L'édito de MFO |
«La révolution impossible», c’est ainsi que l’on pourrait titrer les gestations «révolutions» en cours dans le Monde Arabe. La révolution passe par un ensemble de ruptures d’avec ce qui a fait les pesanteurs du passé, les consciences du passé, les vérités du passé. C’est encore plus vrai pour la Mauritanie
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Rupture «épistémologique», comme disait mon professeur de philosophie de terminale. D’avec notre mentalité, nos croyances, nos a priori… D’avec notre perception du temps qui reste réactionnaire dans la mesure où elle compromet toute vision progressiste et ne reconnait pas les accumulations du passé. Comprenons que si l’on lit un discours de feu le Président Moktar Ould Daddah de 1957, on est obligatoirement frappé de voir que les mêmes problèmes pour lesquels on cherchait solutions à l’époque, sont encore posés. Plus récemment encore, si l’on fait attention aux attitudes des politiques, on est frappé par la volonté de chacun de toujours donner l’impression que jamais rien n’a été fait auparavant, que tout est à faire. Ici, on commence toujours alors qu’on ne fait que Recommencer. On «rumine» dirait Abdel Wedoud Ould Cheikh, éminent sociologue que le pays n’a pas pu – ou n’a pas su – retenir. L’entrée dans la Modernité (al hadatha) passe nécessairement par là. Elle passe aussi par la libération de l’imaginaire et de la créativité d’une jeunesse qui pèse, il est vrai, par son poids démographique, mais pas par le degré de son instruction, ni de son engagement. Cette jeunesse qui constitue plus de 70% de la population mauritanienne doit d’abord opérer une rupture générationnelle forte. La génération qui a dirigé ce pays, exploité ses ressources, conçu ses programmes de développement, son système éducatif, ses politiques agricoles, industrielles… Tout ce qui a échoué dans le pays. Tout ce qui a fait l’échec du pays et de ses gouvernements. Cette génération responsable de tous nos déboires devrait payer. Toute. Et la jeunesse d’aujourd’hui devrait se prononcer dessus. Et recadrer son discours en conséquence pour frapper fort et juste. Cette jeunesse doit adopter et faire siennes les valeurs modernes : égalité, équité, justice, citoyenneté, civisme… Cela commence par le respect des normes citadines : les feux de circulation, l’ordre, la file humaine, la préséance… ça peut paraître anodin, mais comment faire confiance à une jeunesse qui ne respecte pas les règles élémentaires de l’organisation sociale basée sur la citoyenneté. Cette jeunesse doit être à l’avant-garde de la lutte contre l’esclavage, contre les inégalités sociales, contre la mal gouvernance… et pour une Mauritanie nouvelle construite autour d’un projet viable et porteur. Avec de nouvelles attitudes face à la vie, de rapports neufs à la politique, à l’exercice public de la responsabilité, aux valeurs et aux échelles sociales éculées… Cette jeunesse doit entrer dans notre intimité, dans celle de leurs parents, de leurs aînés pour déranger, remettre en cause et surtout proposer. Nous avons besoin de fortes secousses pour nous rendre compte que le Monde avance sans nous, que le temps passe malgré nous, que le changement s’impose à nous. La Tribune N°543 du 28 mars 2011 |
Mardi, 29 Mars 2011 16:18 |