Le colloque du Ministère de l’Orientation Islamique et l’Enseignement Originel sur les dites séquelles de l’esclavage :(Partie 2) |
l'Absence de révisions des exégèses esclavagistes est une preuve de collusion sans appel avec le code obscur des maîtres d’esclave Une nouvelle fois, le conclave a mis à nu les limites spirituelles, intellectuelles et critiques de nos érudits passionnément suspendus à leur héritage multiséculaire dans tout ce qu’il y a de plus injuste, d’affreux et erroné. Sans surprise les séminaristes, issus dans leur écrasante majorité de la classe maraboutique, détentrice des sanctuaires religieux et les officines idéologiques de pensée(les mahadras,) se sont sciemment évertués à réduire le débat à la limite de la banalisation totale pour défendre comme de coutume la mémoire collective des esclavagistes pour éviter à leurs ascendances, dont la culpabilité est sans appel, une condamnation on ne peut plus normale pour avoir justifié et légitimé l’esclavage sans fondement légal, étant exclusivement issu de rapts, de razzias et de vols. Or l’Islam affirme que l’unique source reconnue de l’esclavage, c’est le « jihad », (la guerre sainte) déclaré en bonne et due forme contre les infidèles. Le choix par les organisateurs de « L’esclavage en Mauritanie, (« pratiques » ou « séquelles » ?) » comme thème n’est plus ni moins qu’une simple mascarade dont le but est la diversion et le déni d’un phénomène qui sautent à l’œil. En effet, les promulgations à répétition des lois bien que jamais appliquées, depuis l’ordonnance d’abolition de 1981 à nos jours, attestent, quoiqu’on dise, l’existence irrécusable de cet abject fléau et ses incidences multidimensionnelles dont pâtissent, entre autres l’écrasante majorité des Haratines lesquels constituent presque la moitié de la population nationale. Le large consensus national obtenu en 2007, à la suite d’un grand débat national engagé sous l’hémicycle de l’Assemblée nationale par les députés, dont le mérite a été d’arracher l’esclavage au mutisme des protectionnistes et à l’indifférence générale de l’Etat, grâce à la promulgation de la loi d’incriminant et de condamnant de cette pratique, vient lui également apporter un autre cinglant démenti au scepticisme cynique des dénégateurs de cette tare historique éperdument résolus à nager à contrecourant. En outre, les différents rapports des Nations Unies de Chahinïane qui incriminent la Mauritanie, le changement constitutionnel consécutif au dialogue de 2011, faisant de l’esclavage un crime contre l’humanité tout comme la soumission duaux injonctions de la communauté internationale et les organisations des droits humains pour enfin adopter une « feuille de route » ; tout cela constitue autant d’arguments qui pourfendent les positions officielles du pouvoir sur la question. C’est vrai que la volonté d’altération de la vérité par les velléités de réduction de l’esclavage en un simulacre de séquelles demeure très présente dans la sémantique du système, mais sans préjudice préalable sur la détermination et l’engagement des abolitionnistes (hommes politiques et défenseurs des droits humains), malgré les insinuations de certains érudits plus que jamais soucieux de préserver les privilèges indument acquis sur la base de la naissance et de la race par la l’instrumentalisation des sermons et des fatwas. Ce conclave et la polémique inculte que l’Etat s’affairait vainement de susciter, cherchaient à entretenir l’amalgame, à céder à la diversion et compromettre les chances quant à l’engagement d’une véritable réforme morale et spirituelle, par ce temps de campagne de dénaturation de l’islam et de stigmatisation des musulmans, du fait des partisans de l’anachronique exégétique et du culte de l’antagonisme sociétal. Or de telles positions exposent notre sainte religion, la seule qui soit valable selon le temps et l’espace, à toutes les formes d’attaques. Pourtant l’une des principales décisions de l’islam, religion de liberté et de justice, avait été le desséchement des sources préconçues d’asservissement par l’encouragement à l’affranchissement (fek riqab). Il va sans dire que si les enseignements de la sainte religion avaient été scrupuleusement et correctement suivis, la société aurait sans doute abouti à une éradication certes lente, mais définitive de l’esclavage. En effet, instaurés comme instruments de combat contre des tares millénaires profondément ancrées dans les mœurs et les mentalités, l’affranchissement (al ‘itgh), l’achat de la liberté (al mukataba) et l’absolution de certains péchés (al kafara) ont sonné le glas de la déstructuration du dogme esclavagiste fondé sur la discrimination. Sur toutes les sources de l’esclavage, l’Islam a tout desséchéne laissant qu’une seule dont même la légitimité est objet de la polémique, le« djihad » en l’occurrence, c’est-à-dire la guerre sainte qui ne saurait être menée qu’en bonne et due forme contre des infidèles. D’ailleurs cette forme abjecte de spoliation de la dignité est une pratique antéislamique. Elle va à l’antipode des instructions du Saint Coran qui affirme : « Certes, Nous avons honoré les fils d'Adam. Nous les avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures. » (Verset 70 de la sourate «Al-Isra», (Le voyage nocturne)). Il va sans dire que les tentatives visant à justifier l’esclavagisme à la mauritanienne relève de pure et simple insulte à la conscience. C’est