L'édito de MFO |
L’assassinat odieux du journaliste italien par un groupe Jihadiste de Gaza est venu nous rappeler que la bataille des valeurs modernes positives est loin d’être gagnée dans le Monde arabo-musulman. Comme elle nous indique que les forces du Mal sont encore présentes parmi nous. Ce n’est pas parce que la rue arabe (et islamique) connait une ébullition prometteuse que nous devons croire que nous avons vaincu ce qu’il y a de plus obscure en nous. Et de pire pour nous. Excroissance de l’obscurantisme de nos pouvoirs, les mouvements politiques prônant la violence en se basant sur des lectures erronées des textes religieux, ces mouvements ont servi, en le justifiant, l’arbitraire qui s’est abattu sur nous depuis des décennies. Les régimes qui régnaient – qui règnent encore – sur notre espace ont su s’en servir comme d’épouvantails. Les nourrissant pour les entretenir, les «revivifiant» quand ils en avaient besoin. A telle enseigne qu’on avait fini par croire que la seule alternative à ces régimes corrompus et souvent sanguinaires, c’était le chao. Il faut dire que le seul projet que nous proposent les Jihadistes est celui-là : le chao et la mort. Qu’est-ce qu’il faut dire de ceux qui sèment mort et désolation ? Ce qui se passe présente présentement sur les scènes arabes aurait dû poursuivre les «envolées» égyptienne et tunisienne qui se sont inscrite en faite dans un processus de libération du génie créateur et d’établissement d’une opinion publique ayant son mot à dire. Ce qu’il y a de plus beau dans les deux soulèvements, c’est cet ancrage dans la Modernité, avec notamment la mis en avant de valeurs universelles d’humanisme. C’est «quelque chose» qui va donner inévitablement «quelque chose», pour parler comme chez moi. Le Yémen, la Jordanie et surtout la Libye sont venus nous rappeler que l’explosion peut mener ailleurs que vers l’établissement d’un nouvel ordre fait de rêves, de justice et d’égalité. On dira toujours que les gouvernants sont responsables de l’atomisation de leurs sociétés. Que cette atomisation a donné la tribalisation excessive laquelle a provoqué les dérapages actuels. Aux déstructurations internes, il faut ajouter les interférences extérieures inspirées – toujours – par la volonté de profiter des ressources, d’affaiblir un ennemi potentiel, de faire payer à un régime – ou à une idéologie – l’engagement qui peut être le sien… Qui croit que la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou les autres agissent pour le bien de nos peuples ? Pour asseoir la démocratie ? Ce sont ces pays qui ont soutenu, des décennies durant les dictateurs dont certains sévissent encore. Le passage d’un gouvernement français soutenant jusqu’au bout Zinedine Ben Ali ne sera pas effacé par l’empressement de reconnaitre la direction d’une révolution libyenne encore en gestation. Pour venir en aide à nos peuples opprimés et privés de bien-être ? Ce sont ces puissances qui ont profité de la corruption de ces gouvernants qui plaçaient tous leurs biens chez eux, soit pour les fructifier, soit pour les mettre en sécurité. Des décennies durant, cela ne les a pas dérangés. A Benghazi, dans l’hôtel Tibesti qui fait office de République pour les «révolutionnaires» libyens, il y a une atmosphère qui ne présage rien de bon. Les barbouzes partout. Ici des militaires qataris qui se déguisent en tunisiens et qui occupent une aile de l’hôtel. Là des diplomates français et britanniques entourés de forces spéciales en civil. Ailleurs ce sont des philosophes, des intellectuels comme le français Bernard-Henri Levy (BHL, pour les intimes). Chacun y va de son discours, de ses orientations, de son encadrement pour la «direction» - y a-t-il seulement une direction ? – de la «révolution libyenne». A voir cette foire d’empoigne, on ne peut qu’être atterré, inquiet pour les plus optimistes. Bernard-Henri Levy, le plus sioniste de l’intelligentsia mondiale, le plus pro-israélien et le plus anti-arabe des intellectuels français, celui-là même qui peut être considéré comme l’un des idéologues de l’islamophobie… lui là… ici, au milieu de tous ces barbus qui affichent leurs engagements politiques profondément marqués par le religieux… qui l’écoutent, qui lui obéissent parfois… non, décidément il y a des choses «qui ne ressemblent pas à quelque chose» dans cette Libye meurtrie par quatre décennies d’un régime qui n’a rien pu asseoir. Même une idéologie unitaire pour l’espace et ses occupants. Quand il y a eu les révoltes de Tunisie et d’Egypte, les ennemis de cette évolution heureuse sont en nous, parmi nous. Leur grand souci fut de détourner, de dénaturer l’ébullition qui prenait l’allure d’une libération de l’homme arabe, pour en limiter les effets et la portée. Ne nous étonnons pas de voir ranimés les déchirures religieuses en Egypte, tribales et sectaires ailleurs. Ne nous étonnons pas non plus de voir les adeptes de la violence politique, expression de l’obscurantisme idéologique longtemps cultivé chez nous, ne nous étonnons pas de les voir reprendre du service. Tout cela procède de la même logique : ramener le Monde Arabe en arrière. Reste à savoir si les pas franchis n’ont pas donné une évolution irréversible. Vittorio Arrigoni, ce jeune militant pacifiste italien, porteur d’un idéal de justice et d’équité, un nom qui devrait être ajouté aux milliers des nôtres, morts pour un monde meilleur, une humanité meilleure, mort «pour quelque chose» qui veut dire quelque chose… Nous saluons sa mémoire ici. MFO La Tribune N°546 du 18 avril 2011
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Mardi, 19 Avril 2011 17:23 |