La jeunesse, la grogne et le matraque |
A Nouakchott, la jeunesse s’est réunie sur la place des anciens « Blocs rouges » pour dénoncer le système et ses pratiques. Elle sort finalement de sa torpeur et son indolence pour crier le ras-le bol. Elle a commencé par se mobiliser en utilisant les réseaux sociaux sur l’internet notamment Facebook afin de conscientiser les jeunes mauritaniens de tous les horizons que le temps de se réveiller avait sonné son glas.
Ces jeunes ont eu le courage de revendiquer une considération laquelle n’a jamais été effective depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Sur Facebook, les jeunes ont évoqué leurs souffrances et se sont rendus compte que leur seul mal était un système vicieux lequel manipule l’Etat et ses rouages. Alors le printemps arabe est une aubaine pour faire connaitre aux dirigeants de la Mauritanie que la force n’est pas seulement au bout du canon, mais en revanche, elle peut être un slogan que l’on scande. Il y a une phrase que l’on prête au feu Mocktar Ould Daddah dans laquelle où il disait sagement : « la Mauritanie sera ce que sa jeunesse fera d’elle ».Depuis le premier coup d’Etat l’ayant destitué, la Mauritanie demeure prisonnière d’un système lequel a tout simplement renvoyé aux calendres grecques les préoccupations de la jeunesse mauritanienne. En réalité, on est présence d’une jeunesse qui souffre face un système qui ignore ses souffrances. Nous l’allons développer par des preuves à l’appui. Des chiffres qui n’inquiètent point … Si l’on croit aux chiffres, la réalité est alarmante. D’ailleurs, nul n’a besoin des chiffres pour décrire le calvaire des jeunes mauritaniens. Il suffit de voir un jeune pour lire de l’amertume et la déception sur son visage. Mais, laissons parler les chiffres. En 2009, on estimait le taux du chômage à 32%. Et en 2010, un rapport du gouvernement prétendait que le chômage a régressé d’un point, la magie « azizienne » l’a stabilisé à 31,2%.On ne voit pas une grande différence. Mais, le pire c’est qu’en 1977, un an avant la prise du pouvoir par l’armée, le chômage était de l’ordre de 9,77%. Aujourd’hui, pour le député Yaghoub Ould Moine (opposition) « 414 648 Mauritaniens, pour la plupart des jeunes, sont sans emplois ». L’intervention de cet homme politique n’a pas fait écho, mais il dénonçait déjà au mois de juin dernier une situation alarmante laquelle n’inquiétait point l’Etat mauritanien. Pour lui : « le secteur informel emploie 85% de la main d'œuvre active, ce qui avoisine le nombre 914 352, dont 777 000 sont sans contrats de travail, sans protection sociale, ni droit à la retraite ». Et au député d’ajouter devant le PM que :« les non permanents dans le secteur public représentent 12 000 employés ». Il a aussi fait savoir que le seul secteur privé est capable de générer des opportunités d'emplois. Or, celui-ci demeure pour le moment en retrait par rapport à la politique de l'emploi dans le pays, en raison de l’absence d'une "inspection permanente du travail et l'application de la législation du travail". Pour absorber une main d’œuvre, il faut nécessairement et urgemment s’orienter vers les secteurs du bâtiment, du commerce de la santé, et du transport en les réorganisant.
La grogne et la démagogie En s’inspirant de ce sombre tableau qui l’on vient d’exposer par rapport au chômage, on peut dire sans risque de se tromper que la jeunesse a toujours été le cadet des soucis de tous les régimes. D’ailleurs, au pays des millions des poètes, rares sont les jeunes qui connaissent le nom de leur Ministre, encore tous ceux qui ont occupé ce poste ont été connus que par des scandales. La seule réalité que les jeunes n’ignorent point, c’est le fait que le département soit relégué au second plan. C’est le portefeuille qu’on accorde à ceux qui ont accepté le compromis lors des élections et non à celui qui s’oriente vers les doléances, les attentes et les aspirations de la jeunesse. Pour nos vaillants dirigeants, la jeunesse n'est qu'amusement. Il faut seulement prendre les plus serviables… Et la majorité... Que diable s'en occupe. En pourtant, les littérateurs mauritaniens écriront tout sauf un conflit de génération. Mais en revanche, ces derniers seront tout de même d’accorder avec les sociologues et simples observateurs sur un fait très inquiétant lequel expliquerait tout de même les origines du soulèvement de la « jeunesse du 25 février ». Et le fait n'est rien d’autre que cette volonté très affichée de marginaliser les jeunes de la part de la classe dirigeante. En effet, tous les régimes ont brillés par cette aberrance. A leur tête, le parti au pouvoir. Lors de la campagne présidentielle de juillet 2009, le général-candidat avait fait de la jeunesse son cheval de bataille. Aujourd’hui, il ordonne que la police réprimande les jeunes. Hier, il voulait leurs voix, aujourd’hui, il étouffe la leur.
