L'édito de MFO |
Décidément, nous avons la mémoire courte… très courte… c’est parce qu’on ne parle pas assez de nos expériences – bonnes et mauvaises – du passé. Cette dernière dizaine de jours, nous avons eu tous les ingrédients qui ont fait avril 1989. Voulu ou pas, le décor a été planté.
Une «forte» crise avec le Sénégal, amplifiée par une presse «qui ne regarde pas derrière elle» - je préfère traduire cette expression populaire plutôt que d’utiliser des mots qui vont fatalement mener à l’irresponsabilité. L’accord sur le transport entre les deux pays a été quelque peu «perturbé» par les opérateurs sénégalais qui commençaient à souffrir la concurrence des bus, encore en bon état, de leurs homologues mauritaniens. Réplique mauritanienne. De mesure en mesure, on en est arrivé à une perturbation dans les transports entre les deux pays. Juste une perturbation que les autorités étaient en passe de régler. Arrive l’opération de police qui fait suite aux manifestations de nationaux mauritaniens concernant la trop forte présence de la main d’œuvre étrangère illégale. Une opération qui aboutit à l’arrestation de plusieurs africains dont certainement quelques sénégalais. Cela se transforme en «chasse aux sénégalais en représailles aux mesures prises par le Sénégal dans ce qui a conduit à la crise ouverte entre les deux pays». Les textes diffusés par quelques sites arabophones sont vite repris par la PANA et APA qui font feu de tout bois. Heureusement que peu de journaux sénégalais ont repris ces dépêches… On a encore en tête comment les fausses informations diffusées en 1989 furent largement à l’origine des massacres commis ici et là. Puis arrivent les événements de l’Université. Parties d’une opération de fraude lors de l’élection d’un bureau d’une association estudiantine, les manifestations ont pris l’aspect d’un affrontement ethnique. L’administration de l’Université de Nouakchott a-t-elle poussé, encouragé, préparé les esprits pour un tel aboutissement ? Ses détracteurs veulent bien le faire savoir. Mais nous croyons quant à nous que la préparation psychique et mentale des politiques en perte de vitesse est beaucoup plus déterminante dans la suite des évènements. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ou presque, nous avons assisté à une surenchère des syndicats estudiantins affiliés aux formations politiques – reconnues ou non. Surenchère qui a évolué nécessairement vers la «revivification du fait ethnique». C’est fatalement le recours quand on a plus d’argument à avancer dans ce pays. On joue avec le feu. C’est d’autant plus dangereux que ceux qui mènent la manœuvre ne savent pas où peuvent mener leur entreprise. Ils peuvent actionner la machine mais pour l’arrêter, ils manquent l’expertise et le courage. La fermeture, même temporaire, de l’Université est un aveu d’échec de son administration et des services de sécurité. Pour éviter les complications attendues, il fallait faire du campus – de ce qui en fait office – une aire de débats en vue de réaliser une catharsis collective. Pas fermer les portes devant les étudiants et leur laisser entendre qu’il n’y a de solution – côté officiel – que l’abdication devant le mouvement estudiantin. On attendait plus et mieux des autorités universitaires et du super ministère de l’éducation nationale. Au moins nous avons là la preuve – en cas de besoin – de la carence de l’autorité chargée de gérer le secteur de l’éducation. Comment peut-on en espérer la conception puis la mise en œuvre de la grande refonte espérée depuis tant d’années, et promise par le pouvoir au lendemain de l’élection de juillet 2009 ? Non ! décidément, ce n’est pas cette administration-là qui va remettre sur les rails l’école mauritanienne… Mais parons au plus pressé. Comment empêcher les «apprentis sorciers» - expression usitée pour désigner ceux qui sont supposés être derrière les évènements -, comment les empêcher d’occuper le pays, de bouffer les énergies dans des batailles qui ne méritent pas d’être menées ? J’ai toujours soutenu que le pouvoir d’Ould Abdel Aziz sous-estime la capacité de nuisance des ennemis du changement. Je crois aussi que les forces progressistes de ce pays ont manqué de lucidité en refusant de faire barrage devant les déferlantes de l’ancien régime. Elles sont allées jusqu’à servir de «blanchisserie» publique (et gratuite) aux serviteurs de l’ancien régime. Qui ont coordonné avant de converger vers le centre de décision au sein de toutes les formations politiques. Nous payons pour avoir eu la mémoire courte… trop courte… Pendant deux semaines, nous avons été suspendus à la probabilité d’une réunion entre les partis de la Majorité et le Président de la République. Depuis des semaines, nous sommes en attente de savoir quelles suites peuvent être données aux coordinations entre les différentes composantes de l’opposition. Nous avons été suspendus à ce qui pouvait être proposé, pour éviter le pire, par : Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine, Sangott Ousmane, Yahya Ould Ahmed Waghf, Tahya Mint Lehbib, Saleh Ould Hanenna, Sidi Ould Kleib… et de l’autre côté : Ahmed Ould Daddah, Jemil Mansour, Yahya Ould Sid’el Moustaph, Moussa Fall… Décidément, nous avons la mémoire courte… très courte… «Trop» certainement pour toujours refaire le chemin d’hier. Celui qui nous a menés là où nous sommes. La Tribune N°547 du 25 avril 2011 |
Dimanche, 24 Avril 2011 21:47 |