Un homme dit a El Moutenebi"Je t'ai vu de loin et j'ai cru que tu étais une femme." Et le poète de lui répondre :"Moi aussi je t'ai vu de loin et j'ai pensé que tu étais un homme." Il en va de même pour les couleurs enMauritanie. Tout le monde pense ce qu'il veut de tout le monde.
Jusqu'au milieu des années soixante dix, le mauritanien était un, et indivisible. A part quelques petites revendications isolées et négligeables, personne ne se souciait de catégoriser personne.
Avec l'avènement des forces armées et le coup d'état contre maitre Moctar ould Daddah, les choses vont dramatiquement et rapidement changer. La malédiction du vieux marabout a frappé, et frappé fort. Comme tirés d'un sommeil profond, d'une longue léthargie, les hommes, puis les femmes après eux, vont réactiver cette vieille et perverse loi du fusil, du groupe contre la société, de la capacité ostentatoire de la force et surtout de l'égoïsme cru et nu.
C'est à croire que c'est a partir de ce 10 juillet 1978, que le fruit interdit a été bouffé par la nation, pour que la nudité collective soit dévoilée aux yeux de tous les pervers, de tous les manipulateurs et de tous les va t en guerre du pays.
Les frères de naguères se voient séparés par un clivage tribal tranchant et sans vergogne. Les anciennes castes "inferieures", comme les harratins, les forgerons les griots et mêmes ceux, qui, confiants au lien incassable d'une multi relation avec plusieurs sources tribales, avaient mis de coté leurs origines d'origine, vont se retrouver tout simplement isolés sur leur ilot de déceptions, d'incrédulité et de consternation.
Tout redevient militaire. Les concours militaires, les écoles militaires, la dignité tribalo-militaire, la supériorité militaro-tribale, les décisions militaires, les villas militaires, les orientations toutes au service du militaire, de la tribu omniprésente et le tout rythmé et orchestré par une symphonie féodale, qui couve sous les apparences démocratiques et rectifie la respiration nationale selon la convenance de ses poumons.
Le savoir, la sagesse et la mesure vont s'en ressentir cruellement. La jeunesse du pays n'aura à partir de cette date fatidique, qu'un seul rêve: porter une tenue militaire. Tenue qui d'ailleurs ne sera plus a la portée de qui veut, mais de qui en a le strict privilège. Le rêve secret de tous étant bien sur d'arriver un jour à prendre le pouvoir.
Un moyen pas très compliqué ni trop couteux de se retrouver a la tête de cette vieille manne que sont les ressources nationales et les décisions de ce pays en dérive. Se réveiller a l'aube, une arme a la main. Bouter celui qui était la. Un communique numéro un et le tour est joué. On se retrouve au sommet dans coup férir.
Ce n'est pas pour diminuer l'importance de nos forces armées et de sécurité, qui au contraire sont l'objet de notre fierté et les garants de la sécurité de notre pays, mais pour signaler a qui de droit que la force armée est une réserve de dignité et d'assurance nationale, qui ne doit en aucun cas servir d'étalage pour impressionner ou intimider surtout pas les citoyens. Le soldat est trop chargé de l'honneur du pays, pour servir la trahison ou l'injustice.
La Corée du nord et les armées décimées dans le Moyen orient et ailleurs sont autant d'exemples qui incitent a la réflexion a la modestie et a la discrétion. Pour revenir au sujet réel de mon propos, je vous invite à considérer la situation d'un pays ou les citoyens se catapultent les injures et les animosités, pour simple cause de différence de la peau, ou de volonté étrange de s'affirmer supérieur a ses concitoyens, par simple privilège d'une naissance ou par appartenance a une tribu.
Le prophète Ibrahim (psl) a voulu anoblir son père par la foi cela ne lui a pas été accordé. L'envoyé Nouh (psl) a voulu privilégier son fils par la noblesse de la religion, il n'a pas pu. Mohamed (psl) a voulu hisser son oncle devant Dieu par la foi, il n'a pu le faire.