aussi un sacrilège sans commune mesure. En effet, quelles qu’en soient leurs ethnies, tous les esclaves et anciens esclaves de Mauritanie asservis jadis ou présentement, doivent leur statut de servile exclusivement aux razzias, aux rapts et autres vols d’humains ; horreurs dont certaines de ses formes ont persisté jusqu’au début des années soixante-dix. Ceci est d’autant plus vrai que jamais, sur cette contrée du monde, il n’y a eu de « djihad ». Elle n’a connu que des belligérances confrériques et des assauts sur fonds politiques (Almoravides, le temps d’anarchie (seyba), la période précoloniale, les batailles de Cheikh Oumar Tall ou d’Almamy Touré...). L’Islam, est la seule religion monothéiste qui n’a jamais autorisé ni soutenu l’esclavage. C’est la seule qui fait appelle à préservation de la dignité humaine, préparant alors les conditions idoine d’une éradication apaisée, systématique et absolue mais aussi progressive des pratiques d’asservissement, à travers des règles et des enseignements clairement établis. C’est là une réalité que mettent en exergue les remarquables observations faites par Sheikh Abû Al-A`lâ Al-Mawdûdî dans son livre "Les Droits de l’Homme en Islam" où il dit dans un extrait : "L’Islam a clairement et catégoriquement interdit la pratique primitive de la capture d’homme libre, pour le réduire à l’esclavage ou le vendre en tant qu’esclave. Sur ce point, des propos clairs et péremptoires du Prophète — paix et bénédiction sur lui — disent : "Je serai l’adversaire de trois catégories de personnes le Jour du Jugement. Et parmi ces trois catégories, il cita celui qui asservit un homme libre, puis le vend et récolte cet argent." (Rapporté par Al-Bukhârî et Ibn Mâjah). Les termes de cette tradition prophétique sont généraux : ils n’ont été pas édictés ni restreints à une nation, à une ethnie, à une race, à un pays en particulier ou aux adeptes d’une religion précise. » Aujourd’hui, et face aux lignes qui bougent, aucune force, fût-elle théocratique, ne peut bloquer la marche du temps. La dynamique des réformes religieuses et de refondation sociale est imparable, bon gré malgré les affres des pesanteurs de la tradition ; étant entendu que le fourvoiement de certains musulmans excités par la cacophonie des muftis et autres théologiens aux positions tranchées ne survivra pas longtemps. L’histoire, et même aux temps de l’anarchie tous azimuts (Seyba), certaines velléités de faire barrage aux marées de l’esclavage et de l’esclavagisme, dans ce qui sera appelé la Mauritanie. Mais avouons qu’elles sont toutes restés timides et sans effets. Tous leurs instigateurs se sont enfin aplatis et rangés, défaits par le poids des pesanteurs et la loi des intérêts sociaux et économiques de l’aristocratie maraboutique et guerrière que la descendance s’évertue vainement aujourd’hui à tenter de disculper becs et ongles par le déni de leurs crimes historiques crimes avérés. Certaines de ces dites figures se sont révélées n’être ni plus ni moins que des tripatouilleurs. C’est le cas de Nasser Eddine que les flagorneurs présentaient comme anti-esclavagiste. En effet, sa prétendue opposition à la vente des esclaves était tournée vers les occidentaux ; le but étant de masquer l’intention réelle de la féodalité à savoir monopoliser le marché des esclaves pour rester seuls maîtres des caravanes et des comptoirs européens. La preuve en est l’appel lancé par Nasser Eddine guère soucieux de l’intérêt des esclaves à tous les alliés de part et d’autre du fleuve Sénégal ne vendre les captifs qu’aux seuls musulmans. On ne le dira jamais assez, le mutisme multiséculaire des Ulémas est l’unique responsable de l’érection de l’esclavage en réalité banale et en système éhonté de discrimination sur la base de la race et la naissance. L’Etat-nation est venu bénir le silence, consolider le dogme et parrainer le paradoxe, au grand mépris de son devoir régalien qui lui exige de transcender toutes les formes d’intérêts fragmentaires, particuliers, particularistes et communautaristes. Face, aujourd’hui, à l’approfondissement de la crise née des manœuvres intrépides cherchant à tourner en dérision les souffrances des esclaves, ce ne sont pas les dénégations du premier Ministre, les dédits du Ministre de l’Orientation Islamique et la procession des dogmatiques religieux sortis du conclave, rivalisant de démonstration pour prouver l’inexistence de l’esclavage, qui vont nous convaincre. Bref, l’esclavage existe bel et bien, en tant que pratiques avérées, et dans ce domaine les exemples sont nombreux et sans équivoque. Quant aux séquelles derrière lesquelles se refugie le pouvoir pour nier l’existence des survivances, elles sont très rependu et beaucoup plus manifeste qu’on ne le pense. Elles touchent plus de 90% des anciens esclaves. Dans l’un comme dans l’autre des cas, une unanimité populaire quasi-totale caractérise cette question. Mais, en dépit de l’obstination des autorités officielles à persévérer dans la dénégation, il est incontestable que le pouvoir est en train de battre en brèche, devant la pression des esclaves et anciens esclaves de tous bords (politiques et organisations des droits humains) en plus des efforts consentis ces temps-ci par la communauté internationale à travers les Nations Unies. Professeur Ethmane Ould Bidiel Email : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. |
Mercredi, 12 Novembre 2014 15:09 |