Monsieur le président, comme de coutume, je me dois de vous livrer avec sincérité ma grande déception de votre discours tant attendu. Le verbiage politique, la farce populaire et les nombreux virages ratés donnent un goût de déjà vu à ce grand rendez-vous du donner et du recevoir.
Sans vous mentir, votre courage est à saluer car pour un militaire l’exercice n’est point facile, surtout s’il se trouve que votre équipe de communication est loin d’être à la hauteur.
Mais, cela ne doit point me conduire à rompre mon engagement moral envers vous et envers le peuple. Sans franchise, il ne nous sera point possible de corriger et d’effectuer ensemble la longue marche vers l’avenir.
Loin du champ d’honneur et d’un coin très reculé de la planète où internet, la télévision et la radio Mauritanienne passent difficilement, j’ai pu malgré tout vous suivre.
Mais, je dois vous confesser que mon sentiment est que vous avez raté le virage, driblé le peuple et taclé l’opposition. Un sentiment que je dois partager avec de nombreux Mauritaniens, loin des partisanneries, des courtisaneries et des applaudissements de circonstance.
Pendant que le peuple vous attendait en chef d’état ou président de la République, vous vous êtes présenté en homme politique animé par l’objectif de prouver que vous avez raison sur toute la ligne et que votre vision est l’unique et la bonne.
Votre argumentation a manqué de scientificité. Vos accusations étaient presque gratuites. Et vos explications laissaient voir la queue du diable. Excusez ma franchise mais c’est juste pour vous rendre service et rendre service à mon pays.
D’abord, le fait de prendre en main toute la communication de votre gouvernement montre que votre équipe peine a lever le pied. A votre place, l’accord de pèche et la lutte contre Aqmi seraient au menu de la cuisine des ministres de tutelle et je m’abstiendrai, en tant que président, à faire comprendre que toutes les voix qui se sont levées contre l’accord avec les chinois sont animés par des intérêts égoïstes et personnels.
Ayant été l’un des premiers à écrire sur ce sujet, je peux vous rassurer que la motivation n’est autre que les termes suicidaires de la police contractuelle, dont j’ai eu copie. Et les personnes visées pourront dire autant de votre camp.
Qui a raison ou pas ?
Là n’est pas la question. Demandez-vous si l’accord n’est pas une forme de gabegie ou un diktat chinois (surtout que vous affirmez ne pas intervenir dans certaines choses) ?
Ensuite, votre réponse sur les opérations d’enrolement pèche vraiment dans un manque de prudence ou montre une incompétence grave de vos services de communication. En affirmant que l’opération ne vise pas à exclure la communauté négro-Mauritanienne (et non négro-africaine), vous ne vous êtes pas posez la bonne question :
Est-ce que la procédure actuelle n’est pas raciste ou ne conduit-elle pas à l’exclusion de nos concitoyens ? Ou c’est comme ca que vous la voulez ?
L’argument avancé pour étaler vos dires pose une interrogation qui est loin de jouer à votre faveur : en affirmant que le plus grand nombre de personnes recensées se trouvent dans les régions négro-Mauritaniennes (et non négro-africaines), ne donnez-vous pas raison à ceux qui pensent que seuls ces derniers ont besoin de prouver leur Mauritanité ?
Sinon, comment pouvez-vous l’expliquer s’il est vrai que l’autre frange qui vous sert de comparaison est majoritaire ?
Le nombre de rejetés serait plus explicite pour prouver de telles affirmations. La vérité est que les négro-Mauritaniens sont les seuls suspectés de nationalité douteuse. Mais, ne pensez-vous pas que des arabes ont aussi illégalement la nationalité Mauritanienne ?
Votre lecture de la nationalité pose un problème d’objectivité et la détention de la double nationalité par certains proches et membres du gouvernement rend complexe votre position. En de pareille circonstance, il est souhaitable de nous citer des articles pour éviter qu’on vous prête la place de la loi. Si tel est le cas, on ferait mieux d’arrêter de rêver à un état de droit.
Enfin, la frustration est aujourd’hui réelle et partagée par la majorité de cette population à dominance jeune. Le chômage, lamarginalisation, l’injustice et la politisation sont aujourd’hui le quotidien de ce peuple que vous promettez terre et ciel sans qu’il ne voit les étoiles.
Nous nous devons de dépasser les faux débats et les projections. Le peuple veut du concret et rien que des actes. Aucun peuple ne peut se développer sans éducation, et c’est par la qu’il fallait commencer.
Croyez-moi, les états généraux ne feront qu’assassiner le peu qui reste de notre médiocre système. Aussi médiocre que cette opposition sans principe et à la quelle vous venez de donner un cartonne rouge.
Reconnaissez, Mr le président, que sur élections, il n’était pas question de report ou de maintien de la date, mais principalement de répondre à la question des milliers de Mauritaniens qui ont l’âge de voter et à qui vous privez le droit constitutionnel de participer à la gestion de la citer.
Mr le président, par votre voix, permettez-moi de souhaiter un très bon ramadan à mon peuple et à tous mes frères et sœurs musulmans du monde. Qu’Allah guide nos pas et nous donne la force de vivre pour lui, rien que pour lui et de mourir sur son champ de la vérité ( el haq) et de la soumission (el islam). Amine
Cissé Housseynou Birama
L’avocat du peuple |