Aucun prophète n'a eu à privilégier les siens par la simple loi de la lignée ou de la naissance. Quelle est, donc, cette distinction que nous nous distribuons a tour de bras, par le simple phénomène de la simple évolution d'un spermatozoïde à l'état d'humain?
Enclenchés, par une prémonition qui couvait sous un épiderme social allergique a la simplicité et a la modestie, les groupes tribaux vont se distinguer et se coaliser pour offrir une face l'hégémonique des plus forts, des plus nobles, et des plus a même de faire le plus de bruit pour contraindre le décideurs a compter avec eux. Les contraindre à réfléchir par deux fois avant de les exclure ou de les marginaliser.
Dans quel siècle sommes-nous chers compatriotes? Nous sommes nous résignés vraiment à être la risée du monde?
La dernière victime de cette horrible mutation illogique n'est autre que cette frange qui constitue la pupille de notre société et la force de nos bras: les harratins, que beaucoup s'amusent de nos jours à tourner en dérision par le sobriquet arrogant et impoli de "Harnos".
Ils sont pourtant le symbole de la bravoure et le titre de l'endurance dans ce pays.
Difficile, dans une situation désespérée de ne pas avoir recours à un harratin ou une hartaniya. Que ce soit en saison sèche ou froide, ces citoyens, fierté de notre citoyenneté, qui ont bravé les difficultés et les rigueurs de la nature pour que cette société vive et prospère. Ceux qui ont fait offrande à la société de leurs propres corps la sueur de leurs fronts nobles et purs. Ils ont dompté la terre aride et les bêtes féroces pour que le reste de leurs concitoyens baignent dans l'opulence et la luxure.
La rugosité de leurs mains et les fissures de leurs pieds sont au contraire, autant de preuves vivantes de la générosité et de l'altruisme d'une frange de la population mauritanienne qui se dépense sans compter pour que les autres dépensent sans les compter. Malheureusement, et à quel incroyable degré d'ingratitude et de relation immorale.
Les critères de la distinction chez nous ont perdu tous les sens du bon sens et de l'équité. Ce sont ces braves d'entre les braves, qui méritaient d'être décorés aux jours de fêtes nationales. Mais les volontés politiques sont souvent allées dans un sens qui n'est pas le notre.
Est il un critère de noblesse, que contre le lait, le miel et le mil qu'ils tirent de l'impossible pour nous abreuver et nous nourrir, nous leur offrons le mépris, l'ingratitude et l'arrogance. Face à ce déséquilibre ingrat et malhonnête, la colère de Dieu doit être terrible.
Un croyant véritable ne peut être aussi ingrat, ni agir de façon aussi effronté et aussi mesquine. Il sait que l'univers a un Maitre et que ce Maitre s'est interdit l'injustice avant de l'interdire aux êtres.
Il est vrai que dans le passé les structures sociales, qui n'ont demandé son avis à personne, présentaient des diagrammes de déséquilibres, qui pouvaient appartenir à tout sauf à la raison ou a la justice. C'était un autre monde. Une autre situation et d'autres paramètres qui ne doivent nullement nous servir de critères, étant devenus périmés et contre nature, par la force de la raison et de l'évolution.
Mais la bonne foi de nos jours, si bonne foi il y a, doit s'atteler immédiatement a corriger énergiquement ces graves déséquilibres vite et fort. La nature urgente de la plaie ne permet pas de trainer le processus, ni de remuer les doigts dans la blessure.
Si les âmes sont réellement pures, rien n'est impossible. Et ceci ne constitue qu'un des nombreux obstacles auxquels font face les peuples. C'est le genre d'obstacles qui détruit les peuples de mauvaise volonté mais qui se maitrise facilement par ceux qui sont animés de bonne foi. Si emprisonner était une bonne solution, l'Afrique du sud ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui.
