L'édito de MFO |
Il était Docteur, Professeur, Maître… Il était un des Génies de ces temps qui ont vu le reflux de l’intelligence et qui ont fini par ne plus reconnaître ceux de son espèce. Des gens faits d’une étoffe qui n’est plus fabriquée, nourrie d’une source qui semble tarie depuis que nous avons négligé son entretien
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Yahya Ould Hamidoune aurait dû se suffire d’être le fils de Mokhtar Ould Hamidoune, l’Ibn Khaldoune de l’espace mauritanien, l’inspirateur de l’Histoire moderne de notre pays, précurseur d’une sociologie «locale» qui a ouvert la voie aux études du pays et de ses populations. Yahya Ould Hamidoune est un Génie des Mathématiques – comment dit-on cela ? Il en savait tellement, tellement il était intelligent qu’il avait été recruté parmi les chercheurs du CNRS français. Comme tout génie, «ses ailes de géant l’empêchaient de marcher», du moins comme l’homme du commun aurait voulu le voir marcher… C’est ce Génie que l’irresponsabilité et la négligence viennent de tuer. Notre culture nous enseigne la résignation qui prend ici une dimension autrement plus noble pour ce qu’elle porte d’attitude stoïque – au sens philosophique – et de grandeur d’esprit. Nous nous en remettrons à Dieu qui ne fait de nous que ce qui est juste et convenable pour nous. Reste cependant qu’il nous est permis de dire les faits, de les dénoncer… Yahya Ould Hamidoune a été malade ici. Un médecin lui a prescrit un antibiotique qu’il a acheté dans une pharmacie de Nouakchott. Il en est mort. Là-bas, en France où il a été évacué d’urgence, on a dit que le médicament l’avait «empoisonné». Il est le premier «grand» mort de la «mal médicamentation». Des dizaines de gens simples en meurent tous les mois. On en a parlé. Et c’est ce qui a amené les autorités à imaginer une loi pour imposer à nos marchands de médicaments – cela sonne désormais comme «marchands d’armes» - des règles strictes d’achat et d’exercice. Trois années pour élaborer la loi et enfin la présenter devant le Parlement. Le lobbying à l’intérieur des deux Chambres permettra à ces marchands dont certains y siègent, de vider la loi de son contenu et de la tailler sur mesure pour leurs pratiques frauduleuses et finalement dangereuses. Les autorités essayent depuis plus d’un an de trouver la parade. Le gouvernement a imaginé qu’il pouvait élaborer un Arrêté ministériel qui ferait de l’importation des antibiotiques une exclusivité de la CAMEC qui est la centrale officielle d’achat de médicaments. Le tout-puissant lobby des importateurs et vendeurs de médicaments – on ne peut les appeler «pharmaciens» parce que ce serait une insulte à une noble profession exercée ici aussi par des gens formés pour cela -, ce lobby puissant fait obstacle au gouvernement qui tente de faire signer par le ministre de la santé cet Arrêté… Oui, l’Etat plie devant ces marchands de la mort… il ne faut pas hésiter à les qualifier de la sorte, même s’ils présentent pour la plupart un look surfait d’hommes de grande piété et, pour certains, de nobles engagements. Si l’Etat est incapable d’imposer sa volonté, il ne nous reste plus que demander à nos Imams de s’adjoindre à nous dans une campagne nationale contre ce commerce dangereux pour tous. Tous ne peuvent pas, mais cela ne nous empêche pas de les interpeller. Eux qui sont prompts à tirer sur tout ce qui ne leur convient pas, eux doivent comprendre qu’ils font partie des victimes probables. Comme nous tous d’ailleurs. Que les partis politiques s’en mêlent, surtout ceux dont les représentants dans les Chambres ont participé à l’assèchement des dispositions de la loi dont l’objectif était de réprimer les trafics et les mauvaises pratiques autour du commerce du médicament. Ceux qui nous tuent en mettant sur le marché de faux ou de mauvais médicaments, et/ou en confiant la gestion des médicaments à des profanes, ceux-là sont des assassins. Au même titre que les terroristes qui font exploser leurs engins parmi nous. Alors combattons-les. De toutes nos forces. Que Dieu nous pardonne notre duplicité. Qu’Il accueille nos morts en Son Saint Paradis. Qu’Il allège pour nous le fardeau de leur perte. A Aïchetou, Toutou, Ahmed et Hamidoune, aux petits-enfants de «Tah», aux amis et compagnons de Yahya, nous présentons ici l’expression de nos condoléances les plus attristées. Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune. MFO La Tribune N°541 du 14 mars 2011 |
Lundi, 14 Mars 2011 16:49 |