental, secondaire, supérieur et professionnel) sont rabâchés, séparés puis re-mélangés. Des indiscrétions rapportent que l'actuel Président aurait déclaré que le secteur de l’éducation est si « gâté » que pour en reprendre la main, il lui faut « tout un mandat à lui seul ». Vrais ou faux, ces propos sont corroborés par les actes du général-président. En six ans, trois ou quatre ministres sont passés, sans que rien de spécial ne bouge. Les hommes passent et se ressemblent. Le fiasco continue, les scandales augmentent, les lobbies et petits groupes mafieux perpétuent les mauvaises pratiques de corruption, népotisme, régionalisme, sabotages organisés et autres affectations complaisantes. Au cours de l’avant-dernier remaniement, le ministère d’État a été déstructuré en trois petites unités (Fondamental, Secondaire et Supérieur). Cette fois, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf version 4 restructure le Fondamental et le Secondaire en un énième ministère de l’Éducation nationale. Avec, en prime, à sa tête un profane dont la formation n’a rien à voir avec le secteur ni avec la gestion d’un personnel de plusieurs milliers de professeurs et instituteurs complètement démotivés. La mise en œuvre des recommandations des derniers états généraux de l’Éducation et de la Formation permettra-t-elle d’entrevoir le bout du tunnel, pour un système brinquebalé de tous côtés ? En attendant, aucune éclaircie ne pointe à l’horizon, surtout en cette année électorale où les esprits sont ailleurs. On peut, certes, s'attendre à quelques promesses, histoire d'entretenir l’espoir et donner au moins l'illusion d'un programme électoral. Mais la parole est une chose, l’acte en est une autre. Sneïba Source : Le Calame (Mauritanie) |
Jeudi, 20 Février 2014 11:08 |