Si le racisme présentait un quelconque intérêt, ou le plus maigre bénéfice réel, le pays le plus capitaliste et le plus puissant du monde ne serait pas aujourd'hui gouverné par un noir.
Si la force pouvait maintenir des peuples sous la contrainte de l'injustice, le monde serait gouverné par l'un des nombreux tyrans, qui tous ont été relégués dans les fins fonds des oubliettes des poubelles de l'histoire. Si la course aux fortunes illégales et aux fauteuils du pouvoir, rendait un peuple heureux, notre présent n'aurait pas le front courbé de honte devant la simplicité et la modestie de notre passé.
Si le faux pouvait triompher, Allah n'aurait pas dit : "Dis! Et voici venu le vrai et disparu le faux. Le faux finit toujours par disparaitre." Coran. Au nom du segment de maure qui est en moi, je dis:
La frange la plus lésée par ce nouvel ordre mauritanien n'est autre que les maures eux-mêmes. Ceux qui agissent, ou ont agi mal en notre nom, nous ont porte un très grand préjudice. Nous sommes une société à l' origine sobre, hospitalière et digne. Une société qui, très récemment encore, n'accordait aucune importance a l'amoncèlement des fortunes. Surtout les fortunes illégales. Les harratins ne sont pas nos frères, ils sont nous-mêmes. Chacun de nous porte en lui dans son sang et ses chromosomes, une grande part de cette noble frange de notre société.
Si dans le passé leur statut social a souffert d'une dévaluation malheureuse; ceci relève uniquement de la mentalité rétrograde d'une époque révolue, et qui n'est pas la notre. Nous regrettons amèrement cette anomalie de l'histoire. Nous les maures qui n'avons pas accès aux chaines de TV, ni aux décisions ou discours politiques. Nous qui n'accordons aucune espèce d'importance a la couleur de la peau. Nous qui ne pouvons imaginer la Mauritanie diminué d'un seul de ses noble fils.
Nous demandons au gouvernement mauritanien de prendre le taureau par les cornes, tout de suite. De rétablir nos frères dans leurs droits, de panser leurs blessures actuelles ou historiques; de frapper d'une main de fer, tous ceux qui parmi nous, parmi les opportunistes de tout bord, les racistes, parmi les féodaux opiniâtres, quiconque entreprend une quelconque action, ou prononce le moindre mot susceptible de nous diviser ou de souffler le vent de la haine entre nous.
Demandons au gouvernement de notre pays d'instaurer la justice dans le pays, pour que le visage de notre fonction publique, les rangs de notre armée nationale, les différents rouages étatiques de la Mauritanie soient une traduction fidèle de nos composantes nationales qui toutes, nous sont aussi chères qu'indispensables.
Nous demandons aux responsables d'agir en sorte que chaque citoyen de la république se sente bien dans sa peau, dans son sang. Et qu'il se convainc d'appartenir à un pays qui le respecte et l'aime. Un pays qui protège ses droits, tout en l'encadrant dans l'accomplissement de ses devoirs. Nous savons que sans justice pour tous, le rêve d'une Mauritanie digne et prospère, qui a animé nos espoirs depuis les indépendances, s'arrête avec ceux qui en répondront devant Dieu.
Enfin nous demandons à tous les frères qui a un moment ou un autre se sont vu affectés par ces douloureuses secousses qui ont perturbé le cours normal de notre évolution nationale, de traiter les problèmes, tous les problèmes, sans passion et dans la volonté première de corriger sans détruire et de redresser sans blesser.
Nous avons tellement souffert qu'augmenter les souffrances relève du crime. Donner à ce pays la chance de se repentir de se ressaisir et de se rectifier dans la paix.
Et sachez qu'Allah (swat) a dit dans le livre qui est entre vos mains : "Et dis il ne nous arrivera que ce qui nous a été prescrit par Allah, il est notre Patron et a Dieu les croyants doivent faire confiance" Coran Etewba-51. (Le repentir).
Mohamed Hanefi. Koweït.
source:cridem |