On réserve à cette jeunesse des lots de difficultés lesquels font des jeunes des potentiels rebuts et des oisifs aux yeux certains responsables au sommet de l’Etat. Dans son quotidien, le jeune mauritanien est habitué aux tracasseries. Il se ne plaint plus, maintenant, il grogne mais on le fait taire par la matraque et la démagogie. A Nouakchott, comme dans d’autres villes, on voit ceux qui gagnent leur vie dans la rue. Il n’est pas rare de voir un maitrisard en gestion se livrer à vente des cartes de recharges téléphoniques, ou encore négocier avec un passant le prix d’un pantalon au marché « thieb-thiéb » dans la banlieue de Nouakchott. Nombreux sont les diplômés qui rentrent au bercail rien que pour grossir les rangs des chômeurs. La délinquance continue à faire des dégâts dans les milieux des jeunes issus des familles pauvres. Seule la prison les abrite. Et pour diminuer les prisons, le président de la République fait recours à la grâce présidentielle. Il libère le matin ceux qui seront arrêtés le soir et nous prouve qu'il ne charrie pas sa gentillesse, il l’a politise maintenant. On ne parle plus de ceux qui sont partis sans jamais revenir. Ceux-là ont été avalés par la mer en tentant de rejoindre l’occident par les pirogues de fortunes. L’Etat n’a jamais donné des chiffres des jeunes mauritaniens qui ont péri dans l’immigration clandestine. La grande majorité des jeunes mauritaniens négocie avec la dignité, l’âge et l’espoir de vivre un avenir plus radieux. Et pourtant, cette majorité est celle que le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a promis des lendemains meilleurs. Mais il les voit croupir dans le chômage sans non plus écouter la seule voix qui lui envoyée depuis les « blocs rouges ». Pire, le mardi dernier, il a ordonné leur correction par un escadron de la police anti-émeute déployé par le wali de Nouakchott. Voyez la jeunesse, avec lui, il faut apprendre l’art de croiser les bras et se taire : Surtout savoir consommer la démagogie. Face à l’intransigeance de la « Jeunesse de 25 février », le système a fini par réagir par des propositions démagogiques pour calmer les esprits. Le Ministère de l'enseignement supérieur a très vite accéléré les dossiers des bourses des étudiants à l'étranger et a finalement décidé de mettre la main dans la poche. Ici, tout le monde se rappelle de la pluie et le beau temps de la rentrée universitaire 2008-2009, lorsqu’ Aziz avait décidé d’accorder la bourse à tous les étudiants. On rembourse à des sommes colossales les frais d'inscriptions des étudiants mauritaniens à l’étranger notamment en France. Les étudiants sont contents, mais les pauvres ignorent qu’il s’agit-là de leur droit. On fait des rappels des mois durant lesquels les étudiants sombraient dans la galère. Le ministère oublie que les sommes versées vont directement dans les banques et les étudiants largement endettés continueront encore de tirer le diable par la queue. Et ceux qui n’ont ni bourse, ni aide attendent la bénédiction de la démagogie avec la publication des listes de la deuxième commission. On nous apprend qu’au Sénégal, sur les 250 bénéficiaires de la bourse, le MEN a décidé d’en supprimé 100. Par ailleurs, au milieu de ces soulèvements, le PM s’est précipité pour annoncer le recrutement des administrateurs et des journalistes parmi les jeunes mécontents sur la place blocs rouges. Et aujourd'hui, c'est le gendarme du système, Diaga Dieng, qui veut des élèves. Et entre temps, la police réprimande et au moment même les étudiants de la faculté de Médecine montent au créneau depuis une semaine contre leur doyen sous le regard impuissant du Ministre de l’enseignement. Dans cette situation très délétère, le Président est appelé à répondre de manière très responsable et très réaliste, loin de la démagogie aux aspirations de la jeunesse qui crie son ras-le bol. Au lieu d’envoyer la police pour mater les jeunes, il sera plus judicieux de tendre l’oreille et écouter les doléances de la « jeunesse du 25 février ». Bâ Sileye
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Dimanche, 13 Mars 2011 23:42 |