L'édito de MFO |
J’ai suivi cette semaine, deux émissions de TVM. La première m’a fait peur. La seconde m’a réconforté. C’est la vie. Dans la première, il y avait l’un de nos honorables Shaykh (pluriel : mashayiikh). Avec sa barbe teinte au henné, il justifiait la polygamie et la nécessité pour nous de renouer avec cette pratique qu’il jugeait salvatrice. Il utilisait tous les arguments et tous les prétextes – arguments et prétextes étant différents à mon avis.Quand il parle de la femme, c’est comme s’il parlait d’un ornement, d’un objet. Et pour dire tous les bienfaits de la multiplicité des épouses, il arguait que «personne ne supporterait de manger le même repas tous les jours». Son sourire trahissait une satisfaction personnelle à dire ce qu’il disait et à le présenter comme il le faisait. Libre à lui. Mais là où j’ai été choqué, c’est de voir que son interlocuteur était …une journaliste. Une femme que j’avais vue auparavant sur le petit écran et qui, à l’occasion, avait abdiqué devant le Shaykh en s’habillant «supplémentaire». Elle s’était mise une cape noire autour de la tête comme pour se couvrir encore plus. Et puis rien ne semblait la déranger dans les propos du Shaykh qui était allé très loin dans le traitement de la femme et du statut que lui confère notre législation nationale. Y avait-il des femmes militantes qui regardaient cette émission ? sinon il va falloir la retransmettre pour leur permettre de la voir. Les propos tenus dans l’émission rappellent combien la bataille de la Modernité est ardue. Pour tous. Comme ils interpellent sur la vision que nous avons de notre société. Ceci dit, il est vrai que toutes les opinions doivent s’exprimer. C’est encore plus vrai et plus juste de les mettre en contradiction. La deuxième émission qui m’a mis du baume au cœur est celle qui a vu s’affronter quatre intellectuels de différentes écoles dans un débat autour du dialogue national. Elle a été voulue pour être une expérience nouvelle dans l’ouverture des médias à toutes les opinions. Pour en faire un espace de débats publics. C’est sans doute une bonne chose, surtout que tout a été dit par les participants au débat ce soir-là. Reste à canaliser, à recadrer, à réapprendre la prise de parole, à savoir apporter la contradiction, à la provoquer et à la contenir dans ses limites socialement et culturellement acceptables. En attendant la libéralisation effective de l’audiovisuel, Radio Mauritanie et TVM doivent devenir de véritables services publics. D’abord donner l’information supposée intéresser le public. On voit par exemple que ni l’un ni l’autre des organes officiels, n’a jusqu’à présent informé le public sur les discussions que le Premier ministre a engagées avec certains acteurs politiques. On ne sait rien de ce qui arrive aux cheptels de R’Kiz. Rien non plus des candidatures aux sénatoriales et de leurs enjeux. Il est vrai qu’on a vu couvrir quelques manifestations politiques, mais tout n’est pas politique. Il y a aussi le social qui fonde un dynamisme historique indéniable. Ensuite consolider et élargir les espaces de débats. Les expériences nous ont enseignés que les Mauritaniens savent s’exprimer en toute responsabilité. L’expérience la plus notoire fut celle de la Radio citoyenne qui a couvert une grande partie de la transition et qui a été interrompue sous le régime civil. Jamais il n’y a eu de débordements sur les ondes de cette radio. Chaque fois que nous sentons que nos problèmes – nous en aurons toujours – sont pris en charge, soit dans leur dénonciation soit dans leur résolution, par quelque structure que ce soit, les sentiments d’injustice s’estompent. En réalité, l’arbitraire ne disparaît pas avec sa dénonciation, mais il est atténué. Le peuple mauritanien n’a jamais été très exigent vis-à-vis de ses dirigeants ou de son encadrement national général. Il demande qu’on le laisse exprimer en paix ses états d’âme, pratiquer ses croyances et lui assurer la sécurité pour entreprendre. Ce n’est pas grand-chose. C’est assez pour ne pas être rejeté. Et pour assurer un minimum de tranquillité aux habitants de cette terre de Mauritanie. Source: La Tribune N°544 du 04 avril 2011 |
Lundi, 04 Avril 2011 07:05 |